Regards géopolitiques vol.9 n.2, 2023

Mesly, Nicolas (2022). Terres d’asphalte. Notre agriculture sous haute pression. Montréal : Multimondes.

Cet ouvrage pose la question de l’avenir des terres agricoles au Québec. Prenant la mesure de leur déclin rapide dans les espaces autour de Montréal et de Québec, Nicolas Mesly propose ici une analyse de ce cas de géopolitique locale, dont l’enjeu réside dans l’utilisation du foncier rural. L’auteur pose la question du choix politique qui se présente au gouvernement, mais à la société aussi : veut-on préserver l’activité agricole dans les terres fertiles de la vallée du Saint-Laurent, surtout dans la région entourant le grand Montréal ?  De manière plus générale, veut-on préserver une certaine autonomie alimentaire, en maintenant l’activité agricole dans les campagnes ?

La prémisse de base renvoie à cette question de l’autonomie alimentaire du Québec. L’auteur évoque la politique proactive de soutien du monde agricole menée par le ministre Jean Garon de 1976 à 1985. Jean Garon a notamment réussi à faire voter, en 1978, la Loi sur la protection du territoire agricole (LPTA), qui institue un zonage et le classement des terres agricoles afin de les soustraire à l’appétit des promoteurs. Le ministre de l’Agriculture et des Pêches a dû lutter, au sein même de son gouvernement, contre les intérêts politiques du ministre d’État à l’Aménagement, Jacques Léonard, dans une rivalité pour savoir qui lutterait le plus efficacement contre l’étalement urbain, une rivalité entre ministères qui n’est pas sans rappeler celle, toujours d’actualité, entre le ministère de l’Environnement et le ministère des Affaires municipales pour savoir qui piloterait la politique de l’eau du Québec…

Jean Garon avait comme objectif l’autosuffisance alimentaire du Québec – ne pas dépendre des importations tout en développant un secteur agro-alimentaire fort générateur d’emploi. A la fin de son mandat, des estimations veulent que l’autonomie alimentaire du Québec ait atteint 80% (Dorval, 2020); mais atteindre l’autosuffisance semble hors d’atteinte compte tenu des goûts alimentaires contemporains des Québécois, notamment en ce qui concerne les fruits et légumes tropicaux et/ou consommés en hiver (Genois Gagnon, 2020). Néanmoins, un degré d’autonomie le plus élevé possible semble, rappelle l’auteur, bénéfique à plus d’un titre : ne pas dépendre des chaines d’approvisionnement de l’étranger, surtout si celles-ci en viennent à se distendre sous l’effet de perturbations politiques ou environnementales comme les tensions sur la gestion de l’eau en Californie ; entretenir un secteur productif et de transformation créateur de valeur ajoutée et d’emplois.

Il ne s’agit pas seulement de produire : l’auteur observe la tendance à la concentration du secteur, avec l’émergence de grandes exploitations portées par le secteur financier (Banque nationale notamment) ou l’achat de terres par des investisseurs étrangers, qui certes voudront maintenir une activité de production, mais pas nécessairement pour l’écouler sur le marché local – on pense ainsi à des investisseurs chinois ou émiratis, actifs à travers le monde pour diversifier leur portefeuille d’actifs dans le secteur alimentaire mais aussi pour accroitre la production expédiée vers leur propre population. Il n’est pas certain que ces nouveaux exploitants auront à cœur de soutenir les retombées économiques de leur production dans les campagnes du Québec…

Le déclin du secteur agricole se traduit précisément par l’expansion du tissu périurbain au dépens des terres agricoles dans les périphéries de Québec et surtout de Montréal. C’est d’autant plus regrettable pour la production agricole que ces terres sont très fertiles, alors même que le Québec ne dispose pas de surfaces considérables : 5% de son territoire seulement est cultivable, et 2% seulement est effectivement exploité. Il existe certes des surfaces qui pourraient être mises en exploitation, surtout avec les effets du réchauffement climatiques, mais cela exige des investissements pour bonifier ces sols alors que les exploitations de la grande couronne de Montréal travaillent des terres productives, déplore l’auteur. Malgré la LPTA et le zonage agricole, la pression de l’étalement urbain est intense, depuis des décennies : le modèle urbanistique repose sur le développement massif et extensif de lotissements de maisons unifamiliales que desservent des routes, puis des autoroutes urbaines sans transport en commun, alors même que des réserves foncières existent dans le tissu des zones dites blanches ouvertes à l’aménagement commercial ou résidentiel. Ce modèle, décrié depuis des décennies, s’est vu renforcé avec les impacts de la pandémie de covid-19 et la généralisation du télétravail, qui ont incité nombre de foyers à s’installer en zones périurbaines pour satisfaire le désir de « vivre à la campagne » – dan un milieu qui, l’auteur le passe sous silence, n’est pas toujours très sain du fait de l’intensité des usages de pesticides et d’engrais, et dont les conséquences sur la santé se manifestent aussi peu à peu : c’est un mythe que de croire que la campagne de l’agriculture intensive est verte (Latulippe, 2001 film; Cameron, 2019), ce que l’on sait depuis Rachel Carson et son essai Silent Spring publié dès 1962. De plus, ces nouveaux ruraux supportent souvent mal la cohabitation avec les exploitations agricoles, lesquelles génèrent des odeurs que ces rurbains en mal d’espaces bucoliques tolèrent mal – d’où de nombreux conflits de voisinage et de recours en justice.

Sous la pression des nouveaux rurbains, les municipalités s’activent également pour développer les infrastructures routières, grandes voies rapides puis autoroutes, puis pour dézoner de plus grands espaces pour poursuivre le développement résidentiel et commercial. A cela, une cause fiscale, outre la forte demande des citadins : l’essentiel des revenus des municipalités du Québec réside dans la perception des droits de mutation sur les achats immobiliers, et sur les taxes foncières dont le montant dépend de l’évaluation de la valeur des propriétés – bien supérieures pour des développements résidentiels, commerciaux ou industriels. Les municipalités, surtout si un promoteur leur propose qui plus est d’assumer les coûts des infrastructures urbaines – voire, égout, aqueduc – résistent difficilement à l’attrait de cette ressource financière et vont donc se joindre aux pressions des promoteurs pour obtenir le dézonage des terres agricoles.

Ainsi, le monde agricole se voit-il confronté, dans ces territoires d’expansion des couronnes urbaines, à de multiples pressions : conflits avec les nouveaux résidents ; entraves posées par le développement routier et l’accroissement du trafic ; pression des promoteurs et des municipalités. Souvent vieillissants et endettés, les exploitants, faute de trouver des successeurs, finissent par vendre leurs terres à des spéculateurs qui à leur tour feront pression sur la Commission de protection des terres agricoles pour obtenir le dézonage et le feu vert pour lotir et construire.

Il existe des pistes de solutions. Tout d’abord, renforcer les pouvoirs municipaux pour protéger les espaces agricoles et les milieux humides, alors même que leur valeur environnementale est reconnue. L’actualité témoigne de la difficulté des combats menés par certaines municipalités, deux récentes décisions de justice risquant de compromettre leur action pour protéger les milieux naturels sur le territoire (Champagne, 2023). L’auteur compare aussi la politique d’aménagement du Québec avec celle de l’Ontario, où le gouvernement provincial a instauré une ceinture verte protégée par une forte réglementation autour de Toronto.

Afin de renforcer l’attractivité du secteur agricole aux yeux des exploitants eux-mêmes, mais aussi du public et des municipalités, l’auteur fait valoir le potentiel de valorisation touristique sur le modèle des routes du vin, du fromage etc… surtout que ce type d’activité plait souvent aux nouveaux rurbains friands de l’image d’une campagne saine et productrice de produits de qualité. Le développement de l’agriculture urbaine constitue également une avenue pour renforcer un secteur économique dévalorisé notamment par la précarité financière qu’il impose souvent aux exploitants. Certes, souligne l’auteur, il ne faut pas que l’on prenne de bonnes terres pour construire un entrepôt et des serres sur son toit ; mais si le questionnement de base est l’autonomie alimentaire et le renforcement de l’activité agricole, alors l’agriculture urbaine, sur des toits ou en pleine terre, constitue aussi un élément de solution.

Mais ces avenues ne sauraient à elles seules répondre aux difficultés structurelles qui guettent le monde agricole. Tant que les municipalités chercheront à toujours mettre en valeur des terres pour accroitre leurs revenus faute d’accès à de nouvelles sources de financement ; tant que le modèle urbanistique favorisera l’étalement urbain et que nombre de promoteurs, mais aussi de citadins pousseront pour l’extension de la construction de résidences unifamiliales; tant que nombre de consommateurs préféreront acheter leur épicerie moins cher plutôt que de favoriser l’achat local, tant que les villages plus loin des grands centres urbains se videront et que les services déclineront, alors les exploitants demeureront confrontés à la question de la difficile relève et des pressions pour céder leurs terres ou cesser leur exploitation. Ces conflits d’usage du foncier agricole en périphérie urbaine constituent un cas de géopolitique locale qui renvoie à des choix de politique d’aménagement, mais aussi à des choix de la part des consommateurs.  Un livre fort intéressant, militant certes, mais qui éclaire sur les enjeux de pouvoir sur les terres agricoles périurbaines au Québec.

Frédéric Lasserre

Directeur du CQEG

Références

Cameron, D. (2019). Pesticides : la rivière aux horreurs. La Presse, 21 sept., https://www.lapresse.ca/actualites/2019-09-21/pesticides-la-riviere-aux-horreurs.php

Carson, R. (1962). Silent Spring. Boston : Houghton Mifflin.

Champagne, É.-P. (2023). Protection des milieux naturels. Des décisions des tribunaux qui « préoccupent » Québec. La Presse, 13 mars, https://www.lapresse.ca/actualites/environnement/2023-03-13/protection-des-milieux-naturels/des-decisions-des-tribunaux-qui-preoccupent-quebec.php

Dorval, A. (2020). L’autonomie alimentaire sous Jean Garon. La Gazette de la Mauricie, 14 juillet, https://gazettemauricie.com/lautonomie-alimentaire-sous-jean-garon/

Genois Gagnon, J-M. (2020). Autonomie alimentaire : difficile d’être entièrement autonomes. Le Journal de Québec, 26 sept., https://www.journaldequebec.com/2020/09/26/autonomie-alimentaire-difficile-detre-entierement-autonomes

Latulippe, H. (2001). Bacon, le film. ONF, https://www.onf.ca/film/bacon_le_film/

Transfert de compétences dans la gestion des ressources en eau au Mali : les difficultés d’une responsabilisation des acteurs locaux

Regards géopolitiques, v8 n4, 2022

 

Dr Mamadou NIENTAO

Enseignant-chercheur à l’Université des Sciences Juridiques et Politiques de Bamako (Mali)

mamadounientao84@yahoo.fr

Résumé

La décentralisation territoriale se manifeste par le transfert de l’autorité, de pouvoirs discrétionnaires et de responsabilités à des unités territoriales ayant une personnalité juridique propre, gouvernées par les corps élus qui se chargent des affaires d’intérêt local avec un haut degré d’autonomie administrative et financière.

Les raisons de ce transfert sont multiples et visent principalement à rapprocher le pouvoir des citoyens à travers la participation de ces derniers dans la gestion des affaires publiques.

Pour autant, les ressources en eau sont des moyens d’existence dans la mesure où, prises dans leur fonction économique, elles assurent la satisfaction des besoins en développement du pays ; prises dans leur fonction alimentaire, elles assurent la survie des populations.

La décentralisation a favorisé l’implication et la responsabilisation des communautés à la base en leur offrant des outils institutionnels qu’on supposait adaptés aux formes d’organisation des sociétés maliennes. C’est dans ces conditions concrètes que se pose la question de savoir en quoi les nouveaux acteurs et processus collectifs nés de cette responsabilisation des communautés à la base ont pu favoriser de nouvelles formes de gestion plus durables des ressources en eau, tel est l’objectif de cette présente communication.

Mots clés : transfert de compétences, gestion décentralisée, gouvernance locale, collectivités territoriales.

Summary

Territorial decentralization manifests itself in the transfer of authority, discretionary powers and responsibilities to territorial units with their own legal personality, governed by the elected bodies that take care of matters of local interest with a high degree of administrative and financial autonomy.

The reasons for this transfer are multiple, in particular, the desire to bring power closer to the citizen, they lie in the idea of citizen participation in the management of public affairs.

However, water resources are means of livelihood insofar as, taken in their economic function, they ensure the satisfaction of the country’s development needs; Caught up in their food function, they ensure the survival of populations.

Decentralization has fostered the involvement and empowerment of grassroots communities by providing them with institutional tools that were supposed to be adapted to the forms of organization of Malian societies. It is in these concrete conditions that the question arises as to whether and how the new actors and collective processes born of this empowerment of grassroots communities have been able to promote new forms of more sustainable management of water resources, that’s the objective of this Communication.

 Keywords: transfer of competences, decentralized management, local competences, local governance.

 

Introduction

La gouvernance de l’eau est un moyen pour parvenir à une fin, plutôt qu’une fin en soi. Il est dès lors fondamental de mesurer la performance des structures de gouvernance afin d’évaluer leur contribution à une meilleure gestion de l’eau à court, moyen et long termes. L’évaluation des cadres de gouvernance dans lesquels s’inscrivent les politiques de l’eau exige de développer des indicateurs consensuels, des outils indispensables à l’instauration d’un dialogue entre différents acteurs, sur une base factuelle, pour guider les processus décisionnels.

La décentralisation est donc marquée par l’arrivée de nouveaux acteurs qui entrent en relation avec les anciens. Au cours des deux dernières décennies, les « conventions locales » se sont multipliées sur le terrain et ont été présentées par leurs concepteurs étrangers comme des alternatives prometteuses pour une gestion participative des ressources naturelles et foncières. Elles sont considérées, avant toute évaluation, comme l’une des plus grandes avancées en matière de gestion locale des ressources naturelles en Afrique de l’Ouest.

En effet, la décentralisation dont il s’agit ici et qui est nécessaire à la gestion des ressources en eau au Mali est d’ordre territorial et consiste à reconnaître l’existence juridique à des entités géographiques appelées Collectivités Territoriales qui, dotées de la personnalité morale, ont vocation à gérer leurs propres affaires par l’intermédiaire des représentants élus par les populations elles-mêmes (Direction Nationale des Collectivités Territoriale, 2012).

Le choix du thème est lié à l’importance que revêt la problématique de la décentralisation au Mali. En effet, la reforme de décentralisation engagée par l’Etat malien suite à la Révolution de mars 1991 possède de multiples implications relatives entre autres à la gestion par les collectivités décentralisées des ressources naturelles (Dembélé, cité par Gerti, Djiré 2005, p. 223).

Si le principe du transfert de la conservation et de la gestion du domaine public naturel de l’Etat vers les collectivités est affirmé par le législateur, la question des modalités concrètes de ce transfert reste posée, ainsi que celle de la délimitation territoriale des collectivités, notamment des communes.

Dans un souci de suivre l’évolution de la politique de décentralisation à partir de l’effectivité du principe de transfert des compétences, nous poserons de question de savoir si et en quoi les nouveaux acteurs et processus collectifs nés de cette responsabilisation des communautés à la base ont pu favoriser de nouvelles formes de gestion plus durables des ressources en eau ?

Toute recherche que l’on prétend aborder doit être régie par une méthodologie concrète. Ainsi, toute discipline scientifique suit des méthodes déterminées qui lui permettent d’en tirer certaines conclusions grâce à l’accumulation constante de données théoriques ou factuelles. En ce sens, la méthodologie qui a abouti à l’élaboration de ce présent article a été la méthode juridico-sociologique, dans la mesure où c’est celle que nous considérons la plus appropriée à un éclairage pluridisciplinaire, du point de vue juridique, en ce qui concerne la compréhension des normes, de leur inexistante, de leur efficacité, de leur fondement, etc. Cette méthode part de l’idée que le droit ne peut s’étudier comme un domaine isolé, mais qu’il doit s’analyser en lien avec la réalité sociale et en tant que partie de celle-ci. En conséquence, la méthode juridico-sociologique examine les normes juridiques, en tenant compte du contexte social, politique, géographique, économique et culturel de l’application et de l’émergence de ces normes (Nientao, 2019).   

Dans cette étude, il est important de mettre l’accent sur les responsabilités des collectivités territoriales dans la gouvernance des ressources en eau (1) avant de relever les difficultés liées à cette gestion (2).

 

1. La responsabilisation des collectivités territoriales (CT) dans la gouvernance des ressources en eau : une condition de réalisation de la politique de décentralisation

Convaincus que la responsabilisation des CT est sans doute une des conditions de réalisation de la décentralisation, nous allons mettre l’accent sur leurs rôles dans la gestion des ressources en eau (1.1) et soulever l’épineuse question de la démocratie hydrique (1.2). 

1.1 Le rôle des collectivités territoriales dans la gestion des ressources en eau

La constitution malienne en vigueur est claire sur ce sujet, les collectivités sont créées et s’administrent librement (art 97 et 98). Dans la pratique, la question de création ne se pose guère, mais les conditions d’auto-administration de ces entités se posent avec acuité. En d’autres termes, la décentralisation n’apparait qu’au moment où les organes chargés des affaires locales émanent de la collectivité, non de l’Etat, et possèdent à l’égard de celui-ci une certaine autonomie (Meunier 2006).

Toutefois, les ressources naturelles s’étendent d’éléments présents dans la nature qui sont indispensables ou utiles aux humains, la responsabilité des collectivités devient importante. Au Mali, plus de 80 % de la population vit en zone rurale, c’est d’ailleurs ces zones rurales qui constituent la majorité des CT.

De toute les ressources naturelles, l’eau est par excellence la ressource qui présente tend d’enjeux liés à sa fragilité et son caractère épuisable. Néanmoins, les ressources naturelles de façon générale souffrent de nos jours à cause des politiques inefficaces propres à leur gestion. Le niveau de la gestion présente un problème particulier. Pour des raisons opérationnelles, il est indispensable de décentraliser la gestion de l’eau jusqu’au niveau des limites hydrologiques, c’est-à-dire du bassin versant des affluents.

Ainsi le code des Collectivités Territoriales (loi n° 95-034/AN/RM du 12 avril 1995) qui définit les institutions de ces collectivités leur reconnaît la personnalité morale, l’autonomie financière et la compétence pour régler, par leurs délibérations, leurs affaires respectives notamment celles relatives aux programmes de développement économique, social et culturel. En vertu de cette loi, les CT deviennent une véritable autorité de décision et de coordination en matière de gestion des ressources naturelles se situant sur leur circonscription.  Cette politique à un double objectif. D’une part, les CT sont maitres de leurs destins et d’autre part, il vise à respecter le principe de « l’unité de la ressource » (Pontier, 2003a). 

Nous avons rappelé ci-haut que le fleuve Niger est localisé au Mali à travers des secteurs et souvent des sous-ensembles. Chaque CT est responsable suivant la vision décentralisée, de la portion du fleuve se trouvant dans sa localité. L’État lui-même fait la distinction entre son domaine et les domaines des CT. C’est ainsi que la loi n°93-008 du 11 février 1993 déterminant les conditions de la libre administration des collectivités territoriales définit les domaines des CT en république du Mali.

En effet, le domaine public et privé d’une collectivité territoriale se compose de biens meubles et immeubles acquis à titre onéreux ou gratuit (article 12 al. 1). Cependant, le mérite revient à la loi n°96-050 du 16 octobre 1996 portant principes de constitution et de gestion du domaine des collectivités territoriales. Cette loi détermine sans ambigüité le domaine des CT et le droit applicable est défini par la loi susmentionnée.

En confirmant la composition du domaine des collectivités locales, cette loi offre l’avantage de catégoriser, selon la nature juridique desdites collectivités, le caractère d’intérêt national, régional, de cercle ou communal des biens constitutifs. Elle tend ainsi à confirmer l’existence des CT comme personnalité distincte et autonome capable de gérer ses propres biens. Le domaine public naturel des collectivités territoriales comprend, ainsi, toutes les dépendances du domaine public de l’État telles que définies par les législations en vigueur, situées sur le territoire desdites collectivités territoriales et dont l’Etat a transféré la conservation et la gestion à celles-ci.

Dans cette étude, il est important de noter quelles sont ces catégories auxquelles la loi confère le caractère de domaine public naturel des CT. Il s’agit des cours d’eau ; des mares, les lacs et les étangs ; des périmètres de protection ; des sites naturels déclarés domaine public par la Loi.

Dans cette perspective de décentralisation, une compétence est aussi reconnue aux autorités villageoises, les fractions, les quartiers, elles peuvent recevoir des délégations de pouvoir des organes de délibération des collectivités territoriales. Ce sont ces populations qui constituent les 80 % de la société malienne et vivent majoritairement sur les berges du bassin du Niger.

En ce qui concerne la pêche, les CT sont compétentes en conformité avec les lois en vigueur de déterminer les zones de pêches et les règles applicables à la pêche sur les portions du fleuve relevant de leurs compétences.

En dehors du domaine précité, les CT disposent aussi d’un domaine piscicole, il comprend les aménagements hydrauliques et piscicoles que les collectivités réalisent sur leur territoire et les eaux publiques qui leur sont concédées par l’Etat. Les activités de pêche sont organisées en collaboration avec les organisations professionnelles et les services techniques compétents conformément aux lois et aux conventions locales.

Les organes de délibération prennent connaissance des demandes de concession des droits de pêche et fixent, après consultation de la Chambre régionale d’agriculture, les taux des redevances perçues à l’occasion de la délivrance des autorisations de pêche dans leur domaine. L’élan marqué par ces différentes lois de transferts de compétences s’est peu à peu atténué et sombra dans une profonde léthargie n’ayant jamais retrouvé un souffle politique fort désireux de relancer la machine. Les principes issus de ces différentes lois, qui bouleversèrent le paysage institutionnel malien restèrent en sommeil pendant plusieurs années.

Nous avons soulevé la question de la valeur juridique des conventions locales, pour notre part, nous notons que pour ce qui concerne celles relatives à la pêche ont le plus souvent une valeur coutumière et peuvent être interprétées par le juge à l’absence de loi. Au Mali, sur tous les territoires parcourus par les ressources en eau, chaque portion est sous la responsabilité d’une CT. La gestion des ressources en eau est contenue dans la clause générale de compétence vu que c’est une question d’intérêt public local. Techniquement, cette responsabilisation se traduit par une espèce de démocratie hydrique (1.2).

1.2. La démocratie hydrique : un défi de la gestion décentralisée

Redonner un rôle central aux citoyens dans les politiques de l’eau est une nécessité majeure pour les décideurs, dans un climat de crise dans la confiance placée par les administrés dans leurs gouvernants, tel est l’esprit de la démocratie hydrique.

Dans ce contexte, aucun pays ne peut considérer son niveau actuel de sécurité hydrique et de prestation de services comme étant acquis ; et tous les pays doivent anticiper les tensions futures et conduire, dès aujourd’hui, les réformes nécessaires pour pallier des déficits qui s’exacerberont demain. Relever les défis de l’eau actuels et futurs exige des politiques publiques robustes, qui ciblent des objectifs mesurables inscrits dans des calendriers prédéterminés, à l’échelle appropriée, qui s’appuient sur une répartition claire des taches entre les autorités responsables et qui fassent l’objet d’un suivi et d’une évaluation réguliers (OCDE, 2015).

Une gouvernance de l’eau efficace, efficiente et inclusive contribue à l’élaboration et à la mise en œuvre de ces politiques publiques dans un partage des responsabilités entre les différents niveaux de gouvernement et une coopération avec les parties prenantes (Akhmouch et  Clavreul, 2017).

Le rôle de la gouvernance est d’autant plus fondamental pour intégrer les différents acteurs, domaines de politiques et territoires que d’importantes reformes (récentes ou en cours) exogènes au secteur de l’eau ont d’ores et déjà des répercussions dans le secteur.

Les enjeux liés à la gestion des ressources en eau sont multiples. Des lors, la gouvernance devient essentielle pour organiser les règles politiques, institutionnelles et administratives, ainsi que les pratiques et les processus (formels et informels) au travers desquels les décisions sont prises et mises en œuvre, les parties prenantes peuvent exprimer leurs intérêts et voir leurs préoccupations prises en compte, et les décideurs rendent des comptes.

2. Les difficultés liées à la gestion des ressources en eau par les collectivités territoriales

Le processus de décentralisation au Mali, de façon générale souffre de plusieurs insuffisances, particulièrement, en ce qui concerne la gestion des ressources naturelles. Force est de constater la présence notoire de l’État. Mais il est important aussi de reconnaitre que certaines difficultés de nature diverses persistent (Ministère délégué chargé de la décentralisation 2013).

La politique de décentralisation, comme l’ensemble des réformes en cours a été affectée par la crise qu’a traversée le Mali. Du coup, cette dernière remet en débat la pertinence et les choix du processus de décentralisation. Pour autant, il est important de soulever les véritables enjeux qui s’imposent à la politique de façon générale. Nous avons déjà signalé que ces enjeux sont multiples et de natures différentes (Nientao, 2019).

2.1. Situation du transfert des compétences en matière d’eau : un constat amer

L’exercice par les collectivités territoriales des compétences qui leur sont reconnues dans divers domaines n’est pas automatique. Bien au contraire, il est subordonné à l’adoption des textes complémentaires déterminant les modalités selon lesquelles les compétences transférées seront mises en œuvre. Le transfert de compétences est la manifestation concrète de la décentralisation en ce qu’il donne une dimension réelle et objective au principe de subsidiarité (Pontier, 2003b). Outre le fait qu’il assure la territorialisation des politiques publiques et l’équité sociale dans la répartition des investissements publics, le transfert des compétences offre au Gouvernement l’occasion de réaliser des économies substantielles des ressources humaines, financières et matérielles.

Dans le domaine de l’eau, il a été réalisé par le Décret n°02-315/P-RM du 4 juin 2002 fixant les détails des compétences transférées de l’Etat aux collectivités territoriales en matière d’hydraulique rurale et urbaine. Il est ressorti de ce texte que les compétences transférées aux communes et aux cercles en matière d’hydraulique rurale et urbaine se présentent comme suit :

Compétences transférées aux communes :

  • L’élaboration du plan de développement communal d’hydraulique rurale et urbaine d’intérêt communal ;
  • La réalisation et l’équipement des infrastructures ;
  • L’exploitation des infrastructures d’alimentation en eau potable ;
  • Le contrôle et le suivi des structures agréées pour la gestion des infrastructures d’alimentation en eau potable ;
  • Le recrutement des exploitants chargés du fonctionnement des infrastructures d’alimentation en eau potable (art 2 du Décret n°02-315/P-RM du 04 juin 2002 fixant les détails des compétences transférées de l’Etat aux collectivités territoriales en matière d’hydraulique rurale et urbaine ).

Compétences transférées aux cercles :

  • L’élaboration du plan de développement de cercle en matière d’hydraulique rurale et urbaine d’intérêt de cercle ;
  • La réalisation et l’équipement des infrastructures.

On constate que tandis que la maîtrise d’ouvrage des cercles se limite à la programmation et à la réalisation des infrastructures d’un intérêt subrégional, celle des communes est en revanche complète du moins en théorie. En effet, la maîtrise d’ouvrage communale concerne la programmation des ouvrages, leur réalisation, la fourniture d’eau potable et le contrôle de la qualité des services.

De même, il est annoncé la mise à disposition des collectivités territoriales concernées les ressources financières nécessaires à l’exercice des compétences transférées (Ministère de l’Énergie et de l’eau, 2018). Ces mesures entrent dans la droite ligne des directives contenues dans la loi n°93-008 du 29 janvier 1993 selon lesquelles « Tout transfert de compétences à une collectivité doit être accompagné du transfert concomitant par l’Etat à celle-ci, des ressources et moyens nécessaires à l’exercice normal de ces compétences ». Il s’agit des ressources humaines, matérielles et financières.

L’examen du niveau de mise en œuvre du transfert des compétences aux collectivités territoriales dans le domaine de l’eau met en exergue le décalage entre les affirmations contenues dans les textes et la réalité. En effet, la maitrise d’ouvrage locale en matière d’hydraulique n’est pour l’instant exclusive dans les faits, qu’en ce qui concerne la gestion des infrastructures.

Elle n’est pas encore exclusive en ce qui concerne par exemple la réalisation des ouvrages et leur planification. Les collectivités territoriales exercent les attributions précitées concurremment avec le niveau central. Ainsi, il est ressorti du rapport d’activités de la Direction Nationale de l’Hydraulique (DNH) pour l’année 2017, que celle-ci (donc le niveau central) a réalisé au total 1 209 équivalents points d’eau modernes (Ministère de l’Énergie et de l’eau, 2018).

Au cours de la même période, les communes, les ONG, l’Agence Nationale d’Investissement des Collectivités Territoriales (ANICT) la coopération décentralisée et les programmes d’autres secteurs tous réunis ont enregistré 1 221 réalisations soit sensiblement le même nombre d’EPM que le niveau central. La proportion des réalisations portées par les communes seules n’est pas contenue, mais on devine aisément à partir des données précitées qu’elle de loin inférieure à celles de la DNH. En définitive, la maîtrise d’ouvrage locale est loin d’être effective puisque les compétences transférées aux collectivités territoriales continuent d’être partagées avec le niveau central.

La faiblesse des capacités techniques des collectivités territoriales notamment les communes, est la raison fréquemment alléguée pour justifier les incursions du niveau central dans des compétences qu’il a pourtant transférées. Or, si les collectivités territoriales affichent pour l’instant des faiblesses de capacités techniques c’est précisément parce que le transfert des compétences n’a pas été suivi de l’allocation des moyens humains, matériels et financiers correspondants. Aucune de ces ressources n’a été mise à la disposition des entités décentralisées. Tout se passe comme si l’Etat a retiré d’une main ce qu’il a donné de l’autre. Le transfert des compétences en matière d’hydraulique n’est donc que partiellement effectif.

Les hésitations voire la réticence du niveau central à responsabiliser de façon effective les collectivités territoriales, et à leur affecter les ressources humaines, matérielles et financières nécessaires à l’exercice de leurs compétences sont au moins en partie, à l’origine des nombreux dysfonctionnements relevés et qui sont consécutifs à des déficits de suivi. En effet, faute de suivi approprié, les associations qui gèrent les infrastructures d’eau potable sont laissées à elles-mêmes au point qu’elles s’effritent progressivement, et n’arrivent pas à assurer convenablement leur mission.

Par voie de conséquence la question de la qualité de l’eau semble occultée, tandis que les ouvrages réalisés souffrent d’une insuffisance d’entretien et lorsqu’ils tombent en panne ils sont rarement réparés. Le taux moyen de panne des pompes à motricité humaine était d’environ 30% en 2017. En termes de répartition régionale, ce taux varie entre 26% et 52% (Ministère de l’Énergie et de l’eau, 2018).

2.2. Les problèmes technico-administratifs et juridiques du transfert de compétence

Pour rendre cette étude mieux palpable et avoir une vue d’ensemble sur le processus de décentralisation de façon générale, nous avons jugé nécessaire de relever les contraintes de façon globale. Puisque la gestion des ressources naturelles englobe et embarrasse pratiquement tous les domaines. Si la politique n’est pas effective, elle handicape la gestion optimale et efficiente de celle-ci. Dans cette perspective, les difficultés sont liées au plan du transfert des compétences de l’Etat aux collectivités.

Malgré certaines avancées en matière de transfert de compétences, la prise en charge effective par les CT de la gestion des services publics délégués ou transférés est confrontée à la faiblesse de leurs ressources internes et à l’insuffisance des transferts de ressources (humaines, patrimoniales et financières). Ces transferts de moyens peinent à s’organiser et à s’opérer (Ministère délégué chargé de la Décentralisation, 2013). Dans le cas des ressources en eau, en occurrence le fleuve Niger, les CT manquent de spécialistes dans les services techniques de l’Etat. Cet état de fait rend la politique de l’eau inefficace et non-productive.

De même, la responsabilisation et le partage par les CT du développement économique local exigent des avancées plus significatives en matière de transfert de certaines compétences, voire même de découpage territorial dans lequel la pertinence et l’opportunité de trois (3) niveaux de circonscription administrative (les régions, les cercles, les communes) et de CT doivent être objectivement évaluées. Ces facteurs s’ajoutent à l’imprécision parfois du domaine de certaine commune rurale par rapport à certaine zone de pêche par exemple. Sur le plan de la gouvernance et du management des CT, la recevabilité des élus constitue un élément-clé de la bonne gouvernance.

Une des réelles difficultés majeures à ce niveau reste la collaboration entre les CT et les autorités traditionnelles et coutumières. En écho, cette collaboration nécessaire reste fragile malgré les dispositions législatives et réglementaires prévues dans les textes de la décentralisation en vigueur.

Au plan de la délivrance des services publics durables aux citoyens, elle relève également des dérives importantes notamment dans la gestion des procédures administratives et financières. Sur les services de l’eau particulièrement, on constate des qualités de réalisation insuffisantes, qui combinées à une absence d’entretien des infrastructures et équipements, interpellent sur la durabilité des investissements réalisés. Ainsi, la mission de contrôle externe des investissements financés par l’ANICT montre qu’une part importante de projets réalisés n’a pas donné lieu à la mise en place d’un service fonctionnel et donc utile (environ 17%).

Au plan du financement des CT, dans leur écrasante majorité, les CT connaissent des problèmes récurrents de trésorerie. Le système de fiscalité locale ne génère pas de ressources internes suffisantes, même si la fiscalité sur le foncier offre des perspectives.

Sur les berges du Niger, les redevances perçues sur les infractions relatives à la pêche sont versées dans les caisses de l’Etat et non les CT. En outre, les frais des autorisations de pêche reviennent également à l’Etat. Le taux qui revient aux CT est faible par rapport aux besoins qui s’imposent.

En effet, on estime 40% de taux global de recouvrement de la fiscalité des CT (Nientao, 2019).

Cependant, l’émiettement fiscal, la faible productivité des impôts et taxes et la faiblesse des moyens qui sont consacrés à leur recouvrement expliquent cette situation. Il est important de mettre l’accent sur la situation nationale en ce qui concerne le financement des CT.

La part du budget national destinée aux CT reste faible : 0,9% en 2009, 5,99% en 2010, et 9,5% en 2012 (Ministère de l’Énergie et de l’eau, 2018). Malgré la création d’un Fonds National d’appui aux Collectivités Territoriales (FNACT), les transferts au FNACT y compris les financements mis à disposition par les partenaires techniques et financiers ne représentent que 10% des transferts totaux vers les CT. En cela l’insécurité grandissante développée sur les ressources en eau rend difficile les efforts des CT.

Toutefois, la réussite du processus de décentralisation est directement liée à la paix, la sécurité et la stabilité qu’elles doivent par ailleurs contribuer aussi à renforcer. Dans le quotidien des CT, les défis sécuritaires sont énormes, les actes de banditisme, les conflits communautaires (sur l’utilisation des ressources naturelles, la terre et l’eau en occurrence), les conflits identitaires et religieux ainsi que la violence et l’intolérance. En outre, une des difficultés de taille rencontrées par les CT, est l’impossibilité des citoyens de s’approprier les textes, dans la plupart des cas, les habitants ne maîtrisent pas les textes.

Parlons spécifiquement des les populations de pêcheurs qui vivent sur les berges du Niger. Nous savons que chaque zone est régie, en dehors des règles nationales, par les pratiques coutumières et très souvent par les conventions locales (Gerti, Djiré, et al, 2005).

Ces dernières mettent en évidence la réalité de la zone déterminée et sont seulement reconnues par les habitants de ladite zone. Les éleveurs, les pêcheurs sont mobiles, ce fait est surtout lié aux caractères de ces professions et les évolutions hydrologiques et climatiques du Bassin du Niger.

Mais cette mobilité ne s’inscrit pas dans un cadre coutumier ancestral aussi routinier et balisé que celui des parcours pastoraux : les pêcheurs réalisent, certes, des circuits migratoires pendulaires qui peuvent être réguliers, c’est-à-dire récurrents d’une année sur l’autre. Ainsi, plusieurs familles bozo de la région de Mopti, depuis quelques années sont installées dans les localités de la région de Tombouctou (Tonka, Atara, Siby, Sakaina ect…) et ne retournent plus (Entretien du 20 avril 2022).

Ces faits ci et là, rendent inefficace le processus de décentralisation en ce qui concerne la gestion des ressources en eau. Un des grands problèmes concerne la transférabilité des compétences.

Conclusion

La décentralisation soulève des défis importants relatifs aux capacités des collectivités territoriales à assurer efficacement leurs compétences en la matière (ressources financières et humaines suffisantes) ainsi que leur capacité à assurer le droit d’accès à l’eau des populations les plus démunies.

A la lumière de l’analyse ci-dessus faite, il relève que la politique de décentralisation constitue un véritable moyen de gouvernance des ressources en eau. Pour autant, cette politique reste confrontée à un certain nombre de problèmes notamment la responsabilisation des acteurs locaux.  

La faiblesse des capacités techniques des collectivités territoriales notamment les communes, est la raison fréquemment alléguée pour justifier les incursions du niveau central dans des compétences qu’il a pourtant transférées. Or, si les collectivités territoriales affichent pour l’instant des faiblesses de capacités techniques c’est précisément parce que le transfert des compétences n’a pas été suivi de l’allocation des moyens humains, matériels et financiers correspondants. Aucune de ces ressources n’a été mise à la disposition des entités décentralisées. Tout se passe comme si l’Etat a retiré d’une main ce qu’il a donné de l’autre. Le transfert des compétences en matière d’hydraulique n’est donc que partiellement effectif comme nous l’avons rappelé.

La réticence du niveau central à responsabiliser de façon effective les collectivités territoriales, et à leur affecter les ressources humaines, matérielles et financières nécessaires à l’exercice de leurs compétences sont au moins en partie, à l’origine des nombreux dysfonctionnements relevés et qui sont consécutifs à des déficits de suivi.

En somme, il convient de prendre en compte les mesures y afférente. La démarche de conceptualisation préalable du cadre de gestion des ressources en eau a le mérite de définir sans ambigüité le chemin à suivre en matière de construction et de mise en place effective des différents maillons de l’architecture institutionnelle de la GIRE, afin d’éviter les tâtonnements conjoncturels liés aux changements institutionnels et/ou politiques. Assurer le transfert effectif des compétences et des moyens financiers, matériels et humains pour permettre aux collectivités territoriales de s’engager et de réussir le processus de développement local. Les collectivités territoriales décentralisées ainsi que l’Etat doivent cependant veiller à garantir l’accès des populations les plus démunies à l’eau, par l’institution de mécanismes appropriés qui assurent une certaine équité. Le développement harmonieux des régions, facteur de cohésion sociale est ce prix.


Bibliographie

Akhmouch, A Clavreul, D (2017). Gouverner les politiques de l’eau, Annales des Mines – Responsabilité et environnement, n° 87, 110-113.

Décret n°02-315/P-RM du 4 juin 2002 fixant les détails des compétences transférées de l’Etat aux collectivités territoriales en matière d’hydraulique rurale et urbaine, https://www.ecolex.org/fr/details/legislation/decret-n-02-315-p-rm-du-04-juin-2002-fixant-les-details-des-competences-transferees-de-letat-aux-collectivites-territoriales-en-matiere-dhydraulique-rurale-et-urbaine-lex-faoc073807/

Direction Nationale des Collectivités Territoriales (2012). Cahier des auditeurs, module coopération décentralisée Bamako (Mali).

Entretien de l’auteur du 20 avril 2022 avec le chef de village de Tonka sur la situation des pêcheurs migrants.

Gerti, H, Djiré, M, et al (2005). Le droit en Afrique, expériences locales et droit étatique au Mali. Paris : Karthala.

Loi n°93-008 du 11 février 1993 déterminant les conditions de la libre administration des collectivités territoriales, https://knowledge-uclga.org/mali-lois-des-collectivites-territoriales-decentralisees.html

Meunier, B (2006). Les règles relatives aux transferts de compétences entre collectivités publiques, thèse de doctorat en droit public, Université d’Auvergne – Clermont Ferrand.

Ministère de l’énergie et de l’eau, Politique Nationale de l’Eau (2018). Rapport diagnostique du secteur de l’eau- Version finale. Bamako (Mali), https://arpdeveloppement.com/wp-content/uploads/2019/05/A_18_RapportEtatsGenerauxDeLaDecentralisation.pdf

Ministère délégué chargé de la décentralisation (2013) Les Etats généraux de la décentralisation au Mali, Bamako (Mali), https://arpdeveloppement.com/wp-content/uploads/2019/05/A_18_RapportEtatsGenerauxDeLaDecentralisation.pdf

Nientao, M (2019). Le régime juridique du fleuve Niger, thèse de doctorat en droit international public, Université de Séville (Espagne), https://idus.us.es/handle/11441/85372

OCDE (2015). Principes sur la gouvernance de l’eau. Paris, https://www.oecd.org/fr/gov/politique-regionale/Principes-OCDE-gouvernance-eau_brochure.pdf.

Pontier, J-M (2003a). La notion de compétences régaliennes dans la problématique de la répartition des compétences entre les collectivités publiques, Revue du droit public de la science politique en France et à l’étranger, 2003(1), 193-238.

Pontier, J-M (2003b). La République décentralisée de J.-P Raffarin, Revue administrative, n° 332.

 

Pourquoi faire de la renaturation un instrument du volet environnemental des plans de relance ?

Alexandre Brun

Maitre de conférences à l’Université de Montpellier 3, alexandre.brun@univ-montp3.fr

vol 6 n4, 2020

Dans une tribune publiée dans le quotidien Le Monde en septembre 2020, Alexandre Brun, Martin Arnould et Marie-Pierre Médouga défendaient l’idée que le plan de relance de l’économie décidé par le gouvernement français est l’occasion de restaurer les milieux naturels. Cet article développe quelques-uns des arguments défendus par les auteurs en faveur de la « renaturation ».

La crise du COVID-19 a d’importantes et multiples conséquences sociales et économiques, en France comme chez ses voisins européens. Des pans entiers de l’économie française sont menacés malgré les dispositions exceptionnelles de soutien aux entreprises mises en place dès le mois d’avril 2020 par les pouvoirs publics. Le secteur du tourisme connaît des difficultés en raison de l’absence d’étrangers. Dans les hôtels par exemple, les nuitées en France ont baissé de 73 % en juin 2020 par rapport à juin 2019. Exception faite des sites de vente par internet, la quasi-totalité des commerces observe une chute de leur chiffre d’affaires. La restauration et les bars peinent à s’adapter aux règles sanitaires, nécessairement évolutives, imposées par les préfets (qui représentent localement l’État et chacun des membres du Gouvernement). L’aéronautique voit ses carnets de commande revus à la baisse à cause de la paralysie du trafic aérien. Le marché de l’automobile, reparti à la hausse après le confinement du printemps, est fragilisé, comme celui du bâtiment et des travaux publics.

Sans surprise, le 24 juin dernier, le Fonds monétaire international (FMI) a dévoilé des perspectives économiques sombres estimant à plus de 12 000 milliards de dollars les pertes cumulées pour l’économie mondiale en 2020 et 2021. Selon la directrice du FMI, Kristalina Georgieva, la récession mondiale en 2020 sera cependant un peu moins sévère que prévu. Reste que la reprise économique sera « lente, difficile et inégale », et tributaire des efforts déployés par les États pour atténuer l’impact du COVID-19 comme de la capacité des grands groupes pharmaceutiques à trouver un vaccin. Selon les prévisions de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), publiées en juin, la contraction du produit intérieur brut (PIB) de la France se situera entre 11,4 % et 14,1 % en 2020. Au premier trimestre 2020, le PIB français a chuté de 5,8 %. À titre de comparaison, dans les deux pays européens les plus gravement touchés par l’épidémie de coronavirus, en l’occurrence l’Italie et l’Espagne, le PIB a régressé de respectivement 4,7 % et 5,2 %.

Alors que le climat politique s’est dégradé au plan international à cause de la montée des populismes, la France a connu d’importants mouvements sociaux depuis l’élection présidentielle de 2017. Les difficultés des classes moyennes et des travailleurs pauvres (coût élevé des déplacements du fait des prix de l’essence, etc.) expliquent le mouvement spontané des « Gilets jaunes » pour lequel les réseaux sociaux ont joué un rôle déterminant. Des manifestations survenues en 2018 ont paralysé le pays et contribué à ralentir l’économie en 2019. En décembre 2019 et janvier 2020, le pays a de nouveau été bloqué en raison d’importantes mobilisations contre la réforme des retraites, organisées par les syndicats (CGT, CFDT, FO) qui sont revenus sur la scène politique. Ces mouvements sociaux font écho au déficit de la balance commerciale, au déclin de la compétitivité, au poids des prélèvements publics, au déficit d’investissement, au recul de l’industrie. L’épidémie met à présent en lumière les faiblesses structurelles de l’économie française, et plus spécialement de son industrie. Au printemps 2020, la dépendance de la France envers la Chine en matière de médicaments a marqué l’opinion car l’Hexagone était encore dans les années 1970 une grande puissance dans ce secteur.

Dans ce contexte, la France – aidée de l’Allemagne, moins orthodoxe qu’à l’habitude – est parvenue à convaincre en août 2020 les bons élèves européens (les « frugaux ») de s’unir en faveur d’un plan de relance. Ce dernier prévoit un fonds de 750 milliards d’euros, qui pourront être empruntés par la Commission sur les marchés. Il se décompose en 390 milliards de subventions d’un côté, qui seront allouées aux États les plus frappés par la pandémie. 360 milliards d’euros seront disponibles pour des prêts, remboursables par le pays demandeur. La France, qui jusqu’à maintenant a échoué à favoriser une politique communautaire d’investissements massifs (combien de fois a-t-on parlé d’un « plan Marshall » ?) face aux tenants de la rigueur, a donc obtenu gain de cause à l’issue d’âpres négociations, même si c’est moins de la moitié des 1500 milliards réclamés.

Face aux récessions économiques, les remèdes keynésiens de stimulation de la demande par la dépense publique sont en France une constante de la cinquième République. Le plan de relance de l’économie initié par le gouvernement socialiste élu en 1981, en distribuant du pouvoir d’achat aux français, conduit à une hausse de la consommation de biens de consommation importés avec peu d’effet d’entrainement sur l’économie. La construction d’infrastructures et d’équipements été privilégiés depuis au titre de l’aménagement du territoire, le secteur du bâtiment et des travaux publics étant un service à faible contenu en importation. Autrement dit, à chaque plan de relance on mise sur le béton et les infrastructures lourdes. Et si cette fois, le gouvernement Castex misait sur la nature ? Au-delà de la rénovation énergétique des logements déjà prévue (et expérimentée avec un relatif succès par le passé), l’État peut faire de la renaturation un grand chantier à part entière, un gisement d’emplois peu délocalisables, tout en réunissant territoires, administrations publiques, entreprises et associations pour faire cause commune. L’objectif est d’accélérer la mise en œuvre d’actions concrètes et localisées.

Dans le cas des rivières, les retours d’expériences sont désormais suffisamment anciens et variés pour être considérés comme probants. Par exemple, le Drugeon, qui serpente sur le plateau de Frasne dans le Doubs près de la frontière Suisse, a été renaturé avec succès dans les années 1990. En 1951, sous la pression des agriculteurs, les élus locaux alors conseillés par les ingénieurs de l’État avaient décidé d’assainir les marais du Drugeon pour gagner 2 000 ha de terres agricoles. L’opération s’était soldée par un échec puisque seuls 200 ha avaient été gagnés, soit 10% de l’objectif initial. Le Drugeon avait en revanche perdu 25% à 30% de sa longueur ce qui, associé à une sylviculture intensive prolongée jusqu’aux années 1980-1990, avait eu un impact négatif sur l’environnement (chute de la production salmonicole, menaces sur la bécassine des marais, etc.) Le Syndicat mixte de la vallée du Drugeon et du plateau de Frasne a donc entrepris un plan de reméandrage du cours d’eau, 50 ans après l’avoir canalisé ! Ce plan lancé en 1993 a été amorcé grâce à la mise en place d’un programme européen. L’intérêt des financeurs locaux (collectivités, agence de l’eau) a du reste coïncidé avec le désarroi des agriculteurs les plus jeunes, conscients que le contexte pédologique et climatique du plateau était incompatible avec la logique productiviste. Une fois renaturée, la rivière a de nouveau suscité l’intérêt des usagers et retrouvé, au moins en partie, un bilan faunistique et la floristique, comparable à ce qu’il était jadis.

Fig. 1. Opérations de renaturation en France

Depuis, les expériences ont été nombreuses en Europe et en France. La rivière du Manzanares à Madrid, endiguée en 1955, a été restaurée voici quatre ans par la mairie. Comme dans le cas de la renaturation de la basse Saint-Charles à Québec voulue au milieu des années 1990, le succès populaire de la renaturation a été immédiat. En Allemagne aussi d’importants chantiers ont démontré l’efficacité de telles opérations : dans la capitale bavaroise l’Isar a été renaturée sur 8 kilomètres et, l’été, la population prend possession de ses berges. En France, l’arasement du vieux barrage de Maison-Rouge sur la Vienne ou celui de Kernansquillec dans le Léguer en Bretagne, la restauration des bras morts du Rhône et de la Dordogne, ou encore, dans la vallée de la Loire, la « désurbanisation » progressive du déversoir de la Bouillie à Blois suggèrent en effet la réversibilité d’aménagements que l’on croyait définitifs. La multiplication des travaux de renaturation, ponctuels et souvent très longs mais concrets, tels que le réaménagement du site des anciennes papeteries du Valfuret à Saint-Étienne, la réouverture partielle de la Luciline à Rouen en Normandie, la réouverture et la restauration morphologique du Pen Ar Biez à Lannion, celle de la Leysse dans le centre-ville Chambéry, de la Corrèze à Tulle, de l’Huveaune à Auriole dans les Bouches-du-Rhône, de la Goulotte, de la Neuve et de la Norge à Chevigny-Saint-Sauveur, préfigurent des réalisations plus spectaculaires comme celles que porte la métropole lyonnaise. En écho, l’embellissement des berges du Rhône et des rives de Saône d’une part et à la restauration partielle de l’Yzeron aval, les projets de renaturation du Ruisseau des Planches et de la Rize ambitionnent en effet d’optimiser la gestion des eaux pluviales, de rafraîchir des îlots de chaleur, de créer des bulles de biodiversité urbaine et de tisser du lien social des quartiers qui se tournent le dos.

Fig. 2. La renaturation de la basse Saint-Charles à Québec

(Cliché A. Brun)

Sur les 250 000 kilomètres de cours d’eau que compte la France, plus de la moitié est en mauvais état à cause de la multiplication des grandes infrastructures de transport qui perturbent les écoulements, des digues et des grands barrages à l’origine des problèmes de transport sédimentaire et de la disparition des poissons migrateurs, de l’urbanisation continue de l’espace et du développement de l’agriculture intensive, source de pollutions, de drainage de zones humides et grande consommatrice d’eau. Des pans entiers du territoire doivent faire l’objet de travaux de renaturation, que des brigades bien formées pourraient piloter et exécuter au titre du volet environnemental du plan de relance. Pas question ici d’entretenir de façon contre-productive les rives à grands coups de pelleteuse et de tronçonneuse dans le seul but de faciliter l’écoulement des eaux comme ce fut le cas jusque dans les années 1980 et 1990. Il s’agit de développer localement, en fonction des problématiques propres à chaque sous-bassin versant, l’agilité dont manque l’administration publique sur le terrain en matière de conduite de projet. Conditionner les aides destinées aux acteurs locaux permet de les guider avec pour seul critère la « désartificialisation » intelligente, c’est-à-dire profitable à l’eau et aux territoires ; ces derniers étant devenus compétents en matière d’aménagement et de gestion des eaux du fait de la dévolution aux intercommunalités de la compétence GEMAPI (Gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations), un mandat juridique nouveau, exclusif et obligatoire, confié à partir du 1ᵉʳ janvier 2018.

Les coûts évités (dépollution de l’eau en station d’épuration, dégâts aux infrastructures par les crues, etc.) par l’investissement public dans des solutions fondées sur la nature en font un réel investissement. Des sommes colossales sont dépensées chaque année par les collectivités locales pour la potabilisation, l’adduction et l’assainissement des eaux. Il ne s’agit pas de remettre en cause les progrès qu’a autorisée l’évolution des technologies de dépollution depuis le milieu du xixe siècle, mais de diversifier les outils d’intervention. Par exemple, une stratégie d’acquisition foncière menée patiemment dans les fonds de vallée à la manière du Conservatoire du littoral permettrait de sauvegarder de l’urbanisation ou de la mise en culture (maïs) des zones humides voire d’en récréer ! Car celles-ci remplissent tantôt les fonctions de station d’épuration naturelle, tantôt celle de bassin de stockage d’eau en cas de crue. Même s’il ne faut pas surestimer leur rôle, certaines tourbières jouent même un rôle d’éponge restituant en période de sécheresse l’eau emmagasinée en hiver. En France, les deux tiers des zones humides ont disparu en France depuis le début du xixe siècle. 50 % des zones humides métropolitaines ont disparu entre 1960 et 1990, et 47 % se sont dégradées entre 2000 et 2010.

La renaturation concerne aussi le littoral de la Somme où un projet de dépoldérisation est destiné à rendre à la mer une partie du terrain qu’on lui a pris pour créer une chasse naturelle et désensabler le port du Hourdel. Les côtes à falaises de Normandie ou bien celles majoritairement basses et sableuses du golfe du Lion et de l’Atlantique peuvent faire l’objet d’un chantier d’une toute autre ampleur. L’État veut y favoriser à long terme la redistribution spatiale des hommes et des activités afin d’en réduire la vulnérabilité à l’élévation progressive du niveau de la mer et à l’érosion. Des millions de mètres carrés de logements, d’hôtels, de campings, de commerces et d’équipements publics sont inévitablement amenés à être relocalisés. Autant anticiper ce gigantesque chantier et développer des formes architecturales et urbaines résilientes dictées par l’histoire, la géographie et l’écologie des sites. Le futur appartient aux territoires littoraux qui auront su faire une place à la nature. À long terme, la capacité d’accueil des ménages et des entreprises en dépend.

En conclusion, le 28 juillet 2020, Bruno Le Maire, ministre de l’économie, annonçait à l’Assemblée nationale que le plan de relance « sera[it] vert ; […] un des critères de choix des investissements. […] 30 milliards d’euros d’investissements au verdissement de l’économie grâce à la rénovation énergétique des bâtiments, aux transports verts, notamment le fret ferroviaire mais aussi les pistes cyclables, aux énergies totalement décarbonées, en particulier l’hydrogène. Mais c’est tout le plan – les trois autres volets aussi – qui visera la décarbonation ». En raison du reconfinement débuté en novembre les prévisions économiques, déjà pessimistes au printemps, le sont davantage encore. C’est pourquoi des économistes préconisent d’ajouter au moins 50 milliards d’euros au plan de relance de manière à subventionner l’investissement plus massivement que prévu, à hauteur d’une centaine de milliards d’euros. Un rapport parlementaire du 8 octobre 2020 invite ainsi l’État à passer du plan de relance au plan d’urgence. Quel que soit le nom qu’on lui donne, ce plan constitue une occasion unique pour démultiplier et concrétiser des chantiers environnementaux très opérationnels, et, plus globalement, de rendre à la nature un peu d’espace. La situation n’étant pas différente dans les pays voisins d’Europe, ce choix donnerait un peu de consistance au pacte vert (green deal) que la nouvelle politique agricole commune, pas si verte, contrecarre. Face aux perspectives environnementales alarmantes, l’Union européenne sous la présidence Von Der Leyen dit vouloir engager 1 000 milliards d’euros en poursuivant trois objectifs, limiter le réchauffement climatique, lutter contre la pollution des mers et de l’air et, enfin, stopper l’appauvrissement de la biodiversité : 1 % suffirait à amorcer un processus de renaturation, dont il reste à évaluer précisément les retombée écologiques, sociales et économiques, en particulier en termes de création d’entreprises et d’emplois.