Ce livre examine les formes émergentes de gouvernance dans l’Arctique, explorant comment différents types d’acteurs étatiques et non étatiques promeuvent et soutiennent les règles et les normes de gouvernance dans cette région. Il puise sa légitimité dans l’idée, fausse mais assez répandue, d’une région arctique aux prises avec les ambitions effrénées des États et des entreprises, dans le cadre d’une course non régulée à l’appropriation des espaces maritimes, bref d’une région en proie à une certaine anarchie. Bien sûr, il n’en est rien. Mais comment se structure la gouvernance de la région ?
Les auteurs soutiennent que le fait de limiter notre compréhension de la gouvernance de l’Arctique aux États de l’Arctique et de se concentrer sur le Conseil de l’Arctique en tant qu’instance principale de la gouvernance circumpolaire fournit une image incomplète. La gouvernance de la région ne se réduit pas à l’action du Conseil de l’Arctique ou aux débats qui y prennent place, d’abord parce que le Conseil a une histoire et qu’il a été précédé par d’autres instances de coopération dans le temps ; ensuite parce qu’il fonctionne comme un forum de discussion et non pas comme une instance décisionnelle, ce que nombre d’analystes ont de la difficulté à saisir ; et ensuite parce que d’autres institutions existent et contribuent à la gouvernance de la région.
De fait, les auteurs embrassent la complexité de la gouvernance dans l’Arctique en analysant et en comparant systématiquement la position, les interventions et l’influence de différents groupes d’acteurs cherchant à façonner l’évolution politique et économique de l’Arctique dans de multiples sites de la politique arctique, formels et informels. Ce livre évalue le potentiel des regroupements d’États comme le Arctic 5, des gouvernements infranationaux, des sociétés, des organismes de la société civile dont les entreprises, des peuples autochtones et des États non arctiques pour élaborer des normes et des standards afin de construire et promouvoir une région arctique stable et fondée sur des règles, en tenant compte du cadre politique et juridique international comme la Convention du droit de la mer ou l’Organisation maritime internationale sous l’égide de laquelle a été négocié le code polaire.
Le rôle du Conseil de l’Arctique et d’autres forums de discussion comme l’Arctic Circle, souvent dépeint comme un rival du Conseil de l’Arctique et porté par l’effet de mode en faveur de la région, est abordé, ainsi que l’histoire de la genèse et du poids politique de l’Arctic 5, regroupement informel des 5 États riverains de l’océan Arctique au sein du Conseil de l’Arctique, décrié par la Suède, la Finlande et l’Islande, qu’on croyait moribond mais qui pourtant a eu un rôle majeur dans l’accord sur le moratoire sur la pêche dans l’Arctique central de 2018. Le chapitre consacré à la paradiplomatie, la gouvernance internationale menée par les administration infraétatique, est fort intéressant. Il est également fait mention des observateurs au Conseil de l’Arctique ; leur rôle aurait gagné à être analysé plus en détail tant leur présence au sein du Conseil de l’Arctique, la Chine en particulier, cristallise appréhension et incompréhension.
Il s’agit là d’un ouvrage bien écrit, concis, bien articulé et qui propose une intéressante lecture de l’organisation politique, au sens large, de la région arctique.
Frédéric Lasserre
Directeur du CQEG