Tellenne, C. (2019). Introduction à la géopolitique

Tellenne, C. (2019). Introduction à la géopolitique; La Découverte, Paris, 127 p.

La géopolitique a déjà connu son effet de mode à partir des années 1990; désormais au programme des cursus de classes préparatoires et au baccalauréat en France, elle connait un nouveau regain d’intérêt auprès du grand public et du monde de l’enseignement. C’est dans ce contexte qu’on assiste à une explosion de publications en français sur le sujet.

L’ouvrage de Cédric Tellenne se veut synthétique : un ouvrage en format de poche, 127 pages pour présenter la discipline. Une première partie retrace classiquement l’histoire de la pensée géopolitique, autour de la question « de quoi la géopolitique est-elle le nom? ». L’auteur retrace l’émergence des auteurs de l’école matérialiste, Ratzel, Kjellen, Mackinder, Haushofer, avec la dérive de cette première phase de réflexion vers des raisonnements orientés politiquement et leur instrumentalisation par les fascismes de l’entre-deux-guerres. L’auteur expose ensuite le renouveau de la géopolitique, avec le rôle de géographes importants comme Yves Lacoste dans la tradition française. Soulignant que la géopolitique, « c’est d’abord de la géographie », tout en convoquant d’autres disciplines dont les sciences politiques, l’auteur propose que la géopolitique étudie la dialectique entre les pouvoirs et les territoires. Ainsi, la géopolitique « intègre évidemment l’étude des relations internationales, mais ne s’y limite pas ». L’auteur insiste avec justesse sur le rôle capital de l’analyse des représentations, subjectives et propres à chaque acteur, et de leurs discours. L’auteur poursuit en évoquant la diversification du champ d’étude de la géopolitique, avec l’émergence de concepts comme la géoéconomie de Luttwak ou la géoculture de Wallerstein.

Pourtant, après un départ intéressant, l’ouvrage retombe dans des orientations très classiques. La longue seconde partie porte sur la « géopolitique de la puissance et des puissances », dans une optique résolument réaliste et avec l’État comme unité d’analyse de base. Or, si cela fait bien évidemment partie de la géopolitique, c’est doublement réducteur : la géopolitique, l’auteur le soulignait en première partie, ne se limite pas aux relations internationales ; pas plus qu’elle ne se cantonne à l’analyse de la puissance, un objectif cher aux matérialistes de la première moitié du XXe siècle. On n’ira pas forcément dans le sens du livre lorsque l’auteur estime que « l’objet de la géopolitique est la puissance », car c’est fort réducteur, la géopolitique permettant non pas de dresser un inventaire des facteurs de puissance des États, mais bien d’analyser, outre les politiques de puissance des États, toute rivalité de pouvoir sur des territoires.

Une troisième partie présente les « grands enjeux géopolitiques mondiaux ».  Sont ainsi tour à tour évoqués les frontières, les mers, l’espace ; le cyberespace ; les espaces urbains ; les conflits et les guerres ; les conflits liés aux ressources naturelles (l’auteur parle de « guerres » comme si ces ressources engendraient automatiquement des conflits violents); les grands acteurs géopolitiques, États, organisations internationales papauté, grandes firmes, ONG, diasporas et migrants, et enfin le crime organisé. Éclectique, cette liste n’épuise pas le sujet et l’auteur ne le prétend pas. Elle traduit la diversité des enjeux géopolitiques même si elle fait la part belle aux États et aux conflits selon une approche très classique.

Il s’agit donc là d’une synthèse, d’une présentation rapide de quelques éléments, au reste souvent pertinents, de la géopolitique. Sans doute du fait de contraintes éditoriales, l’auteur n’a pas évoqué davantage la grande diversité de l’approche géopolitique et de ses principaux éléments méthodologiques, l’analyse multiscalaire et multitemporelle et la pluridisciplinarité. On pourra ainsi regretter une place encore importante laissée à l’analyse des relations internationales, et l’absence totale de carte, alors même que la place importante de la géographie a été soulignée avec justesse par l’auteur.

Frédéric Lasserre

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