Conséquences de la guerre en Ukraine dans l’Arctique

RG v9n1, 2023

Hervé Baudu
Professeur de Sciences nautiques à l’École nationale supérieure maritime (ENSM)
Membre de l’Académie de Marine
Chercheur associé au CQEG

Frédéric Lasserre
Professeur de géographie à l’Université Laval (Québec)
Directeur du Centre Québécois d’Études géopolitiques (CQEG)

Résumé:  Depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie fin février 2022, l’espace arctique focalise un grand nombre de sanctions économiques de la part des pays occidentauax, l’Union européenne en particulier. Les conséquences pour l’économie russe est immédiate avec notamment la suspension d’un certain nombre de projets de développement d’usines d’exploitation d’hydrocarbures, Arctic LNG2 en particulier. Le retrait des entreprises européennes dans la maîtrise d’ouvrage de ce projet, l’arrêt de l’approvisionnement de technologies indispensables à son fonctionnement pourrait remettre en cause toutes les ambitions du Kremlin dans sa stratégie de développement de l’espace arctique. Mêmes conséquences pour la construction de la flotte de tankers brise-glace LNG qui devait être phase avec la mise en service d’Arctic LNG2. Cependant, Vladimir Poutine reste inflexible sur sa politique en Arctique et exhorte les industriels russes à trouver et mettre en œuvre des solutions pour palier la défection des technologies occidentales. L’absence de la Russie au Conseil de l’Arctique, la montée d’un cran sur les questions sécuritaires de l’espace boréal, la volonté du Kremlin de sécuriser plus encore la route maritime du Nord laissent craindre un regain de tension dans cette région qui bénéficiait jusqu’à alors d’un niveau de coopération exceptionnel.

 Mots-clés : guerre en Ukraine, Russie, Arctique, ressources naturelles, navigation, gouvernance.

Abstract : Since Russia’s invasion of Ukraine in February 2022, the Arctic region has been the focus of many economic sanctions by Western countries, particularly the European Union. The consequences for the Russian economy are immediate, with the suspension of several hydrocarbon plant development projects, Arctic LNG2 in particular. The withdrawal of European companies from the project and the interruption of the supply of technologies essential to its operation could affect the Kremlin’s ambitions in its strategy for the development of the Arctic region. The same is true for the construction of the LNG ice-breaking tanker fleet, which was supposed to be in phase with the commissioning of Arctic LNG2. However, Vladimir Putin remains inflexible on his Arctic policy and is pushing Russian industrialists to find and implement solutions to compensate for the defection of Western technologies. Russia’s absence from the Arctic Council, its escalation of security issues in the northern space, and the Kremlin’s desire to make the Northern Sea Route even more secure, all point to a resurgence of tension in this region, which until now has enjoyed an exceptional level of cooperation.

Keywords : war in Ukraine, Russia, Arctic, natural resources, shipping, governance.

Introduction

A la surprise générale, le 24 février 2022, la Russie envahit l’Ukraine. Les sanctions des pays occidentaux, notamment à l’initiative de l’Union européenne (UE) et des États-Unis, sont immédiates et ambitieuses. Certes, la condamnation de la Russie n’est pas unanime au vote en assemblée générale de l’ONU, notamment l’Inde et la Chine, grands pays partenaires économiques de Moscou, s’abstiennent, trop soucieux de ne pas contrarier leur allié politique. Si les sanctions visent directement et quasiment immédiatement les échanges de flux financiers, seuls le pétrole, les produits raffinés et le charbon feront l’objet d’un embargo complet. Le Japon et l’Union européenne, trop dépendants du gaz russe pour s’aligner sur la politique ferme américaine, s’engagent seulement à réduire leurs importations en attendant le développement de solutions de substitutions. L’UE se tourne alors vers les États-Unis et la Norvège pour compenser en partie ce déficit, la Chine et l’Inde en profitent pour augmenter leurs importations d’hydrocarbures à des conditions avantageuses. Sur le plan politique, dès début mars, le Conseil de l’Arctique dont la Russie assurait la présidence depuis mai 2021, décide de suspendre les activités de l’institution, puis de reprendre les travaux sans la Russie à partir de juin 2022. En réponse au maintien de l’attitude belliqueuse de la Russie en Ukraine, la Finlande et la Suède demandent leur adhésion à l’OTAN, isolant Moscou sur le plan militaire dans l’espace arctique. Face à cette fronde occidentale et l’impact des sanctions sur les grands projets industriels gaziers en Sibérie, le Kremlin n’infléchit pas sa position, condamnant avec véhémence les sanctions occidentales, poursuit sa politique d’expansion en Arctique en affirmant que rien dans cet espace ne peut se faire sans la présence de la Russie qui en occupe près de la moitié de sa superficie.

Alors, l’Arctique est-il en train de devenir un espace de tension ? Cet espace qui bénéficiait jusqu’alors d’un exceptionnalisme régional grâce notamment à son mode de gouvernance particulier faisait de l’Arctique une zone de coopération en devenir. La Russie avait pour ambition de faire de l’Arctique, un espace de développement économique ouvert. Les réactions de Vladimir Poutine face à cette fronde de sanctions économiques occidentales, à la réaffirmation de l’OTAN avec la décision de la Finlande et de la Suède d’y adhérer[1], vont-ils se traduire par un coup d’arrêt aux projets de développement économique dans l’Arctique russe ?

L’Arctique peut être qualifié d’espace contrôlé pour trois raisons. La première est géographique, avec une accessibilité des voies maritimes contrainte par la banquise, notamment en hiver où l’océan Arctique est totalement gelé mais également du fait de la présence d’un bastion militaire russe en mer de Barents fortement défendu car au cœur de la doctrine de dissuasion nucléaire de la Russie. La seconde raison est d’ordre géopolitique avec les États puissants qui bordent cet océan dont la moitié du littoral est russe. La suspension de la Russie des travaux du Conseil de l’Arctique fragilise la gouvernance de cet espace depuis la création de ce forum en 1996. Enfin, la troisième raison est économique où, du côté du continent nord-américain, l’accessibilité aux eaux arctiques est contrainte à la fois par sa géographie difficile de l’archipel canadien et la plus grande prévalence des glaces que du côté russe, mais également par la politique volontariste d’Ottawa de ne pas promouvoir le développement du trafic de transit à travers ses eaux intérieures. Ce n’est pas le cas de la Russie qui au contraire cherche activement à développer et promouvoir le passage du Nord-Est le long de ses côtes dont elle exerce un contrôle strict, à la limite de la légalité du droit maritime international, pour y favoriser le trafic de destination depuis ses sites d’extraction d’hydrocarbures et de minerais. 15% du PIB de la Fédération de Russie (Zysk, 2017) provient des sites industriels et extractifs de la Sibérie en pleine expansion, mais qui risquent de souffrir du retrait des investissements et des technologies occidentales. Nous nous attacherons à définir et à développer les raisons de l’instabilité de cet espace et des tensions sous-jacentes exacerbées par la crise de la guerre de l’Ukraine.

1.      Les conséquences de l’invasion de l’Ukraine sur l’économie sibérienne

1.1.   Les projets industriels de production d’hydrocarbures

Les sanctions économiques immédiatement déclenchées à l’encontre de la Russie sont sans précédent. À l’exception notoire de la Chine, de l’Inde, des pays du Golfe persique, tous les pays ayant des intérêts avec Moscou ont unanimement dénoncé les attaques militaires contre l’Ukraine. Très vite, les « majors » de l’industrie pétrolière et gazière ont annoncé le retrait de leurs investissements dans les projets russes, existants ou à venir. La compagnie britannique BP (BP, 2022) fut la première à annoncer vendre sa participation de 19,75 % du capital du géant pétrolier public russe Rosneft – deuxième producteur russe de pétrole après Gazprom. Le directeur général de BP a aussi démissionné du conseil d’administration de Rosneft « avec effet immédiat ». Une décision radicale et coûteuse pour BP – sa participation était valorisée à 14 milliards de dollars (Md$) fin 2021. Le groupe anglo-néerlandais Shell lui a emboîté le pas en se retirant du projet de gaz naturel liquéfié GNL Sakhalin-II, complexe gazier dans l’Extrême-Orient russe, en mer d’Okhotsk dans le Pacifique nord-est où la major a une participation de 27,5 % dans cette structure qui est détenue et exploitée à 50% par le géant gazier russe Gazprom (Shell, 2022). Shell s’est également engagée à mettre fin à sa participation de 10% du projet mort-né de gazoduc Nord Stream 2 d’un coût total estimé à 9,5 Md€ (Alifirrova, 2022). La compagnie norvégienne Equinor (ex-Statoil) a annoncé suspendre son partenariat avec Rosneft. Equinor détient 1,2 Md$ d’actifs en Russie (Solsvik, 2022). La multinationale américaine Exxon Mobil (Valle, 2022) a déclaré qu’elle se retirerait des opérations pétrolières et gazières russes qu’elle a évalué à plus de 4 Md$ et qu’elle arrêterait tout nouvel investissement. Exxon a une participation significative dans la gestion de grandes installations de production de pétrole et de gaz sur l’île de Sakhaline, mettant en risque le sort d’un projet d’installation de GNL de plusieurs milliards de dollars. Le négociant suisse en matières premières Trafigura a déclaré qu’il ne ferait aucun nouvel investissement et vendra sa participation de 10% (8,5Md$) dans le projet pétrolier Vostok Oil de Rosneft valorisé à 85 Md$, projet qui devait entrer en production en 2024 (Wallace, 2022). Idem pour la compagnie pétrolière publique indienne Oil India Ltd (OIL) (Bhaskar, 2022) qui avait exprimé son intérêt d’investir dans ce même projet pétrolier par le biais d’un consortium ainsi que dans le projet Arctic LNG 2 de Novatek en péninsule de Gydan. Bien que l’Inde soit un partenaire privilégié de la Russie, elle déclare désormais qu’elle n’a pas l’intention d’investir dans l’immédiat en Russie. En revanche, le Premier ministre japonais Fumio Kishida a déclaré que la guerre en Ukraine ne devait pas affecter la mise en œuvre du projet Sakhaline-2 dont le Japon est actionnaire (Sakhalin Energy). Déclaration dans le même sens pour le géant français TotalEnergies, actionnaire à hauteur de 19,4 % de l’entreprise privée russe Novatek qui ne souhaitait pas se retirer du projet Arctic LNG2 dont il est actionnaire à 10% aux côtés des Chinois (29,9 % de Yamal LNG et 20 % d’Arctic LNG 2), des Japonais et de son actionnaire principal Novatek (Stemler, 2022). Même la compagnie chinoise Sinopec a décidé en mars 2022 de suspendre ses projets d’investissement gaziers et pétroliers en Russie (Razmanova et al, 2023).

Si les entreprises comme BP ou Shell ont déjà rentabilisé leurs investissements, leur retrait dans des projets sera pénalisante mais leurs parts ont été rachetées aux conditions du marché, ce qui peut limiter leurs pertes. À l’été 2022, TotalEnergies finit par céder aux pressions européennes et annonça se désengager complétement des investissements de production d’hydrocarbures russes avec une perte estimée à 4,1 Md€[2] (Corric, 2022). L’entreprise franco-américaine Technip FMC (filiale française Technip Energy pour le projet Arctic LNG2) avec son homologue italien Saipam avaient remporté en juillet 2019 le contrat d’ingénierie pour la conception, la construction et la mise en service du projet d’Arctic LNG2 pour un montant de 7,6 Md$, le projet total étant estimé à 25,5Md$, presqu’autant que celui de Yamal LNG (GNL Prime, 2022). Ils finiront par quitter la Russie et abandonner le projet à l’été 2022. Le retrait des investisseurs et industriels occidentaux affectera assurément tous les projets de production gaziers russes en développement en Sibérie et dans l’Extrême-Orient russe dont les technologies mises en place dépendent du savoir-faire de ces pays industrialisés. Ce sont les quatre plus importants projets de plusieurs dizaines de milliards de dollars d’investissement, Vostok Oil, Arctic LNG2, Sakhaline 2, Ob LNG qui risquent de prendre du retard et ne pas atteindre les capacités de production souhaitées (Schreiber, 2022).

Figure 1 : sites de production gaziers en Sibérie

Ce sont ces derniers projets qui devaient contribuer à assurer une grande partie des exportations d’hydrocarbures dont la Russie en tire une grande partie des 15% de son PIB. C’est celui d’Arctic LNG2 de Novatek, plus grosse entreprise gazière privée russe qui risque d’être le plus pénalisé. Le gigantesque chantier Belokamenka près de Mourmansk est en train d’achever la construction du 1er train des trois trains de liquéfaction de l’usine située en péninsule de Gydan, en face celle de Yamal LNG à Sabetta. Chaque train doit pouvoir produire 6,6 Mt de GNL. Le premier train construit sur une immense barge, structure gravitaire (GBS) en béton d’une longueur de 330 m, d’une largeur 152 m et d’une hauteur et 30 m, aurait dû être remorqué à l’été 2022 sur la côte est de la péninsule de Gydan où un port, Sever, est en cours de construction. Le premier train devait entrer en production à l’été 2023, le second en 2024 et le dernier en 2025. La suspension d’approvisionnement des technologies cryogéniques occidentales a bloqué la progression nominale des travaux du projet Arctic LNG2, notamment avec la fourniture des turbines américaines Baker Hughes, des échangeurs de chaleur Linde et des compresseurs Siemens allemands. Seules quatre turbines sur les sept nécessaires au fonctionnement du 1er train sont installées – 4 pour la compression de gaz, 3 pour la production électrique. Vingt turbines LM 9000GT de puissance nominale de 73,5 MW[3] avaient été commandées au fabricant américain Baker Hughes, seules les 4 du 1er train ont été livrées (Humpert, 2022a). Suspendue en mai 2022, la construction des modules en Chine (14 par train) des deux derniers trains a repris en novembre 2022 (Staalesen, 2022). Le patron de Novatek a déclaré par ailleurs que des solutions alternatives seraient trouvées pour pallier le retrait des technologies occidentales, notamment en substituant la production de courant par turbine par une centrale électrique flottante achetée à la société turque Karpowership, 400 MW étant nécessaires par train (Kommersant, 2022d). Les experts du secteur restent cependant très sceptiques quant aux capacités russes de pouvoir produire des turbines équivalentes aux américaines et d’assurer une production électrique alternative flottante avec des barges classiques amarrées dans un port couvert par les glaces en hiver[4].

Novatek a pourtant développé sa propre technologie dite en « cascade » pour le 4ème train de l’usine Yamal LNG, mais le rendement est 3 fois moins important que l’occidental et nécessite encore des délais de mise au point. D’après Novatek, le 1er train pourrait cependant être mis en production fin 2023 avec la moitié de son rendement initial de 6,6MT de production de GNL. Seules 4 turbines sur les 7 nécessaires, 2 pour la compression et les 2 autres pour la production électrique seront en mesure de produire du GNL. La même interrogation subsiste pour les pièces détachées et la maintenance de ces turbines qui font l’objet d’un suivi très rigoureux et dont le niveau d’intervention régulier nécessite un retour en usine pour être testé sur des bans spécifiques. Cela concerne particulièrement les éléments constitutifs de la chaîne de production cryogénique (compresseurs, pompes etc.) intégrée par l’allemand Linde avec les turbines américaines Baker Hughes. En juillet 2022, ce fut d’ailleurs un sujet de polémique pour le redémarrage du gazoduc North Stream 1 entre l’exploitant allemand et Gazprom, la turbine Siemens étant en maintenance au Canada (La Tribune, 2022). Les problématiques sont les mêmes sur le projet Sakhalin-2 avec les turbines américaines Baker Hughes Frame 7EA d’une puissance de 90 MW (Kommersant, 2022a). Les sanctions appliquées à ces matériels de haute technologie sont un moyen de pression efficace sur la performance de ces usines. Le 3ème projet de Novatek, Ob LNG à proximité de Yamal LNG, dont les décisions d’investissement devraient être prises, n’atteindra pas les performances envisagées car toute la technologie des trains de liquéfaction reposait sur les mêmes choix technologiques des deux autres usines, notamment les turbines américaines dont Novatek détenait une licence pour 12 trains (Kommersant, 2020).

Il est peu probable que cette fois-ci la vente de ces matériels puisse passer sous les radars des sanctions économiques comme ce fut le cas pour les turbines américaines vendus à travers une filière chinoise pour le projet similaire Yamal LNG entré en service en 2017, alors que le projet était sous le coup des sanctions occidentales à la suite de l’annexion de la Crimée par la Russie en 2014. En raison du désengagement des investisseurs occidentaux, le projet Arctic LNG2 a été repris par deux nouveaux entrepreneurs, Nova Energies contrôlé par le russe Nipigaz et une entité nouvellement enregistrée aux Émirats arabes unis, Green Energy Solutions (Kommersant, 2022b). Des industries chinoises (CNOOC, CNPC et Sinopec) envisagent d’acheter la participation de Shell dans le projet Sakhalin-2 dirigé par Gazprom. Pour ce qui concerne les deux autres gros projets en cours, pétrolier de Vostok Oil du géant russe Rosneft et charbonnier AEON, tous deux en péninsule de Taymyr, ils sont peu impactés par les sanctions occidentales car le niveau d’ingénierie est nettement moins élevé que les projets gaziers.

Figure 2 : sites de production de pétrole et de minerais en Sibérie occidentale.

Toutes ces multiples mesures de sanctions appliquées aux entités détenues ou contrôlées par le gouvernement russe, Gazprom, Gazprom Neft, Sovcomflot etc. ou aux entreprises privées proches du pouvoir – Novatek – visaient à infléchir la politique belliqueuse de l’homme fort du Kremlin. Au regard de l’enlisement du conflit en Ukraine, on peut douter de leur efficacité, du moins sur les intentions du Kremlin de poursuivre le conflit. Les perspectives hypothétiques de développement à moyen et long terme des projets de production d’hydrocarbures en Sibérie, obérant des revenus futurs considérables, auraient dû être un argument suffisant pour tempérer la politique du maître du Kremlin. Vladimir Poutine a maintes fois répété dans ses interventions à l’occasion de forums consacrés à l’Arctique, que les entreprises devaient faire preuve d’ingéniosité pour trouver des solutions technologiques qui puissent s’affranchir de la dépendance industrielle occidentale. Il a été débloqué des fonds spéciaux pour la Recherche et Développement dans des secteurs clés comme les turbines à gaz. La Russie s’est même rapprochée de l’Iran qui dispose d’un savoir-faire dans ces technologies en échange d’un accompagnement dans le développement de leur programme nucléaire civil (PressTV, 2022).

1.2.   Les impacts de la guerre sur les exportations d’hydrocarbures russes

Contrairement à une idée reçue, l’Union européenne n’a pas cherché à entraver les exportations présentes de gaz russe. Trop dépendante envers cette source d’énergie à court terme, les Européens en particulier et les Occidentaux en général ont plutôt cherché à réduire la capacité russe à poursuivre le développement des gisements arctiques, à travers des sanctions industrielles affectant la possibilité pour des entreprises de poursuivre la fourniture d’équipements et de technologie nécessaires à la mise en valeur de nouveaux gisements et à la liquéfaction du gaz naturel en GNL. Si les Européens ont cherché à réduire leurs importations de gaz russe par les gazoducs, ce n’était pas tant par le biais de sanctions et pour affecter la Russie, que pour se prémunir contre le risque économique que représentait leur forte dépendance envers cette source d’énergie. La réduction de cette dépendance et des importations européennes avait été amorcée avant la guerre en Ukraine et était perceptible dès février 2021. A cette date, les importations européennes en provenance de Russie (gazoduc et GNL) représentaient 48% des livraisons de gaz. En février 2022, au déclenchement de la guerre, elles étaient déjà passées à 35,7%, pour atteindre 12,9% en novembre (Conseil européen, 2023).

Cette forte dépendance des pays européens envers le gaz russe[5] s’est traduite par l’augmentation rapide des importations de GNL, en provenance des États-Unis, de la Norvège, du Qatar et du Nigéria, mais aussi massivement de la Russie (Carter, 2023). Si les importations de gaz par les gazoducs se sont effondrées, c’est bien du fait de Moscou : c’est la Russie qui, dans une grande mesure, a décidé de tarir l’essentiel des livraisons vers l’Europe occidentale, accréditant par le fait même le risque politique que représentait la dépendance développée au fil des ans par les Européens. Ce qui ressemble fort au sabotage des gazoducs Nord Stream, le 26 septembre 2022, laisse ainsi en suspens l’acteur derrière le geste : les Occidentaux, pour éviter toute tentation de reprendre les importations de gaz, ou la Russie, pour faire davantage pression sur les pays Européens particulièrement dépendants comme l’Allemagne, qui importait 55% de son gaz de Russie en 2021 ? Des informations émanant du gouvernement américain font état d’un possible sabotage d’un « groupe pro-ukrainien » (Entous et al, 20233). De fait, les livraisons de gaz russe hors CEI (Communauté des Etats Indépendants, ex-URSS) par gazoduc, exploitées par Gazprom, sont passées de 185 milliards m3 en 2021 à 101 milliards en 2022 (Enerdata, 2023). En 2021, les importations de l’UE s’élevaient à 155 milliards m3, contre 66,6 milliards (gazoduc) en 2022 et 20,4 milliards de GNL (Elijah, 2023), une baisse de 68 milliards m3.

Toutes les entreprises russes n’ont pas été affectées : Novatek a ainsi grandement bénéficié de l’expansion des achats de GNL en Europe.  Mais dans l’ensemble, la Russie a vendu moins de gaz en 2022, malgré les efforts pour réorienter ses ventes vers l’Asie et notamment la Chine (La Tribune, 2023). Les livraisons de Gazprom sont passées de 185,1 milliards m3 en 2021 à 100,9 milliards en 2022, chute non compensée par la hausse des livraisons de GNL de 10%, à 32,8 millions de tonnes ou 46 milliards m3 (Robinson, 2023 ; Tass, 2023). La production de gaz s’en ressent et a diminué de 16% au cours du 4e trimestre de 2022, frappant les activités de Gazprom, tandis que la production de Novatek, de Rosneft et de Gazprom Neft a augmenté (Energy Intelligence, 2023). En décembre 2022, les pays européens sont parvenus à se mettre d’accord sur un plafond du prix du gaz russe, à 180 euros/MWh maintenu pendant trois jours de suite (Sanchez Molina, 2022).

C’est envers les autres produits énergétiques russes que l’UE a décidé de décréter des mesures restrictives. Un embargo a ainsi été décrété envers le charbon (10 août 2022), le pétrole (5 décembre 2022)[6] et envers les produits raffinés (5 février 2023), tandis qu’un prix plafond sur les exportations russes a été établi à 60$ le baril de pétrole brut le 3 décembre 2022 par l’UE, le G7 et l’Australie, et de 45$ par baril de produit raffiné dès le 5 février 2023.

Ces mesures doivent freiner les possibilités d’exportation russe, non pas en contrôlant les transactions de vente de produits russes, ce qui est impossible, mais en sanctionnant toute entreprise occidentale qui fournirait un service dans le cas d’une livraison au-dessus du prix plafond : transporteur ou assureur principalement. Avant la mesure, les entreprises des pays du G7 fournissaient des prestations d’assurance pour 90% des cargaisons mondiales (Malingre, 2022). Cette mesure ne cherche pas à endiguer les livraisons de pétrole russe – d’autres compagnies de transport et d’assurance ont émergé, notamment des Émirats Arabes Unis (Sampson, 2022) et d’Inde (Mathonnière et al, 2022), et l’UE ne souhaite pas transformer le marché du pétrole en chaos. Si la Russie perdait tout intérêt économique à produire et retirait sa production, cela aurait eu comme conséquence de faire flamber les cours mondiaux (Malingre, 2022 ; Cooper, 2022). Il s’agit ici de forcer à la baisse les cours du brut russe vendu sur les marchés mondiaux afin de réduire le montant de ses ventes – avec semble-t-il un impact réel, le cours du brut russe évoluant depuis plusieurs mois à environ 20 $ de moins que le cours du Brent, et à près de 40$ de moins depuis décembre 2022 – et de marquer une certaine solidarité politique des 27 membres de l’UE, en coordination avec les partenaires du G7 et l’Australie (Malingre, 2022). En janvier 2023, le cours du pétrole russe (Urals) était d’environ 45$/baril contre 87$ pour le Brent, avec un décrochage significatif depuis février 2022, accentué depuis décembre 2022 et la mise en œuvre du plafond (BBC, 2023). Si la Chine a absorbé une partie du pétrole délaissé par les Européens, c’est surtout l’Inde qui a accru des achats, passés de presque rien en janvier 2002 à près de 1 million de barils par jour en novembre 2022 (Menon, 2022).

Du point de vue logistique, une flotte de pétroliers, dite « grise », souvent âgée et mal assurée, s’est développée pour contourner l’embargo. Elle vient s’ajouter aux tankers qui opèrent déjà pour le compte de l’Iran et du Venezuela sous embargo américain. Selon une estimation du courtier maritime BRS Group (Bockmann, 2022), cela représenterait maintenant environ 10 % de la flotte internationale de pétroliers. En falsifiant leur identité, en changeant de pavillon régulièrement et navigant discrètement en coupant leur transpondeur AIS[7], ces pétroliers viennent s’amarrer à couple, méthode « Ship to Ship », transborder leur cargaison sur d’autres tankers au mouillage dans des eaux internationales. C’est donc à une réorientation majeure des exportations de pétrole de Russie que l’on assiste : les livraisons par oléoduc vers l’Europe ont considérablement diminué, l’embargo bloque toute livraisons par la voie maritime, et c’est vers les clients asiatiques, Chine et surtout Inde que les producteurs russes se tournent désormais (Mathonnière et al, 2022), surtout au départ de l’Arctique où désormais les flux sont orientés vers les marchés asiatiques (Humpert, 2023a). Il est encore trop tôt pour dire quel pourrait être l’impact des sanction occidentales pesant sur les ventes de pétrole russe, mais il semble qu’à la fin de 2022 s’esquissait une baisse modérée des livraisons, estimée à environ 5 à 7% (CREA, 2023 ; Kennedy, 2023 ; Reuters, 2023).

Ainsi, de multiples sanctions ont été prises par les Occidentaux depuis le début du conflit, ou des mesures visant à réduire la dépendance européenne à l’endroit du gaz russe. Ces mesures et sanctions visent le secteur extractif russe et donc en particulier le secteur de l’énergie en Arctique. Il est encore trop tôt pour prendre la mesure de l’effet de ces décisions. Il n’est pas certain qu’elles affectent fortement le secteur mais elles semblent bien peser d’un certain poids sur la production, les revenus, la mise en œuvre de nouveaux projets et sur les directions générales des flux des livraisons.

Cependant, même si les sanctions économiques sont inédites face à un seul pays, force est de constater que la Russie résiste encore bien à ces mesures. Grâce à sa manne de ressources fossiles, Moscou a réussi à restructurer et consolider sa dette comme aucun autre pays industrialisé, lui laissant le temps nécessaire de s’adapter à ces contraintes et de financer parallèlement une guerre en Ukraine. Si l’on fait la comparaison avec les sanctions économiques déjà infligées à la Corée du Nord, à l’Iran[8], au Venezuela et même à la Russie à la suite de son annexion de la Crimée en 2014, cela interroge sur l’efficacité de ces mesures à court terme. Vladimir Poutine déclare ne pas souffrir de l’embargo occidental sur les hydrocarbures russes. Gazprom a coupé ses approvisionnements de gaz vers l’UE. Il a signé nombre de décrets pour reprendre les parts des entreprises occidentales dans les projets GNL pour les transférer à des intérêts industriels et financiers russes ou de pays alliés. Très résiliant, l’homme fort de la Russie gage sur le fait que la croissance des pays asiatiques suffira à absorber une très grande partie de sa production d’hydrocarbure, y compris celle désormais délaissée par les Occidentaux.

1.3.   Construction navale

La série des 8 trains de sanctions européennes (Conseil européen, 2022) a frappé les principales institutions financières russes, notamment les deux plus grandes banques russes – Sberbank et VTB Bank – et leurs filiales dans le monde, celles-là même qui financent en grande majorité les projets de Novatek et de Vostok Oil. L’impossibilité de pratiquer des transactions financières ont eu un effet immédiat sur l’avancement du projet Arctic LNG2 mais également sur le lancement des 21 navires classe Glace qui devait être en phase avec la mise en exploitation des 3 trains de production de LNG entre 2023 et 2025[9]. C’est ainsi que les chantiers navals sud-coréens (Shen, 2022) ont dû annuler leurs contrats avec les Russes pour défaut de paiement des navires qu’ils construisaient pour le projet de Novatek Arctic LNG2. Samsung Heavy Industries SHI, aux côtés de son partenaire russe du chantier naval Zvezda à Vladivostok, devait construire de son côté des blocs pour les 5 premiers des 15 méthaniers brise-glaces Arc7 pour le compte de Smart LNG, société mixte entre Sovcomflot et Novatek. Il devait également construire 4 méthaniers Arc4 commandés conjointement par Sovcomflot et le japonais Nippon Yusen Kabushiki Kaisha (NYK Line) en octobre 2021. Même déconvenue pour le chantier DSME Daewoo Shipbuilding & Marine Engineering qui s’était engagé en 2020 à construire 6 méthaniers Arc7 – 3 pour Mitsui OSK Lines (Jiang, 2022) et 3 pour Sovcomflot (Rowles, 2022) – livrables en 2023 d’une valeur de 872 millions de dollars (Kommersant, 2022c). L’ensemble du carnet de commandes entre 2022 et 2025, composé à la fois de navires en propriété exclusive et de navires en coentreprise, mobilisait un investissement de près de 2 milliards de dollars de la part de Novatek et des engagements de 3 milliards de dollars dans le cadre de contrats d’affrètement à long terme. Les grands motoristes finlandais Wärtsilä et allemand Man Energy ont déclaré ne plus fournir les moteurs de propulsion et générateurs des tankers Glace (Saul, 2022). Nombres de ces tankers en construction à Zvezda vont devoir trouver des solutions locales, notamment pour la fourniture de la propulsion par azipod[10] de l’équipementier suédo-suisse ABB et finlandais Wärtsilä endémique aux tankers Glace (ABB, 2023). En janvier 2023, la société française Gaztransport & Technigaz (GTT), fournisseur exclusif de systèmes de confinement à membranes des cuves de stockage de LNG, a mis fin à ses travaux avec le chantier naval russe Zvezda. L’entreprise déclare qu’elle achèvera l’installation sur les deux premiers tankers Arc7, sur le 1er train du projet Arctic LNG2 et sur les hubs LNG de Novatek (Humpert, 2023b). Ces mesures pourraient profiter à la Chine pour la construction des futurs méthaniers Arc7 ou au Japon avec un autre système de confinement de cuves sphériques de type MOSS, moins répandu. Les sanctions occidentales ne devraient pas trop affecter la cadence de sortie des brise-glaces à propulsion nucléaire issues du projet 22220, dont les 3 premiers sont déjà en service, bien que certains médias russes avancent des difficultés à trouver pour les deux derniers brise-glaces, le Yakoutia et le Tchoukotka, des équipements essentiels de substitution comme les hélices ou certains types de moteurs auxiliaires (Korabel, 2022a). Autre conséquence, la suspension par le chantier finlandais Helsinki Shipyard Oy de la construction d’un brise-glace alimenté au GNL pour le géant minier russe Norilsk Nickel (Korabel, 2022b). En revanche, les deux barges FSU (Floating Storage Unit) des hubs de déchargement LNG construites par DSME, une pour la péninsule de Kola et une seconde pour celle de Kamtchatka devraient bien être livrées courant 2023[11] (Humpert, 2023c). Ces hubs viennent se substituer, pour la partie orientale, au mouillage sur coffres à l’abri de l’ile de Kildin proche de Mourmansk, où les tankers ARC7 en provenance de Yamal LNG venaient transborder à couple leur cargaison de GNL à des méthaniers traditionnels. On peut d’ailleurs se poser la question sur la viabilité du futur hub d’Ura Guba à la frontière russo-norvégienne en raison de la baisse très significative du volume de GNL à destination de l’Europe à partir de 2023.

Le marché des assurances de la flotte marchande russe a fait également l’objet de sévères sanctions. La Lloyd’s Register, l’une des principales sociétés de classification des navires au monde a déclaré en mars 2022 qu’elle se désengagerait de la fourniture de tous les services aux actifs ou sociétés détenus, contrôlés ou gérés par la Russie (Humpert, 2022b). En réaction à ces mesures et de façon à contourner ces sanctions, l’essentiel de la flotte de Sovcomflot SCF, première compagnie maritime russe, immatriculée au registre maritime russe de la navigation (RMRS) a basculé vers le registre indien IRClass (Indian Register of Shipping) (Adjin, 2022). Selon l’IRClass, plus de 90 navires gérés par la filiale SCF Management Services devenue Sun Ship Nanagement basée à Dubaï ont déjà été certifiés (Korabel, 2022c). Le but de cet artifice est de conserver son intégration au sein de l’IACS (International Association of Classification Societies) qui regroupe les sept plus importantes sociétés de classification du monde[12]. Selon la base de données Equasis (Equasis, 2023), 81 navires de Sovcomflot sous pavillon russe ont à ce jour effectué ce transfert vers l’IRS depuis leur déclassement pour conserver la confiance des assureurs mais aussi éviter d’être la cible de contrôles trop systématiques dans les ports. En outre, les opérateurs maritimes russes, dont Sovcomflot, qui exploitent un certain nombre de navires classe Glace ont été durement touchés par des sanctions financières et ont été contraints de vendre une partie de leur flotte pour obtenir des liquidités auprès des banques russes (The Maritime Executive, 2022). Plus de 10% de la flotte de pétroliers et de transporteurs de gaz de Sovcomflot a ainsi été cédée, l’armement ne représentant plus que 111 navires. Les 15 tankers brise-glace LNG Arc7 qui assurent les livraisons de GNL à partir de l’usine de Yamal LNG ne sont cependant pas impactés et donc pas soumis aux sanctions car ils sont sous pavillon étranger (propriété des armateurs grec Dynagas, américano-canadien Teekay – Seapeak et japonais MOL), y compris le premier de la série, le SCF Christophe de Margerie, propriété de Sovcomflot mais exploité par sa filiale à Dubaï.

Ainsi, plusieurs mesures visant à restreindre la construction de nouveaux navires destinés à la mise en valeur des ressources arctiques et au transport des matières premières russes ont été mises en œuvre. D’autres visent à compliquer l’accès aux transporteurs via des restrictions aux contrats d’assurances. Plusieurs de ces mesures ralentissent effectivement l’accès de la Russie aux navires de transport ; il demeure à voir sur le long terme quel aura été l’effet cumulé de ces mesures.  Par ailleurs, on peut se demander si les sanctions ont également un impact sur le développement de la navigation commerciale dans l’Arctique.

2.      Le développement des routes maritimes arctiques

Trois routes maritimes se dessinent pour franchir l’océan Arctique. La plus directe, la route dite orthodromique qui passe par le pôle Nord, reste pour l’instant seulement praticable par des brise-glaces de classe élevée. Même si des projections du GIEC (GIEC, 2022) laissent entrevoir un océan Arctique libre de glace à partir de 2050 de façon intermittente en période estivale, elle ne représente pas à long terme d’intérêt commercial en raison des risques de glaces dérivantes, des grandes variations interannuelles, de la saisonnalité pérenne (il y aura toujours de la glace en hiver).

La seconde route est celle qui longe les côtes canadiennes et américaines, dite passage du Nord-Ouest. L’essentiel de la route praticable passe à travers l’archipel nord-canadien. Elle n’est, pour l’instant, ouverte qu’environ un mois et demi dans l’année de fin août à mi-octobre en raison de présence de banquises en provenance du centre de l’océan Arctique. Le passage le plus direct par le canal de McClure n’est donc pas vraiment praticable par un trafic maritime commercial. Ottawa considère les eaux archipélagiques comme des eaux intérieures sur lesquelles il exerce une souveraineté pleine et entière. Pour des raisons de préservation environnementale et des moyens nécessaires spécifiques à mettre en place pour sécuriser cette zone, l’État ne souhaite pas faire la promotion pour le développement de cette route maritime qui, sur le plan commercial, ne présente pas d’intérêt pour l’instant aux yeux de la plupart des compagnies maritimes. Seuls quelques navires de croisière l’empruntent pour joindre le Groenland et l’Alaska.

Enfin, la troisième route, celle qui longe les 23 000 km de côtes russes est celle qui offre le plus de potentiel. La « Sevmorput » ou Route maritime du Nord, a été commercialement ouverte en 1935 par les Russes pour desservir les ports enclavés de la Sibérie. C’est ce passage du Nord-Est reliant l’océan Pacifique Nord à l’océan Atlantique Nord qui concentre le plus d’attention. Sa partie gelée l’hiver entre le détroit de Béring et l’archipel de la Nouvelle-Zemble est nommée la Route maritime du Nord (RMN)[13].

Figure 3 : routes maritimes polaires

Le nombre de navires en transit qui l’emprunte chaque année reste cependant très faible. Son volume reste anecdotique au regard de celui qui transite entre la Chine et l’Europe via le canal de Suez. Si sur le papier, le gain en distance atteint 30 à 40%, elle n’est pas suffisamment attractive pour concurrencer le flux par l’Océan Indien. Elle pourrait tout au plus représenter une route alternative à Suez pour du transport de vrac ou de marchés niche de produits manufacturés, en période estivale, dans quelques décennies, et ce pour de multiples raisons opérationnelles et économiques. Aucun modèle climatique ne prévoit de disparition de la glace en hiver, la nuit polaire durant d’octobre à avril, la route en période hivernale est donc réservée aux seuls navires brise-glaces capables de progresser dans une banquise dont l’épaisseur moyenne est de 1m20. Même si le réchauffement climatique engendre une reconstitution plus tardive de la banquise à la fin de la période estivale, l’extension maximale de la mer gelée varie peu à la fin de l’hiver. La dislocation de la banquise en plaques de glace plus ou moins grandes (floes) s’opèrent plus rapidement, rendant les risques de collision plus importants. Des grandes plaques de banquise pluriannuelles dérivent vers l’eau libre l’été et se reconstituent au début de l’hiver en mer de Laptev et en mer des Tchouktches, constituant une banquise difficile à franchir en hiver. Sur le plan de la sécurité nautique, les infrastructures de communication et de navigation sont encore insuffisantes, idem pour les moyens d’assistance maritimes ou aériens pas assez bien répartis pour assurer une intervention efficace le long des 23000 km de côtes russes. Sur le plan économique, ce raccourci n’est pertinent qu’entre les ports nord de la Chine et les ports nord-européens (Lasserre, 2015, 2019). Or, la très grande majorité des lignes de transport conteneurisés qui assurent un voyage de transit régulier dit « juste à temps » escalent dans de nombreux ports asiatiques et en Méditerranée. Les risques engendrés par une navigation en zone polaire sont conditionnés à des surprimes d’assurance élevées, à la mise en conformité du navire à la réglementation contraignante du Code polaire (équipements de sécurité à bord supplémentaires, formation spécifique des officiers Pont etc.). Tous ces facteurs cumulés ne jouent pas en faveur d’une route commerciale régulière qui pourraient concurrencer celle qui passe par Suez. Pour preuve, toutes les grandes compagnies maritimes de transport conteneurisé entre la Chine et l’Europe ne manifestent aucune velléité à créer une ligne régulière via l’océan Arctique qui viendrait se substituer une toute petite partie de l’année à une organisation logistique déjà très optimisée.

Tableau 1. Trafic de transit le long de la Route maritime du Nord, 2011-2021

Unité : nombre de voyage, volume transporté en million de tonnes

2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019 2020 2021
Brise-glace 2 3 2 2 1 2 0 1 0 1 0
Navire gouvernemental 1 0 1 1 3 1 0 0 0 0 0
Croisière 1 0 1 3 1 1 0 0 0 1 1
Remorqueur, navire logistique, 4 5 1 1 2 4 1 2 0 6 0
Navire marchand 31 38 64 24 11 11 24 23 32 51 84
Recherche 2 0 2 0 0 0 0 0 2 0 0
Pêche 0 0 0 0 0 0 2 1 3 5 0
Total, transit officiel 41 46 71 31 18 19 27 27 37 64 85
Volume en transit (Mt) 0,8 1,3 1,2 0,3 0,1 0,2 0,2 0,5 0,7 1,2 2
Volume total transporté (Mt) 3,3 3,8 3,9 4,0 5,4 7,3 10,7 20,2 31,5 33,0 34,9
Note : Le volume transporté correspond à l’ensemble des marchandises en circulation, dont le trafic de destination vers Mourmansk.

Pour 2022 : les données disponibles semblent peu fiables et font état, selon des sources contradictoires, de 5 transits dont 4 assurés par des entreprises étrangères sur les 5 premiers mois de l’année. Le trafic total sur la RMN se serait élevé à 34 Mt pour 2022.

Source: CHNL, données compilées par F. Lasserre.

Tableau 2. Mouvements de navires dans les eaux de la Route maritime du Nord, 2016-2022

Unité : nombre de voyages, volume transporté en million de tonnes

2016 2017 2018 2019 2020 2021 2022*
Tanker 477 653 686 799 750 705 716
Méthanier 0 13 225 507 510 528
Vrac 109 49 10 18 49 94
Marchandises générales 519 515 422 546 710 800
Porte-conteneurs 169 156 150 171 171 177
Brise-glace 58 101 232 231 220 354 252
Navires gros porteurs 62 46 6 0 5 26
Ravitaillement, service 0 57 104 169 154 156
Recherche 91 87 85 93 114 138
Remorqueur 63 105 49 62 108 141
Pêche 37 38 7 15 27 25
Passagers 15 17 10 11 1 1
Plaisance 0 7 0 3 3 0
Forage, exploration 55 12 8 22 41 60
Autres 50 52 28 47 42 22
Voyages dans les eaux de la RMN 1 705 1 908 2 022 2 694 2 905 3 227 968
Volume transporté (Mt) 7,3 10,7 20,2 31,5 33,0 34,9 34 (2022)
Note * : chiffres sur les 5 premiers mois.

Source: Center for High North Logistics, CHNL, données compilées par F. Lasserre

Dans son ambitieux projet de développement économique de la zone arctique pour 2035 (Government.ru, 2019), la Russie tente de promouvoir cette route dont elle ambitionne d’en faire une route de transit alternative, concurrente à Suez en développant un service de porte-conteneurs navettes brise-glaces entre des hubs de transbordement situés aux extrémités du passage du Nord-Est, un à Mourmansk et l’autre en péninsule du Kamchatka, au même endroit que les hubs de GNL prévus pour entrer en service en 2023. Grâce à la nouvelle flotte de brise-glaces à propulsion nucléaire qui devrait être complétement effective en 2027, la Russie assure vouloir proposer ce service toute l’année à partir de 2030. Si le volume du trafic de transit est faible, en revanche, le volume de trafic dit de destination est en forte croissance car directement lié au transport des hydrocarbures et minerais exportés des gisements de Sibérie occidentale (Gunnarsson, 2021). Sur les 35 Mt du volume annuel enregistré en 2021, plus de 19 Mt proviennent de l’usine de production de gaz liquéfié de Yamal LNG en péninsule éponyme[14]. Achevée en 2018, ces trois trains assuraient à eux-seuls jusqu’alors les ¾ du volume vers les ports nord-européens et asiatiques.

À la suite des sanctions, on peut d’ailleurs s’attendre à ce que le trafic vers l’Asie augmente en raison de la baisse significative de voyages vers l’Europe, en hiver notamment. Le reste du trafic est un trafic de desserte national, en partie pétrolier des terminaux de Novy du delta de l’Ob et ceux de la mer de Petchora vers Mourmansk, pour une autre partie de transport de minerais de Norilsk et de voyages de navires gros porteurs pour la construction de nouveaux complexes industriels charbonnier, pétrolier ou gazier en Sibérie occidentale. Même si force publicité est faite autour du développement exponentiel du transit de destination lié en grande majorité au volume de GNL transporté, le nombre de navires qui assurent un voyage de destination ou de transit sur la route maritime du Nord reste intrinsèquement faible. À titre de comparaison, le volume annuel du trafic sur la RMN est équivalent au volume d’une seule journée dans le canal de Suez. La Chine, elle-même très intéressée par le potentiel de la RMN et qui jusqu’en 2021 envoyait en été une dizaine de navires faire le transit pour justifier son projet de route de la soie polaire, semble plus attentiste. On lui prête volontiers de grandes ambitions dans cet espace, autant politiques, économiques que maritimes avec, par exemple, un projet de brise-glace à propulsion nucléaire (Eiterjord, 2019) pour assurer ses propres escortes de navires, mais force est de constater que ses actions se concentrent pour l’instant sur la sécurisation des approvisionnements d’hydrocarbures en provenance de Sibérie.

Cependant, il ne faut pas sous-estimer la volonté farouche du développement de la Route maritime du Nord voulue par Vladimir Poutine. Les projets pour sécuriser cette zone sont nombreux et pour certains très avancés. Atomflot, entité étatique qui gère la RMN, disposera de sa propre couverture satellitaire polaire pour les télécommunications et la couverture glace. Les Russes ont mis en orbite le 1er satellite Arktika d’une série de quatre en février 2021. Il est prévu d’en lancer 4 autres d’ici la fin de la décennie (Korabel, 2022d). Le groupe russe Sitronics lancera 12 satellites pour assurer le fonctionnement d’un système de surveillance automatique des navires au printemps 2023 (Korabel, 2022e). Il est prévu d’en lancer un total de 70. Le satellite embarquera une charge du système d’identification automatique AIS, un système de navigation obligatoire qui permet d’identifier les navires, leurs caractéristiques, leur cap et d’autres données de voyage[15] et de suivre leur route. Auparavant, les utilisateurs russes recevaient les données nécessaires par des satellites américains. Elles sont actuellement bloquées. Les 5 brise-glaces à propulsion nucléaire de 60 MW de la série 22220 dont 3 sont déjà en service (l’Arktika, le Sibir et l’Ural) ont respecté le calendrier de mise en service prévu, performance qu’il faut souligner tant les deux précédents (le Yamal et le 50 Let Pobedy) ont eu de nombreuses années de retard avant d’être opérationnels (Korabel, 2022f). Les deux derniers (le Yakutia et le Chukotka) sont sur cales pour une mise en service respectivement en 2025 et 2027. Le 4ème brise-glace à propulsion nucléaire Yakutia sera dédié exclusivement à l’escorte du trafic des tankers du projet Vostok Oil à partir de 2024. Vladimir Poutine a même annoncé budgétiser 2 brise-glaces supplémentaires de cette même classe pour satisfaire l’augmentation du trafic de destination pour 2028 et 2030 (Arcticway, 2022). L’autre mégaprojet, Leader, un brise-glace dénommé Rossiya, lui aussi à propulsion nucléaire d’une puissance de 120 MW est en construction au chantier naval de Zvezda proche de Vladivostok, propriété de Rosneft. Il est prévu être en service en 2027 et il sera en mesure de progresser dans de la banquise de 3m pour escorter des navires d’une largeur de 48m[16]. Les technologies occidentales qui feront défaut pour ces navires (pompes cryogéniques notamment) ne seraient pas pénalisantes pour la poursuite du chantier car elles seraient remplacées par des fabricants russes (Korabel, 2022g). Selon la société d’État Rosatom, tutelle d’Atomflot qui gère la flotte des brise-glaces à propulsion nucléaire, il est nécessaire de prévoir la construction de 6 brise-glaces supplémentaires, ainsi que de 16 navires de secours d’urgence pour assurer l’exploitation durable de la route maritime du Nord.

En raison du flux de trafic hivernal qui pourrait basculer de l’Ouest vers l’Asie, Rosatom a déjà affrété le très puissant brise-glace à propulsion électrique Novorossiysk au profit de l’escorte sur la route maritime du Nord, les brise-glaces Krasin, Admiral Makarov et Kapitan Dranitsyn étant attendus en renfort pour le déglaçage des routes d’accès des ports de Sabetta et Novy Gate dans la rivière de l’Ob (Korabel, 2022h). Enfin, le Kremlin assure la sécurisation de la RMN à travers les récentes rénovations des nombreuses bases militaires qui longent le passage du Nord-Est. Cependant, ces bases armées toute l’année bénéficient surtout d’infrastructures orientées vers la détection de l’espace aérien, même si l’on y trouve des plateformes permettant de mettre en œuvre des missiles antinavires, d’une portée d’environ 300 km donc à vocation a priori largement défensive.

Les sanctions occidentales n’ont que peu de conséquences sur le trafic commercial de transit sur la RMN. Certes, les objectifs de volume de trafic de destination de 80MT pour 2024 voulus par Vladimir Poutine ne seront pas atteints car directement liés au développement des projets d’usines de production d’hydrocarbures, Arctic LNG2 en particulier. Cependant, les projets associés au développement de la RMN se poursuivent et devraient rendre la route plus sûre, notamment pour les transits hivernaux des méthaniers Arc7 qui ont débuté de façon expérimentale en 2019 (Staalesen, 2020) et qui devraient devenir réguliers à partir de 2023. La stratégie de développement de l’Arctique à l’horizon 2035 repose également sur la création et la modernisation de ports sur la RMN (Staalesen, 2019), notamment la construction de terminaux liés aux projets d’extraction des hydrocarbures et de minerais par voies maritimes, Utrenniy pour le projet gazier Arctic LNG2 en péninsule de Gydan, Bukhta Sever pour le projet pétrolier VostokOil et Yenisey pour le projet minier de NorthStar- AEON en péninsule de Taïmyr et Nagleynyn pour le projet de mine de cuivre Baimskiy en Tchoukokta.

En réaction aux sanctions occidentales, la Russie a durci les conditions d’accès à la RMN. Si réglementairement, l’article 234 de la Convention des Nations Unis sur le droit de la mer accorde un droit légitime à un État côtier de contrôler de façon non discriminatoire le trafic maritime au large de ses côtes couvertes par les glaces en cas de risque de pollution sur l’ensemble de sa ZEE[17], ce droit ne serait peut-être plus applicable dès lors que la glace ne serait plus présente pendant la « majeure partie de l’année » (art. 234). Cette interprétation n’est cependant pas acceptée par l’Administration de la Route maritime du Nord, La Russie et l’administration responsable du trafic maritime sibérien, la NSRA[18], sous la tutelle d’Atomflot, gèrent un dispositif de contrôle du trafic maritime sur tout le passage de la RMN entre le détroit de Béring et l’archipel de la Nouvelle-Zemble. La NSRA impose notamment une demande de droit de passage dont les frais inhérents dépendent de la classe Glace du navire, du nombre de zones traversées sur la RMN, de la nécessité ou non d’une escorte par un brise-glace, un pilote embarqué et de la période de l’année (NSRA, 2023). Déjà la loi fédérale du 29 décembre 2018 sur le « Code de la navigation commerciale » de la Fédération de Russie oblige que les navires qui assurent le transport des hydrocarbures et du charbon à partir de la Russie soient sous pavillon national. Les objectifs de Vladimir Poutine dans son développement accéléré des projets arctiques à travers le « plan de développement pour l’Arctique pour 2035 » ont été durcis. Une loi votée en novembre 2022 (Vasilyeva, 2022) oblige les navires d’Etat à demander l’autorisation pour traverser les eaux intérieures situées dans les eaux de la RMN[19] au plus tard 90 jours avant le jour de passage souhaité, il n’était que de 15 jours auparavant. Elle permettrait également de suspendre le passage des navires de guerre étrangers et autres navires gouvernementaux sans autre justification. Même si actuellement, aucun navire militaire de l’OTAN ne s’est avisé de transiter sur la RMN[20], cette législation russe qui est à la marge de la légalité des conventions internationales de libre circulation en haute mer irrite les Etats très attachés à la liberté de navigation, les Etats-Unis en premier. Si les enjeux géopolitiques ne sont pas équivalents à ceux que l’on peut voir en zone indopacifique, on peut néanmoins redouter une augmentation de la tension dans la zone arctique si les Américains venaient à revendiquer leur droit à la liberté de navigation en faisant des incursions dans la ZEE russes seuls ou avec ses alliés de l’OTAN. Ces FONOPS[21] seraient alors considérées par la Russie comme une agression directe dans ce qu’elle considère comme un bastion, tant en termes militaires qu’économiques. Les démonstrations de force avec des exercices récurrents de tirs de missiles, en mer de Barents en particulier, sont un signal ferme du Kremlin pour affirmer sa souveraineté dans cet espace. Les sanctions occidentales ont également entraîné des restrictions de navigation dans les ports russes, en Arctique comme en Baltique. Les compagnies de croisière norvégienne Hurtigruten Expéditions et américaine Regent Seven Seas Cruises ont annoncé leur intention de suspendre leurs escales dans les ports russes de Saint-Pétersbourg, Mourmansk, Arkhangelsk et Solovki de leurs circuits de croisière en Arctique. La Russie souhaitait développer la croisière de navires étrangers dans ces ports francs (Nilsen, 2022). Toutes les lignes de destination de fret aux conteneurs des grandes compagnies occidentales, Maersk, CMA-CGM ont suspendu leurs dessertes vers Saint-Pétersbourg. Les ports anglais ont interdit toute escale de tankers en provenance de Russie. Maersk, qui était présent en Russie depuis 1992, a annoncé qu’il vendrait tous ses actifs en Russie, y compris sa participation de 30,75 % dans l’opérateur portuaire russe Global Ports Investments.

Conclusion

Alors que nous avons vu les conséquences directes des sanctions occidentales sur l’espace arctique, nous pouvons nous interroger sur l’avenir de cette région si la guerre avec l’Ukraine s’éternise et que les relations se durcissent entre les occidentaux et la Russie. Peut-on redouter que les tensions extérieures à l’Arctique, comme c’est déjà le cas entre la Chine et les Etats-Unis, s’invitent-elles aussi entre les pays arctiques et la Russie, plus déterminée encore à s’imposer dans cet espace qu’elle a toujours revendiqué comme son « bastion ». Alors que le spectre de nouvelles tensions, pourtant souvent évoquées mais pas toujours crédibles, pourraient émerger, la Russie pourrait se sentir menacée et prôner une affirmation encore plus forte de sa souveraineté. Sur le plan sécuritaire, les tensions dans l’espace arctique ne risquent-elles pas de rediviser cette région en deux blocs  qui rappelleraient la guerre froide ? Avec le gel des échanges au sein du Conseil de l’Arctique, on pourrait craindre que la Russie cesse de s’aligner sur les avancées nécessaires à la préservation durable de l’environnement de l’océan Arctique déjà très impacté par le réchauffement climatique. Les deux partenaires de circonstances chinois et Russes ne semblent plus vouloir se plier à un modèle de gouvernance onusienne jugé trop favorable aux démocraties occidentales. Ainsi l’Arctique, jusqu’alors relativement préservé, pourrait devenir un espace de lutte politique des grandes puissances dans lequel la Russie fera tout pour s’imposer, ses ressources de l’Arctique étant une source de revenus considérables pour les décennies à venir, justifiant sa détermination à s’opposer aux puissances occidentales.

Références

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[1] Même si le processus d’adhésion de la Suède est entravé par les conditions formulées par la Turquie quant à la posture de la Suède à l’endroit des associations kurdes. En mars 2023, les négociations entre Stockholm et Ankara n’avaient toujours pas abouti.

[2] TotalEnergies a été contraint de céder ses parts mais aurait conservé le bénéfice de ses contrats à long terme d’approvisionnement de GNL liés à Yamal LNG. TotalEnergies avait investi 2Md€ dans Arctic LNG2 associé à des contrats à long terme de 25 ans et avait une participation de 10 % dans les hubs de transbordement de GNL aux extrémités de Route maritime du Nord.

[3] Turbine dérivée de celle du Boeing 777.

[4] La seule alternative viable serait la construction d’une centrale nucléaire flottante comme celle amarrée au port de Pevek en Tchoukotka, l’Akademik Lomonosov, d’une puissance de 64MW. Même s’il existe un projet de programme de construction d’une dizaine d’unités, rien n’a été planifié pour la péninsule de Gydan.

[5] En 2021, le tiers du gaz consommé dans l’Union européenne provenait de la Russie. Le deuxième fournisseur de l’UE est la Norvège. La Russie représentait 20 % des importations des 27 États membres. L’Europe était la destination de près de la moitié des exportations russes de pétrole brut, soit un peu plus d’un quart des importations de pétrole de l’UE en 2020. L’UE dépendait de la Russie pour environ 45 % de ses importations de charbon.

[6] Avec des dérogations pour la Slovaquie et la Hongrie.

[7] AIS : transpondeur embarqué obligatoire qui émet la position du navire et ses informations de voyage.

[8] En termes de contraintes technologiques et financières, la Russie a presque atteint le niveau de l’Iran. Ce pays possède la deuxième plus grande réserve de gaz au monde, dont la grande majorité est concentrée sur la côte du golfe Persique. Avant l’imposition de sanctions en raison du programme nucléaire, l’Iran prévoyait de construire 3 usines de GNL d’une capacité totale de 37 Mt par an. Après l’imposition des sanctions, les projets sont encore gelés (Kommersant, 2022e).

[9] Soit de 5 à 6 navires en exploitation par train de liquéfaction pour le projet Arctic LNG2.

[10] Une nacelle azipod entraîne une hélice qui peut tourner sur 360°, servant à la fois de propulsion et de gouvernail. Ce type de propulsion, moteur dual fuel Wärtsilä et Azipod ABB, est un standard retenu pour la très grande majorité des navires de classe de glace élevée (Baudu, 2018).

[11] Deux complexes gravitaires de transbordement offshore de GNL de 360 000m3 et d’une capacité annuelle de 21,7Mt par an sont en construction au chantier naval sud-coréen DMSE. Le premier sera amarré dans la baie d’Ura Guba en péninsule de Kola et le second dans la baie de Bechevinskaya sur la côte pacifique de la péninsule de Kamtchatka. Ces barges seront capables de recevoir 2 tankers en même temps.

[12] Les pétroliers ont traditionnellement deux types d’assurance : l’assurance Hull & Machinery (H&M) et l’assurance Protection & Indemnity (P&I). La première couvre les dommages physiques au navire, tandis que la seconde offre une protection contre un large éventail de responsabilités civiles, y compris la perte de cargaison, la collision et la pollution.

[13] En anglais NSR : Northern Sea Route.

[14] En 2021, Yamal LNG a réalisé 266 expéditions (19,5 MT), dont 199 (75%) sous contrats à long terme, les 25% restants ont été vendus sous contrats spot.

[15] Ces données sont accessibles via des portails Internet comme MarineTraffic.com, Vesselfinder.com etc.

[16] Largeur des tankers LNG Arc7.

[17] Zone maritime qui s’étend sur 200 milles marins à partir des côtes, et dans laquelle l’État côtier détient des droits souverains sur les activités économiques.

[18] NSRA : Northern Sea Route Administration.

[19] Il s’agit en particulier du passage des détroits de Sannikov et Vilkitsky dont la Russie s’est appropriée comme des Eaux intérieures alors qu’elles sont considérées par les occidentaux comme détroits internationaux avec un droit de passage inoffensif.

[20] A l’exception d’un navire auxiliaire de la Marine nationale française, le Rhône, en septembre 2018.

[21] FONOPS : Freedom Of Navigation Operations. Transit dans les eaux internationales disputées.

Les routes maritimes arctiques

Regards géopolitiques, v8n3

Hervé Baudu (2022). Les routes maritimes arctiques. Paris : L’Harmattan, 155 p.

Avec le réchauffement climatique trois fois plus important aux pôles que sur le reste de la planète, les eaux polaires arctiques sont en théorie de plus en plus accessibles au trafic maritime, et ce sur de plus en plus longues périodes estivales. Cette ouverture accroit également l’accès aux ressources naturelles en mer et dans les espaces côtiers. La construction de brise-glaces russes, les projets gigantesques d’extraction d’hydrocarbures du côté russe, et dans une moindre mesure du côté norvégien, n’ont jamais été aussi importants que dans cette décennie et viennent faire écho à l’exploitation pétrolière en Alaska active depuis les années 1970. Les routes maritimes arctiques plus courtes sont-elles appelées à concurrencer les routes classiques par les canaux de Panama et de Suez ? L’augmentation du trafic maritime est-elle source de tension dans cette zone de plus en plus soumise à son exploitation ? Cet ouvrage entreprend de mieux cerner les enjeux maritimes, environnementaux, économiques et géopolitiques liés à l’exploitation de cet espace arctique en décrivant les principes qui les régissent.

Membre de l’Académie de Marine, Hervé Baudu est professeur de sciences nautiques à l’École Nationale Supérieure Maritime. Ses travaux sur la navigation dans les glaces l’ont conduit à naviguer à de nombreuses reprises en Arctique et en Antarctique. Il est expert des sujets maritimes polaires auprès du ministère de l’Europe et des Affaires Étrangères. Son expertise est donc précieuse pour permettre de départager la réalité des clichés, encore trop nombreux, sur l’avènement de futures autoroutes polaires du seul fait de la fonte estivale de la banquise – car cela est déjà un point important : la glace sera toujours présente en Arctique en hiver et imposera donc aux armateurs une saisonnalité marquée entre un hiver très froid, dans la nuit polaire et avec des glaces annuelles conséquentes, et un été au cours duquel effectivement la tendance est au déclin rapide de la banquise, en épaisseur comme en extension.

Le plan de l’ouvrage suit une démarche analytique claire. La 1ere partie présente l’environnement dans lequel se déploie la navigation arctique, en croissance effectivement. Quelles sont les caractéristiques environnementales de l’espace arctique et comment les changements climatiques l’ont-ils marqué ? Quelles sont les routes maritimes développées, en soulignant bien la différence entre trafic de destination, en croissance – les navires qui viennent dans l’Arctique pour y effectuer une activité économique, desserte des communautés, pêche, tourisme ou extraction des ressources – et le trafic de transit, les navires qui s’efforcent de mettre à profit la distance plus courte entre Asie et Europe via les eaux arctiques, un trafic encore fort limité.  L’auteur présente également les infrastructures de la Route maritime du Nord, côté russe donc, soulignant la faiblesse des équipements côté canadien.

La seconde partie organise une discussion des conditions de navigation en Arctique. Quels sont les navires qui peuvent y circuler ? Quelle est la réglementation concernant l’architecture des navires et les normes en matière de coque ?  Quels sont les brise-glace en service destinés à faciliter la circulation des navires, ces brise-glace tout comme des navires à forte capacité de navigation arctique étant de plus en plus puissants, tant il est vrai que la navigation arctique n’est pas une question de technologie, mais de coûts et d’opportunité stratégique pour les entreprises, qui ne raisonnent pas qu’en termes de distance plus courte.

La troisième partie décrit la réglementation et la gouvernance de cette région : comment sont définis les espaces maritimes et comment ceux-ci encadrent-ils la navigation ou l’exploitation des ressources naturelles ? Quelles sont les institutions arctiques (notamment de Conseil de l’Arctique) et quel rôle joue-t-il ? Que peut-on dire de la militarisation de ;la région arctique, avec la tendance réelle du pouvoir russe à renforcer ses capacités de défense côtière, mais après de nombreuses années de déclin accéléré suite à l’implosion de l’Union soviétique en 1991 ?

La Russie est l’acteur qui imprime le plus sa marque dans la région, du fait d’un volontarisme d’État qui conduit la Russie à rouvrir de vieilles bases militaires, à construire de nouveaux ports, de nouveaux brise-glace, à explorer le potentiel économique des régions arctiques sans la retenue que la rentabilité fragile de tels projets impose aux autres acteurs arctiques, en Europe (Norvège, Islande, Suède, Finlande) ou en Amérique du Nord (Canada et États-Unis). Les résultats décevants de nombreuses campagnes de prospection pétrolière et gazière au Groenland, en mer de Beaufort on relativisé l’attrait de la région arctique pour les entreprises pétrolière, tandis que les compagnies minières évaluent avec attention chaque projet tant les coûts d’extraction demeurent élevés. Le trafic de transit attire peu d’armateurs et c’est essentiellement la navigation de destination qui tire la croissance du trafic maritime arctique. Certes, l’Arctique est une région stratégique pour la Russie qui entend bien mettre en valeur, quoi qu’il en coûte, son potentiel minier, en hydrocarbures et en matière de transport. La poursuite de la fonte des glaces pourrait permettre la poursuite de la croissance du trafic dans les décennies à venir. Mais on est loin, nous rappelle l’auteur, des scénarios grandioses du tournant du 21e siècle, des autoroutes maritimes et de l’eldorado arctiques. En ce sens, cet ouvrage clair et bien structuré constitue un rappel qu’il est toujours risqué de se laisser emporter par l’enthousiasme d’analyses à courte vue.

Frédéric Lasserre

Directeur du CQEG

La politique du Groenland et sa quête d’autonomie

Alexandra Cyr
alexandra.cyr.3@ulaval.ca

vol 7 n1, 2021

Alexandra Cyr est candidate à la Maîtrise en Relations Internationales à l’Université Laval et au microprogramme de deuxième cycle en changements climatiques. Elle détient un baccalauréat en Affaires publiques et relations internationales ainsi qu’un certificat en géographie.

Résumé

Le Groenland, territoire de la Couronne danoise, est doté d’une autonomie politique depuis 1979 qui fut renforcée en 2009 par l’allocation de nombreuses compétences exclusives qui lui a permis de se prévaloir d’une plus grande marge de manœuvre sur l’échiquier international. D’ailleurs, le Groenland se retrouve progressivement au cœur d’une nouvelle réalité géopolitique arctique, où les représentants du Groenland tentent de maximiser leur engagement à l’international auprès d’une myriade d’acteurs externes. C’est notamment en prenant des positions plus individuelles dans différentes instances multilatérales que s’esquissent des discours indépendantistes sur l’île septentrionale, tant par les différents partis politiques que par la population groenlandaise.

Mots clés

Groenland, autonomie, référendum, géopolitique de l’Arctique, paradiplomatie

Abstract

Greenland, territory of the Danish Crown, has enjoyed political autonomy since 1979 which was reinforced in 2009 by the allocation of many exclusive jurisdiction which allowed it to take advantage of greater leeway on the international scene. Moreover, Greenland is gradually finding itself at the heart of a new arctic geopolitical reality, where Greenland’s representatives are trying to maximize their international engagement with a myriad of external actors. It is notably by taking more individual positions in various multilateral forums that separatist discourses emerge on the northern island, both by the various political parties and by the Greenlandic population.

Keywords

Greenland, autonomy, referendum, Arctic geopolitics, paradiplomacy.

Introduction

Le Groenland, Kalaallit Nunaat de son nom en groenlandais est l’île avec la plus grande superficie au monde, comptant une population d’un peu plus de 56 000 habitants, près de 90 % d’entre elle étant inuit (Kristinsen et Rahbek-Clemmensen, 2018: 1 ; Zhang, Wei et Grydehøj, 2021: 5). Ayant le statut d’une juridiction insulaire infranationale autonome de l’État du Danemark, le Groenland fait de plus en plus l’objet d’articles scientifiques en ce qui a trait à sa quête d’autonomie et ses visées indépendantistes. De ce fait, comment a évolué l’autonomie politique du Groenland, évolution qui s’est accompagnée de l’émergence de discours indépendantistes ? L’importance de l’histoire coloniale du Groenland, qui souligne la montée du nationalisme jusqu’à l’introduction de la loi sur l’autonomie du Groenland de 1979 (Greenland Home Rule Act), est inévitablement abordée dans cette littérature, tout comme sa successeure, la loi sur l’autonomie du Groenland de 2009 (Self-Government Act on Greenland). Avec ces deux lois, le Groenland a pu se prévaloir d’institutions politiques légitimes en plus d’acquérir certaines compétences exécutives et législatives, compétences qui s’avèrent essentielles dans un contexte où l’île septentrionale s’illustre comme une figure importante dans l’échiquier géopolitique et géostratégique arctique, notamment en offrant de nouvelles opportunités pour une pléthore d’acteurs étatiques et non étatiques (Grydehøj dans Coates et Holroyd, 2020 : 228). Les opinions des différents partis politiques et du public sont également multiples, tant sur le sujet chaud de l’indépendance que sur les politiques à privilégier ou adopter avec ces acteurs externes exerçant des pressions multiples au niveau économique et stratégique.

1. De la colonisation du Groenland au Home Rule Act de 1979

1.1. Colonisation, décolonisation et début de nationalisme

Le territoire groenlandais qui abrite des communautés inuites depuis des siècles fut d’abord norvégien, avant de passer sous le contrôle de Copenhague lorsque le Danemark et la Norvège ont formé une union personnelle au XIVe siècle, puis le Groenland est demeuré sous la couronne danoise « lorsque la double monarchie a été absoute avec le traité de Kiel après les guerres napoléoniennes » (Kristensen et Rahbek-Clemmensen, 2018 : 4). Autrefois un endroit stratégique pour les missionnaires européens et pour la pêche et la chasse à la baleine, les explorateurs danois ont traversé l’île et ont commencé à documenter les coutumes des peuples inuits à la fin du XIXe et au début du XXe siècle. Les conseils de district locaux au Groenland furent créés au milieu du XIXe siècle, l’autorité centrale demeurant à Copenhague (Kristensen et Rahbek-Clemmensen, 2018 : 4). Lors de la période de décolonisation au milieu du XXe siècle, l’île septentrionale s’est pleinement intégrée au Royaume du Danemark en tant que comté, soit en 1953 (Ackrén, 2019 : 1). Or, Fernandez (2010 : 419) adresse les diverses critiques du point de vue du droit international quant à la procédure qui fut adoptée lors de l’intégration groenlandaise, en débutant par l’absence de débat par rapport aux alternatives qui se présentaient outre l’adhésion à la métropole, bien que le droit à l’autodétermination des peuples était affirmé dans la Charte des Nations Unies de 1945. Le Danemark aurait, par ailleurs, mal informé les Nations Unies sur les compétences du Groenland, en plus d’y présenter un conseil local à la légitimité contestable, alors que ce dernier ne représentait pas toute la population de l’île, mais seulement les communautés au sud-ouest, près de Nuuk, la capitale (Figure 1) (Fernandez, 2010 : 420). Cette époque fut également marquée par le contexte de guerre froide sur le plan mondial, et les atouts géographiques du Groenland ne sont pas passés inaperçus chez les Étatsuniens qui ont opéré quatre stations de radars et une base aérienne sur le territoire de 1958 à 1990, la base aérienne située à Thulé, dans le nord-ouest, étant toujours active depuis 1951 (Ackrén et Jakobsen, 2015 : 406 ; Jacobsen et Gad, 2018 : 16).

Figure 1. Carte du Groenland, montrant les cinq municipalités et les plus grandes villes au sein des municipalités

Source : Qaasuitsumiinngilanga dans Zhang, Wei et Grydehøj j, 2021 : 6

Dans son article traitant des référendums au Groenland, Ackrén (2019 : 1) met en lumière la « période d’éveil » nationaliste de certains citoyens groenlandais au cours des années 1960, soient ceux ayant bénéficié d’une éducation supérieure outre-mer, qui voyaient désormais le développement de l’île d’un point de vue extérieur, provoquant un mécontentement face à la domination danoise et les discriminations vis-à-vis de la population locale. Elle renchérit en évoquant la création du Parti inuit, en 1964, un parti nationaliste qui mettait l’emphase sur la reconnaissance des Groenlandais « comme un peuple distinct avec leurs propre culture, traditions et langue » (Ackrén, 2019 : 1). N’ayant pas le support nécessaire à l’époque alors qu’un seul représentant fut élu au conseil du comté en 1967, le parti fut dissous (Ackrén, 2019 : 1), manifestant tout de même un début de nationalisme dans la sphère politique de Nuuk.

1.2. La Communauté économique européenne et le Home Rule Act de 1979

Selon plusieurs auteurs, un moment décisif dans la volonté autonomiste au Groenland fut l’adhésion du Danemark à la Communauté économique européenne (ci-après CEE) en 1973, ce qui a attisé les frustrations locales dans le comté insulaire danois, qui voyait cette appartenance comme une perte majeure de souveraineté dans le domaine des pêches, l’exportation principale de Nuuk (Jacobsen, 2020 ; Fernandez 2010 ; Ackrén 2019), puisque l’adhésion à la CEE impliquait l’obligation de partager les zones de pêche groenlandaises avec les membres de la Communauté. L’adhésion à la CEE avait d’ailleurs été sujet de référendum au Groenland l’année précédente, bien que ceux-ci n’ont que des visées consultatives et ad hoc, et le résultat négatif du référendum témoignait de la réticence de la population face à la CEE (Ackrén, 2019 : 4). Or, en raison du statut du Groenland à l’époque et du référendum qui n’avait pas de valeur juridique, le Danemark ne l’a pas reconnu, ce qui a tout de même poussé un comité du Conseil national danois à proposer une commission pour examiner la manière dont un régime autonome pourrait être mis en œuvre au Groenland (Heinrich dans Kristensen et Rahbek-Clemmensen, 2018 : 35). Le Parlement danois adopta dès lors, en novembre 1978, une loi sur l’autonomie du Groenland (Home Rule Act) qui fut validée lors d’un référendum en janvier 1979, alors que ce dernier fut appuyé à 70,1 % par les électeurs avec un taux de participation de 63 % (Hofverberg, 2019). Cette nouvelle loi danoise créait un nouveau statut plus autonome au Groenland dans 17 domaines allant de l’éducation et la santé à la fiscalité et l’économie, en plus d’entériner la création d’un gouvernement à Nuuk (Kleist dans Loukacheva, 2010 : 173). Ackrén (2019 : 5) précise qu’avec le Home Rule Act, « le Groenland faisait office de région administrative avec certaines responsabilités légales, mais c’est le Parlement danois qui attribuait les pouvoirs aux autorités groenlandaises ». Le Danemark assumait toujours la responsabilité, entre autres, des affaires étrangères et de la sécurité, de la police, du système judiciaire et des questions monétaires, et le domaine des ressources naturelles se retrouvait administré conjointement par le Danemark et le Groenland (Jonsson 1999 : 6-7). Le Groenland demeurait tributaire d’un soutien économique de la part du Royaume prenant la forme d’une subvention, occupant d’ailleurs la majeure partie du PIB groenlandais à l’époque.

Le nouveau gouvernement du Groenland a considéré comme l’une de ses premières tâches la préparation d’un référendum sur le retrait du Groenland de la CEE, en 1982, où 52 % des électeurs ont exprimé leur souhait de quitter ce qui allait devenir éventuellement l’Union européenne (ci-après UE), et le Groenland devint la première communauté à quitter la CEE en 1985 (Heinrich dans Kristensen et Rahbek-Clemmensen, 2018 : 35). Malgré ce retrait, des « dispositions spécifiques ont été mises en place afin de protéger les intérêts du marché des pêches entre la CEE et le Groenland » (Brito et Du Castel, 2014 : 11). Avec la Décision relative à l’association des pays et territoires d’outre-mer à la Communauté européenne, adoptée par le Conseil de l’UE en novembre 2001, le Groenland est associé à l’UE comme étant un pays et territoire d’outre-mer[1] (ci-après PTOM). En outre, jusqu’à la fin des années 1990, la grande majorité des domaines énumérés dans le Home Rule Act avaient effectivement été repris par le gouvernement du Groenland (Ackrén, 2019 : 6). En 1999, ce dernier a créé une commission sur l’autonomie gouvernementale pour étudier la possibilité d’atteindre un degré d’autonomie plus élevé, et ce en se penchant sur six modèles ; l’indépendance, l’union avec un autre État, la libre association, la fédération, l’autonomie gouvernementale renforcée des peuples autochtones et la pleine intégration (Kleist dans Loukacheva, 2010 : 177-178 ; Ackrén, 2019 : 5). C’est finalement sur l’autonomie gouvernementale renforcée « avec des éléments d’autodétermination pour les perspectives futures » que la Commission s’est arrêtée au cours des années 2000, ce qui donna lieu à un nouveau référendum sur le sujet en novembre 2008 (Ackrén, 2019 : 5).

2. La loi sur l’autonomie du Groenland de 2009 (Self-Government Act)

Un référendum non contraignant portant sur la nouvelle autonomie gouvernementale du Groenland a eu lieu le 25 novembre 2008, organisé par le gouvernement de l’époque, le Parti Siumut en coalition avec le parti Inuit Ataqatigiit (Nuttall, 2008 : 65 ; Ackrén, 2019 : 5). Le parlement du Danemark s’était engagé à respecter les résultats de celui-ci afin d’entreprendre des négociations avec le gouvernement groenlandais (Ackrén, 2019 : 6). Avec un taux de participation plus élevé qu’en 1978, soit de 71,96 %, le peuple groenlandais a voté en faveur de cette nouvelle autonomie à 75,54 %, le camp du « non » récoltant 23,57 % des votes (Kleist dans Loukacheva, 2010 : 179). L’un des principaux objectifs de l’introduction de cette éventuelle loi danoise était de « faciliter le transfert de pouvoirs supplémentaires et donc de responsabilités aux autorités groenlandaises dans les domaines où cela est constitutionnellement possible et fondé sur le principe de la concordance entre les droits et les obligations » (Statsministeriet, 2009). À la suite de négociations entre les deux gouvernements, la loi sur l’autonomie gouvernementale du Groenland fut intégrée dans la Constitution danoise, remplaçant le Home Rule Act de 1979 et ajoutant de nouveaux domaines de compétences au gouvernement groenlandais (Statsministeriet, 2009).

En premier lieu, dans le préambule de la loi, les habitants du Groenland sont reconnus comme un peuple au sens du droit international, signifiant qu’il peut se prémunir du droit à l’autodétermination des peuples (Ackrén et Jakobsen, 2015 : 404). D’autre part, l’article 20 de la loi officialise que la langue officielle du Groenland est le groenlandais, alors qu’elle était autrefois la langue principale, mais que le danois devait également être enseigné et demeurait centrale dans les instances gouvernementales (Ackrén, 2019 : 7). L’article 21 de la loi prévoit, quant à elle, des dispositions dans l’éventualité où le Groenland tient un référendum sur son indépendance, ce qui devra s’effectuer notamment avec le consentement du Parlement danois (Statsministeriet, 2009). En plus d’habiliter les représentants à négocier avec le gouvernement danois au sujet de la possible sécession groenlandaise, les organes exécutif (le Naalakkersuisut) et législatif (l’Inatsisartut) « disposent du droit de produire la loi dans un domaine donné et sont responsables de son application et de son financement » (Duc, 2017 : 5). Les noms groenlandais du parlement et du gouvernement sont utilisés dans la loi, traduisant la volonté de valoriser la langue officielle (Ackrén, 2019 : 7). Par ailleurs, parmi les nouveaux domaines de compétences du Groenland figure la compétence exclusive pour l’extraction des ressources et la gestion des ressources naturelles, en plus de détenir une plus grande marge de manœuvre sur la scène internationale avec la liberté de conclure des accords bilatéraux et multilatéraux dans ses champs de compétence (Duc, 2017 : 5 ; Jacobsen, 2020 : 175). L’île pouvait dès lors jouer un rôle plus actif dans certaines organisations internationales, dont le Conseil de l’Arctique et le Conseil nordique, organisations majeures pour le Groenland considérant qu’elle est géographiquement au cœur de la question arctique (Jacobsen, 2020 : 183). Il y a également eu des changements au niveau de l’économie groenlandaise, puisqu’en plus d’être responsable du financement des activités dont elle était désormais responsable, la subvention que recevait Nuuk du Danemark a été fixée au niveau de 2009[2] et ne change qu’en vertu de l’inflation, et n’est plus renégociée annuellement (Grydehøj dans Coates et Holroyd, 2020 : 220). Cette subvention représente encore environ 25 % du PIB groenlandais et la moitié des dépenses publiques : une éventuelle indépendance de l’île pourrait nuire à son économie (Grydehøj dans Coates et Holroyd, 2020 : 221). L’article 8 de la loi pose un mécanisme juridique dans le domaine des ressources naturelles, « où le niveau de la subvention globale sera réduit d’un montant correspondant à 50 pour cent des revenus tirés de l’extraction de minéraux et d’énergie lorsqu’ils dépassent 75 millions de DKK (environ 10 millions d’euros) » (Ackrén, 2019 : 7). Les redevances de l’extraction seront ainsi partagées entre les deux gouvernements danois et groenlandais, ce qui aura pour effet de réduire d’autant plus la subvention danoise pour éventuellement la retirer (Ackrén, 2019 : 7). De ce fait, une fois la subvention danoise réduite à zéro, le gouvernement groenlandais peut entamer des négociations avec Copenhague concernant leurs futures relations économiques et l’introduction de son indépendance du Danemark (Dingman, 2014 : 4).

3. Les compétences législatives et exécutives du Groenland 

3.1. Les domaines de responsabilité groenlandais et danois

Le Home Rule Act de 1979 qui fut remplacé par la loi sur l’autonomie gouvernementale de 2009 ont tous deux consolidé certains pouvoirs et compétences au Groenland, que ce soit au niveau des ressources naturelles ou des relations internationales. Ces derniers seront explicités plus en profondeur que dans les points précédents, en plus de présenter le concept de la paradiplomatie et son lien avec la conduite du Groenland sur la scène internationale. Dans la loi de 2009, ce sont 33 domaines de responsabilités qui pouvaient être repris par le gouvernement insulaire, ceux-ci étant divisés en deux listes (Ackrén, 2019 : 7). La liste I comprend cinq domaines[3] qui pouvaient être du ressort immédiat du Groenland, alors que pour les sujets de la liste II, comprenant le droit criminel, les passeports, l’aviation, la sécurité en mer et les ressources naturelles minérales, les modalités devaient être négociées avec le Danemark. Tel que mentionné précédemment, le domaine des ressources naturelles et son extraction, autrefois partagé entre le Danemark et le Groenland, devint une compétence exclusive de l’île avec la loi sur les minéraux de 2010 (Ackrén dans Finger et Heininen, 2019 : 241). Ce changement porte cependant à confusion chez certains investisseurs étrangers qui ne savent pas toujours avec quel gouvernement faire affaire dans quelques cas de contrats d’extraction, cette confusion étant particulièrement observée chez les entreprises asiatiques (Ackrén dans Finger et Heininen, 2019 : 240). Les domaines qui sont toujours du ressort du Danemark sont par exemple la Constitution, la citoyenneté, l’immigration, les affaires étrangères, la défense et la monnaie (Ackrén dans Finger et Heininen, 2019 : 242). En ce qui concerne l’espace aérien et les eaux groenlandaises, qui peuvent devenir des compétences groenlandaises, ces dernières ne sont pas encore tout à fait reprises : le Groenland est présentement responsable de l’environnement maritime jusqu’à trois milles marins lorsqu’il est question de pollution par le pétrole et les produits chimiques, et détient un accord à ciel ouvert avec l’Islande, en raison des vols réguliers entre l’État et l’île (Ackrén, communication personnelle, 17 juin 2020 ; Naalakkersuisut, s.d.). En l’absence de garde-côtes et de forces armées groenlandaises, le Danemark est toujours responsable de ces domaines, où les forces armées exécutent « les tâches de protection civile, de missions de recherche et de sauvetage, de contrôle des eaux territoriales, d’inspection et de surveillance des pêches et de nettoyage maritime » (Ackrén et Jakobsen, 2015 : 406). Ces tâches sont assumées par le commandement interarmées danois de l’Arctique (Danish Joint Arctic Command) dont le siège est situé à Nuuk (Public Affairs Office, 2020).

3.2. Les relations internationales et la paradiplomatie du Groenland

            Il n’en demeure pas moins qu’au niveau des affaires étrangères, le gouvernement groenlandais avait déjà obtenu, en 2005, le droit de négocier et de conclure des accords internationaux dans les domaines qui lui avaient été conférés en 1979, mais la loi de 2009 a permis à l’île d’élargir ces domaines et de prendre une place plus marquée à l’international (Fernandez, 2010 : 435). En effet, le Groenland détient une plus grande marge de manœuvre et peut parler de sa propre voix en tant que participant dans certains forums et certaines conférences, comme le Conseil nordique ou le Conseil de l’Arctique (Jacobsen, 2020 : 183). Plus spécifiquement, jusqu’en 2011, le Groenland et les îles Féroé étaient des parties égales et distinctes de la délégation officielle danoise au Conseil de l’Arctique, où il a été tacitement accepté que la délégation ait trois chaises à la table, trois drapeaux et une étiquette de pays indiquant les trois nations (Olsen et Shadian, dans Kristensen et Rahbek-Clemmensen 2018 : 132). Après 2011, soit lorsque la Suède assuma la présidence du Conseil de l’Arctique, les chaises des représentants du Groenland et des îles Féroé ont été mises à l’écart (Jacobsen, 2020 : 177). Le nouveau premier ministre du Groenland, Aleqa Hammond fit entendre son mécontentement face au « jeu de souveraineté joué par les États membres » (Jacobsen, 2020 : 177) en boycottant la réunion ministérielle à Kiruna en mai 2013 et en annonçant la suspension de toutes les activités en cours du Groenland au sein du conseil (Olsen et Shadian, dans Kristensen et Rahbek-Clemmensen 2018 : 132). Après trois mois de négociations avec la nouvelle présidence canadienne, un accord a été conclu donnant aux trois parties du royaume danois le droit de participer pleinement à toutes les réunions du conseil, retirant néanmoins de la table leurs drapeaux (Jacobsen, 2020 : 177).

En outre, le Groenland a pu ouvrir ses propres représentations dans les capitales étrangères, ayant notamment des bureaux de représentation diplomatique à Copenhague, Bruxelles, Washington DC, à Reykjavik en 2018 et éventuellement à Pékin en plus d’accueillir à Nuuk de nombreux consulats, dont ceux de la Belgique, du Canada, de la Finlande, de la France, de l’Allemagne, de l’Islande, des Pays-Bas, de la Norvège et de la Suède (Bartmann, 2006, p.551). Il serait dès lors juste de dire, selon Jacobsen (2020 : 184) que « dans leurs efforts pour devenir [éventuellement] un État, les représentants du Groenland tentent de maximiser la souveraineté de la politique étrangère du Groenland dans les cadres juridiques actuels en articulant, agissant et apparaissant une position plus individuelle ». Cette affirmation cadre avec la définition du concept de paradiplomatie suggérée par Paquin (2004 dans Fontanel, 2005 : 244), soit que la paradiplomatie est la « poursuite d’activités étrangères diplomatiques d’États fédérés ou de régions » ; et de la protodiplomatie, qui est quant à elle la politique étrangère d’une instance subétatique qui entreprend une démarche d’autonomie ou d’indépendance (Paquin, 2004 dans Fontanel, 2005 : 244). La participation du Groenland dans diverses organisations internationales, telles que le Conseil circumpolaire inuit, le Conseil de l’Arctique, le Conseil nordique et le Conseil nordique des ministres sont aussi des exemples de la paradiplomatie groenlandaise (Ackrén, 2019 : 241). Une preuve de cette implication grandissante du Groenland dans les relations internationales réside dans un évènement qui s’est déroulé à la ville d’Ilulissat, en 2008, où le village a vu naître la Déclaration d’Ilulissat, unissant les États-Unis, la Russie, la Norvège, le Canada et le Danemark lors d’une conférence organisée conjointement entre le Danemark et le Groenland afin de converser sur une pluralité de sujets tels que le changement climatique, l’environnement marin ainsi que la sécurité maritime relative à l’océan Arctique (Kapyla et Mikkola dans Finger et Heininen, 2019 : 155). Celle-ci a permis aux États signataires d’affirmer leur volonté de coopération et de respect des lois internationales en vigueur (Kapyla et Mikkola dans Finger et Heininen, 2019 : 156). L’initiative et l’invitation du Danemark en collaboration avec le gouvernement groenlandais lors de la déclaration d’Ilulissat ont sans contredit permis au Groenland de se positionner dans un ordre qui mettait davantage l’accent sur les États (Kristensen et Rahbek-Clemmensen, 2018 : 1). Jacobsen (2020 : 183) ajoute que pour le Groenland, l’implication accrut dans ces organisations « [est particulièrement utile] dans le but de rechercher plus de souveraineté sur le régime de gouvernance régionale ». Le Groenland profite de cet essor de coopération en Arctique afin de développer graduellement sa paradiplomatie et sa protodiplomatie.

4. Les opinions politiques et publiques du Groenland sur l’indépendance

4.1. Les partis politiques et les gouvernements de coalition

            Depuis les années 1970, plusieurs partis politiques ont vu le jour au Groenland, à commencer par Siumut, qui fut créé en tant que mouvement politique, pour devenir un véritable parti en 1977, et qui est devenu le parti dominant au Groenland depuis 1979 (Grydehøj, 2020 : 105). Le parti social-démocrate avait deux objectifs principaux dans son programme au départ, à savoir les relations avec le Danemark et les conditions internes groenlandaises, avec l’arrivée du Home Rule act (Ackrén, 2019 : 2). Un deuxième parti politique plus conservateur désirant maintenir le Groenland au sein de la couronne danoise prit naissance l’année suivante, en 1978, l’Atassut (Ackrén, 2019 : 2). Né d’un mouvement nationaliste et socialiste, un troisième parti émergea à la fin des années 1970, Inuit Ataquatigiit, dont l’objectif était « l’autodétermination nationale et la reconnaissance du peuple du Groenland en tant que peuple distinct » (Ackrén, 2019 : 2). De 2005 à 2009, le parti Siumut et le parti Inuit Ataqualigiit formaient une coalition, où leur objectif commun était l’autonomie gouvernementale renforcée et éventuellement l’indépendance du Groenland (Zhang, Wei et Grydehøj, 2021 : 9). Le parti Inuit Ataqualigiit obtint la majorité des voix lors de l’élection de 2009, plaçant le parti indépendantiste au pouvoir jusqu’en 2013 (Zhang, Wei et Grydehøj, 2021 : 9). Ces élections furent remportées par la coalition constituée de Siumut, d’Atassut et d’un nouveau parti nationaliste, le Parti Inuit formé par des dissidents de l’Inuit Ataqatigiit (Grydehøj dans Coates et Holroyd, 2020 : 222). Un scandale à propos de dépenses du premier ministre émergea cependant dans les mois suivants, forçant ce dernier à démissionner, conduisant dès lors à des élections générales anticipées en novembre 2014 (Duc, 2017 : 8). Siumut remporta tout de même les élections, et un gouvernement de coalition fut formé à nouveau, cette fois avec le parti Solidarité et le parti Demokraatit (Duc, 2017 : 8). Les discussions autour de l’indépendance du Groenland se plaçaient de plus en plus au cœur des priorités des partis politiques à partir de 2014. Avec le changement de gouvernement en 2016, laissant place à une nouvelle coalition entre les partis Inuit Ataatigii, Partii Naleraq et Siumut, le nouvel objectif central devint la mise en place d’une commission constitutionnelle guidant la création de l’État groenlandais (Duc, 2017 : 9). Cela dit, bien que la majorité des partis politiques visent la souveraineté du Groenland, des disparités résident sur la marche à suivre et le calendrier à adopter afin d’enclencher un processus de négociation avec le Danemark (voir figure 2) (Grydehøj, 2016 : 105). L’élection du 24 avril 2018 forma un autre gouvernement de coalition encore dirigé par le parti Siumut et composé des partis Partii Naleraq, Atassut, et Nunatta Qitornai (Zhang, Wei et Grydehøj, 2021 : 9).

Figure 2. Positions des partis politiques au Groenland sur la question du statut politique

Source : Gad, 2014 dans Ackrén, 2019 : 2 (mis à jour)

Faisant toutefois face à divers désaccords au sein de la coalition, le Partii Naleraq la quitta en octobre 2018, suivi du parti Atassut, laissant un gouvernement minoritaire au pouvoir jusqu’au 29 mai 2020, où la coalition fut formée des partis Siumut, Demokraatit et Nunatta Qitornai (Zhang, Wei et Grydehøj, 2021 : 9). D’autres bouleversements sont à noter dans la coalition, à débuter par le remplacement de Kim Kielsen à la tête du parti Siumut par Erik Jensen, en novembre 2020, puis par le départ du parti Demokratene dans la coalition le 8 février 2021 suite à un différend sur un projet minier, laissant d’ailleurs le Groenland sans ministre des Affaires étrangères (Breum, 2021 ; High North New, 2021). 

4.2. La convoitise indépendantiste des Groenlandais

Au niveau de l’opinion publique, selon un sondage portant sur le désir d’indépendance politique effectuée en 2017 auprès de 708 personnes, 34 % parlaient d’un désir très important et 25 % d’assez important, mais des nuances ont été apportées par un autre sondage en 2017, alors que 44 % des répondants ont indiqué ne vouloir l’indépendance que si cela n’entrainait pas une baisse du niveau de vie (Grydehøj, 2020 : 96). Dès lors, le soutien à l’indépendance demeure important, mais conditionnel à certains aspects, dont le statu quo du niveau de vie au Groenland (Grydehøj, 2020 : 96). De ce fait, Gad (2016 : 56) pose trois positions de base qui peuvent être adoptées sur le sujet au Groenland, la première étant que l’autogouvernance est une condition préalable à l’autonomie économique, une seconde selon laquelle l’autonomie économique doit être une condition préalable à l’autonomie et une troisième stipulant que « l’autosuffisance [est] un projet commun partagé par le Groenland et le Danemark, [signifiant] que l’autonomie gouvernementale resterait une affaire progressive ». En 2018, le soutien pour l’indépendance du Groenland était toujours élevé, alors que 67,7 % des Groenlandais souhaitaient l’indépendance politique ; 43,5 % des personnes interrogées ont également indiqué que l’indépendance politique aura un effet positif ou très positif sur l’économie, à leur avis (Grydehøj, 2020 : 96).

5. L’indépendance économique pour l’indépendance politique ?

L’aspect du lien entre indépendance économique et autonomie gouvernementale est particulièrement débattu tant dans la population que dans les articles scientifiques portant sur la souveraineté du Groenland, puisque certains médias qualifient d’essentiel le fait que le Groenland devrait moins dépendre du Danemark économiquement. De ce fait, plusieurs auteurs affirment qu’avec l’avènement des changements climatiques dans la région qui offrent de nouvelles opportunités de développement économique pour le Groenland, notamment avec les investissements internationaux dans les gisements d’hydrocarbures et l’industrie minière, l’indépendance économique de l’île vis-à-vis de Copenhague pourrait être atteinte, et donc aspirer à la souveraineté (Fernandez, 2010 ; Nuttall, 2012 ; Jacobsen et Gad dans Kristinsen et Rahbek-Clemmensen). Ces arguments vont donc de pair avec la clause d’élimination progressive de la subvention danoise contenue dans la loi sur l’autonomie gouvernementale du Groenland de 2009 (Dingman, 2014 : 4). Or, selon Grydehøj (2020 : 92), ces perspectives de mondialisation et de partenariats économiques avec l’étranger représentent un certain paradoxe à la position de base selon laquelle l’indépendance économique du Groenland devrait être atteinte avant son indépendance politique. Effectivement, une coupure des liens avec l’extérieur n’est pas souhaitable ni réellement mise de l’avant par les politiciens groenlandais, qui ne considèrent pas l’isolationnisme comme la solution, au final, afin d’obtenir leur souveraineté (Grydehøj, 2020 : 105). Cela dit, les Groenlandais sont majoritairement d’avis que la subvention globale n’est pas viable et qu’à son niveau actuel, elle demeure insuffisante pour maintenir l’économie groenlandaise (Committee for Greenlandic Mineral Resources to the Benefit of Society, 2014 dans Grydehøj, 2020, 95). Qui plus est, les avantages dérivés du Groenland par le Danemark sont considérés comme de l’exploitation tandis que les avantages groenlandais dérivés du Danemark sont considérés comme oppressifs et comme une continuation du processus colonial (Grydehøj, 2016 : 110). Les partis politiques et la population groenlandaise prennent conscience que l’indépendance réclame des fonds importants « afin de pallier [au] désengagement du Danemark et d’assumer de nouvelles responsabilités » (Fernandez, 2010 : 430). Effectivement, il fut estimé en 2008 que le transfert des compétences restantes aurait un cout d’un milliard d’euros, d’où l’importance d’avoir une économie forte et en développement (Fernandez, 2010 : 430). L’acquisition des 33 compétences incluses dans l’accord de 2009 constitue d’ailleurs une étape cruciale afin d’atteindre l’objectif d’indépendance (Kuokkanen, 2017 : 46). Il n’est pas sans mentionner, qui plus est, que le Groenland est confronté à une « augmentation des couts de protection sociale et à une baisse des revenus à l’avenir en raison d’un profil démographique vieillissant rapidement » (Conseil économique du Groenland, 2013).

Considérant ces différents arguments apportés par les auteurs, il serait plus juste d’affirmer que les Groenlandais aspirent pour la majorité à une indépendance face au Danemark afin de prendre leurs propres décisions, « et cela inclut le choix d’entrer dans des relations économiques mutuelles et des relations de dépendances économiques » (Grydehøj, 2020 : 106), mais avoir une économie forte n’est pas une condition préalable à l’exercice de la souveraineté insulaire d’emblée (Bertram, 2015). À titre d’exemple, plusieurs États insulaires dans le Pacifique sont indépendants politiquement, mais dépendent en majeure partie des subventions et du commerce extérieurs (Grydehøj, 2020 : 91). Malgré les dissidences sur le sujet, il n’en demeure pas moins que le nouveau contexte géopolitique arctique offre des opportunités qui pourraient potentiellement s’avérer intéressantes pour le Groenland dans une optique d’affirmation politique et de quête de souveraineté, puisque l’atteinte d’un certain équilibre budgétaire au Groenland serait un préalable, pour le Danemark, à la tenue de négociations pour son indépendance.

6. La nouvelle donne géopolitique et géostratégique arctique et l’autonomie du Groenland

Pour poursuivre, avec l’avènement des changements climatiques, l’Arctique est au cœur des discussions, d’abord pour les dangers que représente un réchauffement climatique dans cette région du globe qui est particulièrement sensible aux altérations du climat, mais aussi pour les nouvelles opportunités associées à la fonte de la glace. En outre, des incertitudes au niveau du statut juridique de l’Arctique donnent lieu à un contentieux entre les pays riverains, soit la Norvège, la Russie, le Danemark, les États-Unis et le Canada, qui revendiquent, en vertu de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, une partie de l’espace maritime (Brito et Du Castel, 2014 : 21). Bien que le Groenland n’en soit pas une exception, l’intérêt stratégique envers la juridiction insulaire infranationale autonome n’est pas récent (Fernandez, 2010 : 430).

6.1. Les attributs géostratégiques groenlandais au service des États-Unis   

Les États-Unis se sont montrés particulièrement intéressés par le Groenland et ses attributs géostratégiques depuis la Seconde Guerre mondiale, alors qu’une présence militaire américaine au Groenland fut autorisée par les diplomates danois contre une reconnaissance de la souveraineté du Danemark sur le territoire, et qu’en 1946 les États-Unis ont tenté d’acheter l’île de l’hémisphère nord (Kristensen et Rahbek-Clemmensen, 2018 : 4). Les deux États ont d’ailleurs négocié un accord de défense en 1951, officialisant une présence militaire américaine permanente, créant dès lors, selon Lidegaard (1996 : 574, dans Kristensen et Rahbek-Clemmensen, 2018 : 5) « un système de souveraineté partagée sur le Groenland, où l’armée américaine était autorisée à opérer quand et où elle en avait besoin, tout en évitant les affaires groenlandaises et en autorisant la souveraineté de droit des Danois sur l’île ». Ackrén et Jakobsen (2015 : 405) ajoutent qu’à la fin de la Deuxième Guerre mondiale, les États-Unis avaient établi 13 bases militaires et 4 bases navales au Groenland. Archer (2003 : 129), quant à lui, explicite que le territoire était considéré comme important dans un contexte de Guerre froide, pour quatre raisons principales. En premier lieu, il était vital d’empêcher l’accès à l’Amérique du Nord par toute puissance hostile potentielle ; deuxièmement, le Groenland était un point de transit clé vers l’Europe, troisièmement, les bases météorologiques au Groenland ont su fournir des informations cruciales et quatrièmement, la richesse minérale du Groenland avait une valeur pour l’industrie aéronautique aux États-Unis et au Canada (Archer, 2003 : 129). Il était déjà possible de constater à cette époque l’importance géostratégique et géopolitique que représentait le Groenland dans les relations internationales, touchant à des enjeux de sécurité. La base aérienne américaine située à Thulé au nord-ouest du Groenland est toujours active en 2020 et constitue un point névralgique du bouclier antimissile des États-Unis (Fernandez, 2010 : 430). Cette base militaire génère d’ailleurs des revenus indirects pour l’île, employant des Danois et des Groenlandais, qui sont ensuite imposés (Olesen, dans Kristinsen et Rahbek-Clemmensen, 2018 : 72).

6.2. Entre changements climatiques, opportunités et effets pervers

En tenant donc compte de l’intérêt géostratégique historique envers le Groenland, la plupart des auteurs s’entendent pour dire qu’avec les changements climatiques, une nouvelle donne géopolitique s’instaure dans la région, où des considérations en matière de sécurité environnementale et de sécurité économique entrent aussi en ligne de compte (Ackrén et Jakobsen, 2015 ; Fernandez, 2010 ; Nuttall, 2012). L’une des conséquences visibles et d’autant plus attendues au fil des prochaines décennies dans l’Arctique est la fonte de la banquise, ce qui se traduit par « un accès facilité aux ressources dans la mer et sur la terre » (Ackrén et Jakobsen, 2015 : 407), ainsi que l’ouverture de nouvelles routes de transport maritime qui étaient autrefois des voies de navigation trop périlleuses pour la plupart des navires, particulièrement les navires commerciaux. Tel que mentionné précédemment, considérant que l’indépendance du Groenland nécessiterait des couts considérables en plus de couper la subvention du Danemark qui représente une part non négligeable du PIB de la juridiction insulaire, certains voient le réchauffement du climat et ses impacts divers comme étant une opportunité pour l’exploitation de ressources naturelles telles que le pétrole, le gaz et les minerais (Fernandez, 2010 : 431). D’ailleurs, Fernandez (2010 : 413) affirme qu’avec les revenus que pourrait rapporter l’exploitation de ces nouvelles ressources, une plus grande « autonomie financière pourrait inciter une terre qui possède déjà son drapeau, son hymne, sa toponymie et ses institutions à une sécession désormais raisonnable ». Concrètement, les opportunités d’extraction pourraient attirer différents investisseurs étrangers et faire de l’État un exportateur de ressources naturelles (Nuttall, 2012 : 116). L’US Geological Survey a estimé en 2013 que le Groenland disposerait d’une réserve potentielle de 50 milliards de barils équivalents pétrole, représentant environ 11 % du total des réserves de la région arctique (Brito et Du Castel, 2014 : 103). Au niveau de l’industrie minière, l’exploitation de l’uranium fut bannie en 1988, ce qui a freiné drastiquement les développements dans le domaine, si bien qu’en 2008, aucune mine n’était active au Groenland (Nuttall, 2008 : 66). Suite à l’introduction de la loi sur l’autonomie du Groenland de 2009, le débat sur l’autorisation de l’exploitation de l’uranium fut réintroduit jusqu’à l’arrivée au pouvoir du gouvernement dirigé par Siumut, en 2013, qui a abandonné la politique de tolérance zéro sur cette exploitation par le biais du Parlement à une majorité d’une voix, dans l’espoir d’attirer des investissements internationaux, ce qui a d’ailleurs été l’une des plus grandes controverses de son histoire, menant à d’importantes manifestations publiques (Kristensen et Rahbek-Clemmensen, 2018 : 42). L’extraction minière a d’ailleurs été priorisée par le gouvernement Siumut vis-à-vis de l’exploitation des ressources pétrolières offshore en 2013, car bien que les deux présentent des risques environnementaux considérables, l’exploitation des hydrocarbures dans la région requiert une grande technicité et des couts majeurs, ce qui se conjuguait mal avec la chute des cours du pétrole après 2008 (Duc, 2017 : 7). Le tourisme pourrait être un autre secteur à développer dans la région qui afficherait des conditions plus favorables (Brito et Du Castel, 2014 : 109).

Si certains voient des opportunités pour le Groenland avec l’avènement des changements climatiques, d’autres se montrent plus prudents en soulignant les effets pervers pour la région, d’abord en contraignant l’écosystème et l’environnement fragile arctique, ce qui peut se répercuter notamment dans les activités de subsistance traditionnelles comme la chasse et la pêche, dont la dégradation pourrait favoriser l’exode rural, mais pouvant également favoriser la propagation de nouveaux virus (Fernandez, 2010 : 432). Des risques seraient aussi inhérents à cette possibilité accrue d’exploitation de ressources naturelles. Brito et Du Castel (2014 : 157) ont mis en exergue les inconvénients d’un développement par les hydrocarbures, ce qui inclus des menaces pour la pêche traditionnelle et l’environnement avec de la pollution par les forages, sans compter qu’économiquement, il y a des risques de dépendance aux ressources énergétiques : les exportations importantes de pétrole peuvent favoriser une surévaluation de la monnaie nationale, qu’une chute du prix du baril peut entrainer une récession, il peut y avoir une mauvaise redistribution de la rente et somme toute, l’économie se retrouve déséquilibrée. Outre ces risques, force est de constater que les activités de prospection qui avaient lieu jusqu’en 2020 au Groenland se sont soldées par un échec retentissant puisque la proportion de gisements découverts fut très faible (McGwin, 2020 dans Lasserre et Pic, 2021 : 11). Du côté de l’industrie minière, malgré les sollicitations gouvernementales pour attirer des investisseurs étrangers, seulement six licences d’exploitation étaient effectives en 2017 et une seule mine de rubis était en activité la même année (Molgaard, 2017 dans Duc, 2017 : 9). En 2020, une deuxième mine était en activité sur le territoire, soit la mine d’anorthosite de Qaqortorsuaq (Lasserre et Pic, 2021 : 9). En ce qui concerne l’argument selon lequel les revenus miniers pourraient assurer une indépendance financière au Groenland afin de mener à bien son indépendance, Duc (2017 : 8) affirme plutôt que « les revenus conjoints de plus d’une vingtaine de mines seraient nécessaires sur une période d’au moins vingt-cinq ans pour financer l’indépendance et garantir la stabilité financière de l’État à venir ». D’autre part, économiquement, le Groenland est aux prises avec d’importantes entraves liées à l’exploitation du pétrole et d’autres ressources naturelles, telles que le « manque de personnel qualifié, les contraintes qui découlent du respect de l’écosystème traditionnel des peuples autochtones et la question de la répartition de la manne du potentiel d’hydrocarbures avec le Danemark » (Brito et Du Castel, 2014 : 71).

6.3. Les projets de logements et aéroportuaires

Suivant la thèse d’une nouvelle réalité géopolitique dans la région, d’autres projets d’envergure ont été amorcés au Groenland, par exemple avec de nombreux projets de logements à Nuuk, dont un tout nouveau quartier dans la ville (Ackrén, communication personnelle, 17 juin 2020). Le plus grand projet en cours, en 2020, demeure l’extension de l’aéroport de la capitale, Nuuk, ainsi que celle d’Ilulissat afin d’en faire des aéroports internationaux, en plus d’améliorer l’aéroport régional de Qaquotoq (Ackrén, communication personnelle, 17 juin 2020 ; Grydehøj, 2020 : 100). Le projet intéressa d’abord des entrepreneurs chinois, mais le gouvernement danois, en 2018, assuma plutôt l’investissement au Groenland (Grydehøj, 2020 : 101). Des considérations géopolitiques sont entrées en ligne de compte pour le Danemark lorsqu’il est question de cet investissement, qui ne voulait pas voir la dépendance du Groenland à son égard simplement déplacé vers un État tiers comme la Chine (Grydehøj, 2020 : 105).

7. Le Groenland : un nouvel Eldorado pour les acteurs externes ?

            Tel que l’expriment Kristensen et Rahbek-Clemmensen (2018 : 157), « alors que le projet d’indépendance du Groenland a mûri et que son interaction politique avec les acteurs externes s’est élargie […] il est devenu le reflet d’une pléthore d’acteurs différents ». Tant le Danemark que certains États étrangers comme les États-Unis et la Chine ont de nouvelles prérogatives en lien avec le contexte géopolitique précis du Groenland. Qui plus est, les auteurs dénotent que l’une des principales questions auxquelles sont confrontés « les observateurs du Groenland est de savoir comment l’île va s’orienter vis-à-vis des acteurs extérieurs » (Kristensen et Rahbek-Clemmensen, 2018 : 38).

7.1. Le Danemark

En premier lieu, du côté du Danemark, le Groenland représente son seul point d’assise en Arctique et légitime sa participation dans diverses instances internationales dans la région (Jacobsen, 2020 : 171). Copenhague se voit dès lors dépendant de la situation géographique du Groenland (Jacobsen, 2020 : 171). En 2016, le gouvernement danois a souligné ce point en affirmant « [qu’il devait] tirer parti de [leur] position de grande puissance arctique pour influencer les développements dans l’Arctique au profit du Royaume du Danemark, la région et les peuples du Groenland et des îles Féroé » (Taksoe-Jensen, 2016 : 13). Selon Brito et Du Castel (2014 : 29), les questions majeures en Arctique, en 2014, concernaient la délimitation du plateau continental et les fonds sous-marins ainsi que leur exploitation. Dans cette optique, le Danemark a soumis, en 2012, une requête sur les limites du plateau continental de la partie sud du Groenland auprès de la Commission des limites du plateau continental des Nations Unies, signifiant par le fait même son intention de faire une nouvelle requête jusqu’au Pôle Nord (Brito et Du Castel, 2014 : 32). Deux ans plus tard, soit en 2014, le Danemark a déposé une revendication qualifiée d’ambitieuse dans le bassin central de l’océan Arctique, « [s’étendant] loin vers le sud de l’autre côté du pôle Nord, le long de la dorsale de Lomonossov, jusqu’à la limite de la ZÉE russe (Lasserre, 2019 : 5). Le Danemark s’est d’ailleurs montré plus actif dans la région, par exemple en effectuant régulièrement des patrouilles aériennes et maritimes au Groenland (Ackrén, communication personnelle, 17 juin 2020). Cette dépendance du Danemark donne ainsi au Groenland un « avantage arctique » (Jacobsen, 2020 : 171) dans les négociations avec sa mère patrie, alors que Nuuk souhaite « multiplier les liens avec les pays riverains et les communautés inuites […]. Cette volonté pourrait toutefois rencontrer le désir de contrôle ou d’influence des autres acteurs » (Brito et Du Castel, 2014 dans Lohez, 2014).

7.2. L’Union européenne

Pour l’Union européenne, dans le cas où le Groenland obtiendrait son indépendance, en raison de son statut PTOM, celui-ci pourrait demander l’adhésion à l’UE avec des droits d’association spécifique avec les nations inuites de la région arctique (Brito et Du Castel, 2014 : 56). La stratégie arctique développée par l’UE deviendrait d’autant plus pertinente si le Groenland devenait un État membre, alors que la communauté pourrait étendre son territoire Arctique à l’Atlantique Nord (Brito et Du Castel, 2014 dans Lohez, 2014 : 56-61). Un partenariat entre l’Union européenne, le Danemark et le Groenland fut d’ailleurs en vigueur de 2007 à 2013 dans différents domaines de coopération, dont l’éducation et la formation, les ressources minérales, l’énergie, le tourisme et la culture, la recherche ainsi que la sécurité alimentaire (Brito et Du Castel, 2014 : 68). Le partenariat fut renouvelé en 2012 pour la période 2014-2020 et avait notamment pour objectif d’aider le Groenland à diversifier durablement son économie et améliorer la qualité de sa main-d’œuvre et le financement pour la période représentait 217,8 millions d’euros (Brito et Du Castel, 2014 : 68-69). En revanche, la sécession du Groenland pourrait servir de modèle à certaines régions qui aspirent à quitter leur État de tutelle, comme le Pays basque, la Catalogne ou la Nouvelle-Calédonie, ce qui pourrait être vu comme un inconvénient à la stabilité de certains membres de l’UE (Brito et Du Castel, 2014 : 59-60).

7.3. Les États-Unis

Du côté des États-Unis, tel qu’il a été exposé précédemment, l’intérêt géostratégique que représente le Groenland n’a rien de nouveau, alors que le territoire se pose comme un pilier de la sécurité du Grand Nord (Brito et Du Castel, 2014 : 135). La base aérienne de Thulé est effectivement une « importante composante de l’alerte avancée antimissile des États-Unis et une composante du réseau global de contrôle et de surveillance satellitaire des États-Unis » (Brito et Du Castel, 2014 : 138), en plus d’être un hub pour le transport militaire aérien étatsunien provenant ou à destination de l’Europe et du Moyen-Orient. Le Groenland est aussi intéressant pour les États-Unis économiquement, soit en raison de la perspective d’exploitation de ses richesses dans sa zone économique exclusive, tout comme les possibilités de recherches et d’éducation sur les changements climatiques, du fait que l’importance exceptionnelle de sa calotte glaciaire n’a jamais fondu aussi rapidement (Drevet, 2020 : 113). Une éventuelle indépendance du Groenland soulève certaines questions sur l’échiquier international, d’abord si la présence américaine serait remise en cause sur le territoire. Brito et Du Castel (2014 : 137) affirment que celle-ci ne serait pas sujette à une reconsidération en raison des nombreux rapprochements entre les deux acteurs. À titre d’exemple, le gouvernement groenlandais a annoncé le 22 avril 2020 avoir accepté la proposition américaine de verser 12,1 millions de dollars d’aide visant à financer des projets civils dans l’industrie minière, le tourisme et l’éducation (Naalakkersuisut, 2020). Le gouvernement a affirmé que « le financement de projets au Groenland doit également être considéré comme le résultat de la coopération accrue entre Naalakkersuisut et les États-Unis depuis la création de la représentation du Groenland à Washington DC, qui est maintenant réciproque sous la forme de l’intérêt américain pour l’ouverture d’un consulat à Nuuk » (Naalakkersuisut, 2020). Washington aurait effectivement obtenu le feu vert de Copenhague pour installer un consulat dans la capitale groenlandaise (Agence France-Presse, 2020). Cette annonce survient presque un an après qu’il fut révélé que le 45e Président des États-Unis, Donald Trump, étudiait la possibilité d’acheter le Groenland, ce qui suscita certes de fortes réactions, témoignant ainsi de l’intérêt croissant pour la région et de sa « peur que l’île devient plutôt dépendante de la Chine » (Grydejøh, 2020 : 102). Une autre interrogation concerne les moyens de défense du Groenland dans le cas de son indépendance, à savoir s’il pourrait assurer sa sécurité ou s’il « [substituerait] simplement le Danemark pour les États-Unis en matière de défense et de sécurité » (Brito et Du Castel, 2014 : 141). Pour répondre à cette question, Brito et Du Castel (2014 : 141) avancent que le Groenland pourrait probablement détenir une défense de proximité, c’est-à-dire une défense pouvant mener des missions de surveillance et des interventions dans différentes zones maritimes, mais que l’île ne détient pas, pour le moment, les capacités techniques et une population suffisante pour instituer des forces armées. Selon ces derniers, « la défense, au sens général, contre des menaces armées extérieures serait prise en charge par les États-Unis, le Canada, le Danemark et l’OTAN » (Brito et Du Castel, 2014 : 141).

7.4. La Chine, la Corée du Sud et le Japon

D’autres acteurs externes prépondérants dans les discussions sur le Groenland et sa réalité géopolitique sont certains pays d’Asie tels le Japon, la Corée du Sud ainsi que la Chine. Après l’introduction de la loi sur l’autonomie du Groenland de 2009, des représentants de ces trois États asiatiques « se sont démarqués en tant qu’invités officiels les plus insolites de Nuuk » (Jacobsen et Gad dans Kristinsen et Rahbek-Clemmensen, 2018 : 18). Jacobsen et Gad (dans Kristinsen et Rahbek-Clemmensen, 2018 : 20-21) argumentent que, comme les acteurs cités précédemment, les pays asiatiques pourraient occuper une place centrale en tant que « reconnaissants de la subjectivité groenlandaise indépendante, cruciale pour le processus vers un Groenland plus autonome ». Brito et Du Castel (2014 : 150) soutiennent, en outre, que depuis 2009, la Chine serait vue comme étant un sauveur économique pour le Groenland, alors que Pékin « se positionne aussi en termes d’influence politique et économique, dans les domaines de coopération avec les États de l’Arctique ». Plus spécifiquement, Sørensen (dans Kristinsen et Rahbek-Clemmensen, 2018 : 85) identifie quatre intérêts principaux de la Chine en Arctique, à savoir la recherche scientifique, l’accès aux ressources pétrolières et minérales, le développement et l’accès aux routes maritimes ainsi que de s’imposer comme un joueur dans la gouvernance arctique. Ces intérêts vont de pair avec l’admission de la Chine comme membre observateur permanent au sein du Conseil de l’Arctique en 2013 (Lasserre, Alexeeva et Huang, 2015 : 10), où Pékin aurait comme ambition d’établir des relations bilatérales avec les États et parties prenantes du Conseil, comme le Groenland, et d’augmenter sa présence et son influence dans les institutions multilatérales arctiques (Sørensen dans Kristinsen et Rahbek-Clemmensen, 2018 : 87). La Chine s’est aussi montrée intéressée au potentiel minier du Groenland comme le démontre l’investissement de l’entreprise Xinye Mining dans l’entreprise London Mining, qui devait faire l’exploitation d’une mine de fer groenlandaise en 2015, mais qui fit faillite en 2014 (Lasserre, Alexeeva et Huang, 2015 : 14). De leur côté, le Groenland multiplie les efforts afin d’attirer les investisseurs asiatiques, par exemple en envoyant fréquemment des délégations groenlandaises en Chine, comme le ministre des Finances et des ressources qui a participé à la conférence annuelle China mining à Tianjin, en 2015 (Sørensen dans Kristinsen et Rahbek-Clemmensen, 2018 : 88). D’autre part, Têtu et Lasserre (2017) se sont penchés sur les projets d’investissements miniers chinois en Arctique et ont révélé dans leur étude, entre autres, que peu d’entreprises chinoises connaissaient réellement les perspectives minières potentielles groenlandaises, et manquaient globalement d’information sur les possibilités d’investissement. Parmi les autres défis rencontrés par diverses entreprises chinoises mises en lumière par les auteurs, il y a le fait que le Groenland manque d’expérience à l’international, le cout des vols en provenance et en destination du Groenland, puis le cout et la disponibilité de la main-d’œuvre (Têtu et Lasserre, 2017). Malgré l’intérêt marqué de la Chine dans la région, Sørensen argumente aussi que les entreprises chinoises éprouvent certaines difficultés pour investir au Groenland : d’abord, les diplomates chinois ne se sentiraient pas à l’aise de traiter avec une entité autonome avec un désir d’indépendance puis, en raison des intérêts de sécurité des États-Unis sur le territoire, « les autorités danoises ont peur de donner à la Chine un effet de levier qui pourrait compromettre la position américaine au Groenland », limitant les perspectives d’investissements de la Chine (dans Kristinsen et Rahbek-Clemmensen, 2018 : 186).

Conclusion

En définitive, le Groenland est passé du statut de colonie entre 1721 et 1953 à celui de comté danois de 1953 à 1979, pour ensuite se doter d’une loi sur l’autonomie du Groenland (Home Rule) jusqu’en 2009, où la loi sur l’autonomie du Groenland de 2009 (Self-Government Act) donne aujourd’hui au territoire arctique de nombreuses compétences exclusives, en plus de détenir une plus grande marge de manœuvre sur l’échiquier international et parler de sa propre voix dans différences instances internationales telles qu’au Conseil de l’Arctique, dans les réunions d’Ilulissat ou encore dans les conférences circumpolaires (Ackrén, 2019 : 8 ; Jacobsen, 2020 : 184). Tous ces évènements ont su contribuer à renforcer les visées d’autonomie du Groenland qui voit de plus en plus le projet d’indépendance du Danemark comme la prochaine étape à franchir dans son histoire. En décembre 2016, le ministre de l’Industrie, du Travail, du Commerce et des Affaires étrangères du Groenland, Vittus Qujaukitsoq a déclaré que le Danemark « ne traitait pas le Groenland équitablement » et que Nuuk devrait être habilité à poursuivre ses propres intérêts vis-à-vis des États-Unis et des États tiers, par exemple les nations asiatiques (Kristensen et Rahbek-Clemmensen, 2018 : 155). Selon des auteurs tels que Kristensen, Rahbek-Clemmensen (2018), Gad (2014) et Jacobsen (2020), la stratégie du Groenland pour mener à bien le projet sociétal d’indépendance passe avant tout par un rôle actif dans la politique arctique avec les autres nations arctiques ou non arctiques, légitimant donc sa place dans la sphère régionale et internationale en profitant d’une certaine flexibilité dans plusieurs domaines, dont celui de l’extraction. La société inuit œuvrant traditionnellement dans la chasse et la pêche se voit désormais avec d’énormes potentiels en matière d’exploitation des ressources naturelles, selon Ackrén (2019 : 8), particulièrement avec le contexte géopolitique changeant. Tel que l’exprime Kristensen et Rahbek-Clemmensen (2018 : 155) : « le monde s’intéresse au Groenland et le Groenland dispose d’une marge de manœuvre paradiplomatique pour façonner sa propre politique étrangère ». Les représentants du Groenland tentent alors de maximiser la souveraineté politique étrangère dans les différents cadres juridiques actuels en agissant et en prenant des positions plus individuelles, ces mouvements plus souverainistes étant facilités par la dépendance du Danemark face à la géographie du Groenland pour maintenir son statut d’État arctique (Jacobsen, 2020 : 184). Il est dès lors possible de voir plus d’engagement entre le Groenland et divers acteurs internationaux, mais Grydehøj (2020 : 106) souligne que le récent investissement aéroportuaire du Danemark pourrait traduire d’une volonté de relation à plus long terme entre les deux. Duc (2017 : 25) argue d’ailleurs que les projets dans l’industrie minière témoignent du désir groenlandais d’obtenir des revenus et que le territoire autonome cherche sa légitimité à l’international par ces aménagements miniers et plus globalement, par l’exploitation des diverses ressources naturelles par des tiers. Nuttall (2012 : 123) met toutefois en lumière le débat sur la manière dont le Groenland devrait se préparer à une société future caractérisée par la présence et la domination des industries extractives et la gouvernance du développement de ces ressources tout en préservant l’environnement fragile. Une certaine logique de dépossession est également observable en raison de l’exclusion de la population dans les processus décisionnels, le manque de consultations publiques et le manque de transparence tant de la part des compagnies d’exploitation de ressources naturelles que du gouvernement, se manifestant par une certaine méfiance du public envers ces industries extractives, bien qu’elles seraient lucratives et pourraient assurer une certaine aisance économique, que plusieurs qualifient d’essentielle à la tenue d’un prochain référendum sur l’indépendance du Groenland (Nuttall, 2012 : 123, Duc, 2017 : 25).

De nouvelles élections extraordinaires prévues le 6 avril 2021 ont d’ailleurs été annoncées le 16 février 2021 à la suite du départ du parti Demokraatit, laissant le parti de coalition « à court d’une majorité parlementaire » (Thomson Reuters, 2021). Il est fort à parier que les projets d’extraction minière, la revitalisation de l’économie du Groenland et l’indépendance de Nuuk seront au cœur des discours des différents partis politiques dans les prochains mois, particulièrement par le nouveau chef du Parti Siumut, Erik Jensen.

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[1] Le statut relève des articles 198 et 203 du traité sur le Fonctionnement de l’Union européenne (modifié par le Traitéde Lisbonne) et du Protocole no. 34 sur « le régime particulier applicable au Groenland », entré en vigueur le 1er décembre 2009 (Brito et Du Castel, 2014 :12).

[2] 3.4 milliards de DKK, soit environ 456 millions d’euros ou encore 703 millions de dollars canadiens

[3] L’indemnisation des accidents de travail, autres domaines de soins de santé, la circulation routière, le droit des biens et obligations et la zone de plongée commerciale.