Political Geography

Okunev, I. (2019). Political Geography

Peter Lang, Bruxelles.

L’ouvrage d’Igor Okunev ne propose guère une analyse critique de l’évolution, des forces et faiblesses de la discipline, ou d’aperçu de sa capacité d’analyse à travers un éventail d’études de cas empiriques, mais se présente davantage comme une encyclopédie de connaissances sur une approche classique de la géographie politique. D’emblée, l’auteur définit la géographie politique comme l’étude des « dimensions spatiales des processus et phénomènes politiques » (p.20) et la géopolitique comme « une sous-discipline centrée sur le niveau global des processus politiques » (p.38) ou encore la géographie des relations internationales, une définition proche de l’école néoréaliste friande d’analyses à l’échelle planétaire des rapports de force et d’analyse de la puissance des États.

L’auteur propose en réalité un tour d’horizon des éléments constitutif des outils du chercheur en géographie politique. Après une section méthodologique, l’ouvrage aborde les grands systèmes géopolitiques, l’incontournable Heartland cher à Mackinder et le Rimland de Spykman; les régions polaires; les grandes puissances ; les civilisations et la thèse de leur choc nécessaire prônée par Huntington ; les continents. Okunev souligne le caractère obsolète des théories binaires du Heartland et du Rimland et insiste sur leur intérêt comme discours, comme témoin des réflexions théoriques géopolitiques à leur époque. Soulignant que le découpage du monde en unité homogènes, dites « civilisations », varie selon les auteurs, Okunev se montre moins tranché face à la thèse pourtant très critiquée de Huntington sur le « choc des civilisations » présenté comme inévitable par son promoteur.

Les chapitres suivants procèdent à l’image d’une typologie systématique, d’un inventaire linéaire des outils d’analyse politique (et peu géographique) mobilisables dans le cadre d’une analyse géopolitique, centrée sur l’État comme unité de base d’analyse. Le chapitre 3 expose ainsi les différents types d’intégration d’État – régions transfrontalières, union douanière, union économique, confédérations etc… Le chapitre 4 présente les attributs de l’État tandis que le chapitre 5 disserte sur les propriétés du territoire de l’État – la position, la taille, la forme…. Des formules mathématiques permettent de calculer l’indice de compacité du territoire, ou encore l’indice d’élongation. On se rapproche du déterminisme lorsque l’auteur expose que « la forme du territoire affecte la nature des relations spatiales. Plus le territoire est grand, plus les distances sont importantes, moins les interactions spatiales sont intenses. Le territoire mal façonné tend ainsi à être inefficace… », idée réminiscente des théories déterministes de Spykman qui expliquait que « Les États trop longs et étroits – ceci étant particulièrement vrai des puissances continentales – tendent inévitablement à se désintégrer (Spykman, 1938). D’autres formulent mathématiques émaillent l’ouvrage, sans que l’on sache trop si l’objectif de l’auteur est de faire part de l’existence de telles approches quantitatives sous la plume de quelques auteurs en géographie politique, dans un but de tour d’horizon, ou si lui-même croit utile de tels outils. Le chapitre 6 présente les éléments du territoire de l’État, le territoire, l’espace aérien, les espaces maritimes, les zones occupées, l’extraterritorialité, la partition… Le chapitre 7 présente les organisations internationales ; le suivant, les territoires dépendants ; le chapitre 9 aborde les centres urbains et les capitales. Le chapitre 10 aborde rapidement (14 pages seulement sur une problématique fondamentale) la question des frontières, tandis que le chapitre 11 brosse un tableau des régions et de l’échelon municipal. Le chapitre 12 pour sa part aborde la question de l’identité spatiale.

On l’aura compris, l’ouvrage se présente avant tout comme un ouvrage de référence, une encyclopédie des éléments conceptuels d’une approche de la géographie politique très centrée sur l’État. Nulle étude de cas ici pour illustrer la longue typologie des concepts ou la mobilisation complexe de ceux-ci dans le cadre d’une analyse empirique. Nul regard critique non plus sur ces concepts longuement exposés sur près de 450 p. Très systématique, l’ouvrage laisse un peu sur sa faim car on n’y découvrira pas la logique de la géographie politique – au-delà de la forme des États, qu’est-ce que la géographie politique étudie, compte tenu de la diversité des cas de figure dans le monde et des échelles d’analyse, concept passé sous silence ou très rapidement évoqué comme plusieurs concepts géographiques pertinents, représentation, population, frontière, aménagement, transport, infrastructure, flux, ressources, production…  Pour le lecteur curieux de compléter sa connaissance des concepts et outils très pointus, chers à une école de pensée réaliste et encore sensible aux idées déterministes, l’ouvrage est indiqué. Pour le lecteur souhaitant découvrir ce qu’est la géographie politique dans sa force d’analyse de problématiques contemporaine, dans la diversité des études de cas et des approches pertinentes, avec les différentes écoles de pensées et les méthodes d’analyse (multiscalaire spatial et temporel ; représentations des acteurs), alors le risque d’être déçu est réel.

Frédéric Lasserre

Référence

Spykman, N. (1938). Geography and Foreign Policy 1. American Political Science Review32(1), 28-50.

RG v7 n2, 2021

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