Ramel, Frédéric (2022). La bienveillance dans les relations internationales. Paris : CNRS Éditions.

RG, v8 n2, 2022

Ramel, Frédéric (2022). La bienveillance dans les relations internationales. Paris : CNRS Éditions.

Frédéric Ramel est professeur agrégé d’université. Directeur du département de science politique à l’Institut d’études politiques de Paris (IEP), il fut également directeur scientifique de l’Institut de recherche stratégique de l’Ecole militaire (IRSEM). Il a publié de nombreux ouvrages, dont le Dictionnaire de la guerre et de la paix (2017) et Philosophie des relations internationales (2002), et écrit plusieurs articles scientifiques dans des revues de référence, dont la Revue française de science politique. Ses objets d’études portent principalement sur les organisations internationales mais également sur la théorie des relations internationales, la philosophie et la science politique.

Contexte général de l’œuvre

Cette œuvre a été publiée en janvier 2022, à une époque où le monde faisait toujours face à la crise sanitaire liée à la pandémie de COVID-19 et un mois avant l’invasion russe de l’Ukraine. Le rappel non-exhaustif qui va suivre intervient dans le but de poser un contexte à la parution de cet ouvrage et également de mieux appréhender le principe actif de la bienveillance dans les relations internationales, en particulier dans un cadre aussi difficile que la crise sanitaire. Depuis plus de deux ans, la planète vit au rythme de nouvelles configurations géopolitiques en partie liées à cette crise sanitaire. De par la nature extraordinaire de cette pandémie, et également en raison de ses capacités létales avancées, la plupart des pays décidèrent l’isolement pour leur propre population et une reconfiguration des relations interétatiques à travers la planète. Pour lutter contre la COVID-19, la nécessité de mettre en place une coopération accélérée se matérialisa, en particulier dans la mesure où il ne fallait pas céder à l’accusation circonstanciée consistant à rejeter la responsabilité de la propagation du virus sur tel ou tel État. La bienveillance dans la coopération trouva donc un écho particulier dans le cadre de cette pandémie et de cette globalisation, en particulier dans le cadre d’une compréhension généralisée sur les malheurs que pouvait subir telle ou telle population, que cela soit en termes de manques de moyens médicaux, du nombre de décès, etc.

Exposé global des arguments et du sujet

Après deux guerres mondiales et plusieurs autres conflits dans des régions où la paix semble impossible, il apparaît comme étant crucial, dans le monde du XXIe siècle, de s’employer à appliquer les principes humanistes qui ont émergé suite aux atrocités du second conflit mondial. Les principes onusiens de paix universelle, tels que le respect de la souveraineté ou l’égalité de traitement de chacun des pays, semblent fonder une nébuleuse dont la bienveillance se voudrait l’héritière. Ce qui semble primer en termes de bienveillance internationale, sans pour autant verser dans la sensiblerie excessive, c’est la sensibilité sous l’angle de la compréhension. Abordée sous l’angle de la compréhension et d’une obligation morale dans le cadre d’une application de principes humanistes fondamentaux, la sensibilité semblerait dégager une voie non-négligeable vers une construction de paix. En ce sens, la bienveillance dans les relations internationales amènerait à une coopération entre nations sur une base plus humaine. De façon globale, la bienveillance dans les relations internationales trouve un certain écho dans le contexte de mondialisation que nous vivons actuellement.             Car, de manière générale, la mondialisation, concept par lequel les acteurs internationaux considèrent le monde comme un seul et unique marché, peut instaurer une concurrence féroce entre nations dans un espace globalisé de conquêtes économiques, d’influence politiques, etc. D’une manière générale, la bienveillance, sans nier cela, tend à détourner les acteurs de cette compétition effrénée pour mieux se rapprocher de valeurs humanistes. Dans le cadre de la pandémie, cette bienveillance s’est muée en exercices de compréhension et d’une solidarité en termes de compensations pour pallier au manque de vaccins, de moyens médicaux, d’expertises scientifiques, etc.

Dans un tout autre registre, l’ouvrage se présente également comme une sorte de guide mais aussi comme un éveilleur de conscience par rapport à l’importance de maintenir un climat favorable à la paix à travers le monde. En effet, Frédéric Ramel, dans l’exposé global de ses arguments en faveur de la bienveillance dans les relations internationales, préconise d’accroître la sensibilisation au milieu mondial, et ceci dans le sens où des efforts doivent être entrepris au niveau de la justice mondiale que l’auteur juge assez incomplète pour ne pas dire défectueuse. Frédéric Ramel estime que les institutions juridiques internationales, qui devraient promouvoir la bienveillance dans les relations internationales, sont encore loin d’atteindre un tel objectif. Il met aussi en garde contre une promotion démesurée du bien dans le sens où vouloir la bienveillance ne doit pas signifier l’ingérence décomplexée et sournoise. L’auteur évoque également une mondialisation se confondant avec l’autorité des nations, laquelle peut balayer toute source de bienveillance dans la course au profit et à la conquête économique. Mais, d’une façon générale, cet ouvrage se présente aussi comme un guide pratique en termes de bienveillance internationale car il choisit de décliner cette même bienveillance en un ensemble concret de valeurs, des valeurs dont la vocation première est d’être diffusée afin de pérenniser une paix mondiale fragile par définition. D’ailleurs, l’auteur rappelle lui-même que les nations elles-mêmes sont fragiles et peuvent, au vu des capacités de destruction dont on dispose aujourd’hui, notamment l’arme atomique, être détruites à l’instar de la paix mondiale.

Pour Ramel, l’intervention individuelle en faveur de la bienveillance dans les relations internationales, pour ainsi dire en complément des actions étatiques dans ce domaine, est une bonne chose mais trop souvent marginalisée car jugée peu importante ou ayant peu d’impacts réels sur l’application générale de la bienveillance au niveau des États. Sans appeler explicitement à la prudence ou à la modération, l’auteur rappelle véritablement qu’il est important que chaque action en faveur de la bienveillance dans les relations internationales, aussi infime soit elle, doit toujours être regardée avec toute la considération qui s’impose, que cela soit de la part des gouvernements ou des institutions internationales. Cela peut se manifester par la volonté de protéger l’environnement, de promouvoir des circuits courts en termes de consommation, d’adopter des conduites solidaires, etc. La considération individuelle de la bienveillance internationale rappelle ainsi toute la dimension humaine et humaniste de ce principe. La bienveillance peut donc se décliner autant à travers des actions collectives engagées par de simples citoyens que par des gouvernements dans le but de promouvoir des relations apaisées et coopératives.

Critique des idées générales

L’une des critiques principales que l’on pourrait dresser de cet ouvrage serait que, d’emblée, un constat alarmiste sur la situation mondiale, en particulier sur les effets directs de la globalisation et de la mondialisation, est posé et ceci dans le but d’aborder la nécessité d’instaurer de la bienveillance dans les interactions stratégiques entre États. Mais dans le même temps, ce constat semble nécessaire pour éclairer sur le contexte mondial en général et également dans le but de sensibiliser le lecteur sur la substance même de la bienveillance. Dans ce cadre, la dimension humaine est très appuyée. En effet, la bienveillance appelle une attention plus poussée envers différentes problématiques, la pandémie de COVID-19 étant, si l’on peut dire, l’exercice idéal pour ce type d’expérimentation. Dans son argumentation concrète, l’auteur évoque beaucoup les institutions mondiales de justice, telle que la Cour Pénal Internationale. Ce fait est extrêmement important car il permet d’associer la notion de bienveillance dans les relations internationales à un sens profond de la justice au niveau international, et ceci dans le cadre de cette promotion globale de la non-nuisance dans les relations diplomatiques. L’auteur appuie son argumentation à partir d’exemples concrets. L’un des plus significatifs est celui relatif à la poignée de main entre le président français François Mitterrand et le chancelier ouest-allemand Helmut Kohl à Douaumont en septembre 1984, lieu de mémoire majeur de la bataille de Verdun et des atrocités de la 1ere guerre mondiale. Exemple européen extrêmement significatif en termes de bienveillance et de compassion, la réconciliation franco-allemande demeure très représentative de ces actes internationaux en faveur de la paix. Le fait d’utiliser un exemple aussi célèbre pour illustrer la bienveillance dans les relations internationales est extrêmement intéressant car, dans ce cas concret, la dimension humaine et humaniste est très appuyée et permet de saisir le cœur du sujet et la substance même de la bienveillance. Les idées exposées dans cet ouvrage sont donc étayées de façon à rendre compte de l’ensemble des dimensions dans lesquelles la bienveillance dans les relations internationales peut s’inscrire.

Conclusion

La bienveillance dans les relations internationales est tributaire d’une multitude de déclinaisons. Sans être l’héritière d’une vision excessive de la paix, qui impliquerait l’ingérence ou l’hégémonie, cette dernière prône une certaine internationalisation du respect sans entrer dans la compassion à outrance. Le sens de la mesure est une valeur essentielle, ceci dans le but de rappeler que la bienveillance n’est pas une valeur de circonstance dans un monde multipolaire où la paix peut se retrouver fragilisée. La bienveillance apparaît comme une nécessité à une époque où la coopération est élevée comme un principe mondial universel.

Maxence Guilain

Étudiant en Master 2 Histoire Relations internationales Parcours Géopolitique, Université catholique de Lille

Références

Ramel, Frédéric (2017). Dictionnaire de la guerre et de la paix. Paris : PUF.

Ramel, Frédéric (2011). Philosophie des relations internationales. Paris : Presses de Sciences Po.

Laisser un commentaireAnnuler la réponse.