L’École de Copenhague et l’évolution des études critiques de sécurité avant et après le 11 septembre

Maureen Walschot

Université Catholique de Louvain

(maureen.walschot@uclouvain.be)

Maureen Walschot est assistante d’enseignement et de recherche à l’UCLouvain. Elle est également doctorante en relations internationales et chercheure au Centre d’étude des crises et des conflits internationaux (CECRI, UCLouvain).

Regards géopolitiques, 7(4)

Résumé : Outre l’élargissement et l’approfondissement du champ d’études sécuritaires induits à la fin de la Guerre Froide, 9/11 et la lutte globale contre le terrorisme ont également impacté les études de sécurité. Entre un retour à la sécurité étatique et l’importance grandissante du focus géographique à travers le complexe régional de sécurité, l’évolution des études critiques de sécurité continue de s’adapter aux nouveaux enjeux contemporains. Cet article discute l’École de Copenhague et l’évolution des études critiques de sécurité après 9/11 et la lutte globale contre le terrorisme.

Mots-clés : études critiques de sécurité ; sécurité étatique ; 9/11 ; sécurité régionale ; enjeux contemporains

Summary: In addition to the broadening and deepening of the field of security studies brought by the end of the Cold War, 9/11 and the global fight against terrorism have also impacted security studies. Between a return to state security and the growing importance of geographic focus through the regional security complex, the evolution of critical security studies continues to adapt to new contemporary challenges. This article discusses the Copenhagen School and the evolution of critical security studies after 9/11 and the global fight against terrorism.

Keywords: critical security studies; state security; 9/11; regional security; contemporary issues

Introduction

Définie par Arnold Wolfers dès 1952, « la sécurité, dans un sens objectif, mesure l’absence de menaces sur les valeurs centrales (acquired) ou, dans un sens subjectif, l’absence de peur que ces valeurs centrales ne fassent l’objet d’une attaque » (Battistella, 2012). Apparues au début du XXe siècle dans le courant réaliste des théories des relations internationales, les études de sécurité se sont avant tout focalisées sur les principales préoccupations liées à cette époque : les menaces militaires contre l’État national. Cette première vague de théories de la sécurité, dites traditionnelles, se rapproche des études stratégiques. Dans les années 1990, avec la fin de la guerre froide, un glissement s’opère de la domination des théories réalistes vers celle des théories constructivistes dans la littérature des relations internationales. Parmi les différentes approches critiques qui émergent, plusieurs positionnements se distinguent, notamment épistémologiques et ontologiques (Balzacq & Ramel, 2013). La posture ontologique observe la nature même d’un problème sécuritaire et ce sur quoi portent les études de sécurité (Balzacq, 2013). Dans ce contexte, l’École de Copenhague élargit l’éventail des menaces au-delà de la portée militaire et de la sécurité de l’État. Les spécialistes de la sécurité intègrent dans leur domaine l’étude de la sécurité économique, de la sécurité environnementale ou encore de la sécurité humaine. Outre un rappel de l’élargissement et l’approfondissement du champ d’études sécuritaires à la fin de la Guerre Froide au travers de l’École de Copenhague, cette contribution répond à la question : Quelle est l’évolution des études critiques de sécurité après 9/11 et la lutte globale contre le terrorisme ?

1.    Les études critiques de sécurité pré-9/11 : entre élargissement et approfondissement

L’École de Copenhague, à travers les travaux de Buzan, Wæver et de Wilde entre autres, a enrichi le débat sur la sécurité, en formulant un concept de sécurité plus large. L’approche constructiviste des études de sécurité prônée par cette École se focalise sur la construction discursive de la réalité, et surtout de la notion de sécurité. À la question « qu’est-ce que la sécurité ? », Wæver (1995) soutient que :

« Avec l’aide de la théorie du langage, je peux considérer la ‘sécurité’ comme un acte de langage. Dans cet usage, la sécurité n’a pas d’intérêt en tant que signe qui renvoie à quelque chose de plus réel ; l’énoncé lui-même est l’acte. […] En prononçant ‘sécurité’, un représentant de l’État déplace un développement particulier vers un domaine spécifique et revendique ainsi un droit spécial d’utiliser tous les moyens nécessaires pour le bloquer » [Traduction libre].

L’une des contributions majeures de l’École de Copenhague aux études de sécurité se trouve dans les théories de la sécuritisation et de la désécuritisation. Ces théories mettent en évidence un processus particulier de construction de la réalité et de la sécurité. La sécuritisation consiste à sortir une question de la politique dite quotidienne (everyday politics) et à la placer en politique régalienne, en acceptant la prise de mesures exceptionnelles pour y faire face. La désécuritisation, en revanche, se produit lorsqu’une communauté politique diminue progressivement ou cesse de traiter une problématique comme une menace existentielle pour un objet référent, et réduit ou arrête ses appels à la prise de mesures exceptionnelles pour faire face à la menace.

Les processus de (dé)sécurisation définis par l’École de Copenhague permettent de comprendre « qui sécuritise, sur quel sujet (menaces sécuritaires), pour qui (objets référents), pourquoi, avec quels résultats, et surtout, dans quelles conditions (c’est-à-dire qu’est-ce qui explique le succès de la sécuritisation) » [Traduction libre] (Buzan, Wæver, & de Wilde, 1998:32). En ce sens, le processus de sécuritisation ne résulte pas seulement du fait qu’une problématique est une menace pour la sécurité, mais est avant tout un choix politique.

1.1. L’élargissement des études de sécurité 

Dans leur livre Security: A new framework for analysis, Buzan et al. (1998) examinent le débat « large » versus « étroit » sur les études de sécurité. Avec l’émergence des agendas environnementaux, sociétaux et économiques, de nombreux érudits ont en effet élargi leur champ d’analyse, ne se limitant plus à une vision étroite de menaces sécuritaires uniquement militaires et nucléaires. De manière générale, ceux-ci ont plaidé en faveur d’un élargissement du secteur purement militaire à un cercle plus large d’enjeux sécuritaires (Miller, 2007 ; Peoples et Vaughan-Williams, 2020 ; Sjoberg, 2010). Les penseurs traditionalistes se sont opposés à cet élargissement en vue d’éviter une incohérence intellectuelle du domaine : le sens de la sécurité s’affaiblirait à mesure que l’éventail des sujets de sécurité s’élargirait. Walt (1991) illustre cet argument en expliquant que définir le domaine sécuritaire de cette manière détruirait sa cohérence intellectuelle et rendrait plus difficile la conception de solutions à l’un ou l’autre de ces problèmes importants.

Buzan et al. (1998), dans leurs travaux, reconnaissent qu’un tel élargissement pourrait générer deux évolutions problématiques. Premièrement, un éventail plus large de questions considérées comme des menaces pourrait nécessiter une mobilisation plus conséquente de l’État. Une telle mobilisation pourrait être indésirable et contre-productive dans certains secteurs (Deudney, 1990). Deuxièmement, avec l’inclusion d’un éventail plus large de problèmes de sécurité, il existe un risque de voir la sécurité devenir une condition positive vers laquelle tous les problèmes pourraient évoluer. Néanmoins, Wæver (1995) soutient que la sécurité n’est au mieux qu’une situation menaçante stabilisée. Selon l’auteur, même si l’on préfère souvent la sécurité à l’insécurité (menaces contre lesquelles aucune contre-mesure adéquate n’est disponible), une situation sécuritisée peut demeurer conflictuelle. Par conséquent, la sécurité ne doit pas toujours être considérée comme un élément positif (Buzan et al., 1998). Au lieu de cela, la désécuritisation, en déplaçant les questions des mesures de mobilisation d’urgence de l’État et en les remettant dans le domaine de la politique quotidienne, pourrait représenter un but en soi.

1.2. L’approfondissement des études de sécurité

Parallèlement à la diversification au niveau horizontal, les études critiques de sécurité ont apporté une diversification au niveau vertical du domaine d’études. Bien qu’émanant d’une approche critique, cette évolution reste profondément ancrée dans les théories classiques. Comme déjà mentionné, les cadres théoriques du réalisme et du néoréalisme ont eu un impact conséquent sur la littérature existante. Par conséquent, les études de sécurité ont longtemps été liées au centrisme étatique. D’un autre côté, les questions intra-étatiques et internationales autres que la guerre n’étaient jusqu’alors pas prises en compte dans le domaine d’étude.

Cet élargissement a permis l’apparition de la notion de niveaux, définis comme « les référents ontologiques des lieux où les choses se passent plutôt que des sources d’explication elles-mêmes » [Traduction] (Buzan et al., 1998 :5). Étant donné que les niveaux d’analyse dans les relations internationales se sont développés au sein du néoréalisme, l’approche stato-centrée spécifique à cette théorie a eu tendance à avoir un impact sur les niveaux, « représentant les sous-unités comme au sein d’États et les sous-systèmes et systèmes comme étant constitués d’États » [Traduction] (Buzan et al., 1998 :6). Par conséquent, le schéma des niveaux d’analyse a fait l’objet de certaines critiques. Cependant, Buzan et al. soutiennent que, bien qu’elles soient profondément enracinées dans un cadre centré sur l’État, les contributions théoriques sur la sécurité développées par l’École de Copenhague ont rejeté l’argument affirmant que l’État est le seul référent pour la sécurité.

2.    Les études critiques de sécurité post-9/11 : entre continuité et ouverture

Bien que la problématique du terrorisme existât déjà dans les réflexions sur les questions sécuritaires depuis la Guerre froide, les évènements du 11 septembre 2001 et leurs réponses étatiques ont placé le terrorisme au centre des études de sécurité (Philpott, 2002 ; Thomas, 2005). En ce sens, la carte des opérations militaires étasuniennes de Barnett (2003) intitulée « War and Peace in the Twenty-First Century » illustre ces préoccupations. Les discussions ont alors porté principalement sur la lutte globale contre le terrorisme et son impact sur l’objet de référence, notamment sur le lien de parenté entre terrorisme et État, ainsi que sur le retour de l’État comme objet référent central dans le discours occidental de lutte contre le terrorisme. Pourtant, bien que 9/11 ait déplacé le centre de gravité de la littérature des études de sécurité, il n’a pas pour autant balayé toutes les préoccupations et débats antérieurs concernant l’élargissement des études sécuritaires (Buzan & Hansen, 2009).

Figure 1 : Nouvelle carte du Pentagone : Guerre et Paix au XXIe siècle

Source : Thomas Barnett (2003).

2.1. Le 9/11 et un possible retour à une sécurité étatique

Les courants critiques portant sur l’élargissement et l’approfondissement des études de sécurité ont répondu de deux manières à la lutte globale contre le terrorisme. Certains l’ont affirmé comme un événement politique important qui a révolutionné les relations internationales, et donc les études de sécurité internationale (Der Derian, 2004). D’autres ont minimisé son importance ou ont poursuivi leurs recherches théoriques et empiriques en analysant cet évènement comme tant d’autres. Parmi les perspectives critiques portées sur l’élargissement des études de sécurité, le poststructuralisme, le féminisme et le post-colonialisme se sont notamment engagés sur la question du 11 septembre et ses conséquences, à savoir la guerre en Afghanistan et la guerre en Irak (Buzan et Hansen, 2009).

Vingt ans plus tard, force est de constater que le 11 septembre n’a pas fondamentalement modifié les études de sécurité. La lutte globale contre le terrorisme a remis en question la place de l’État en tant qu’objet référent dans la mesure où les terroristes n’opèrent pas comme un État rationnel souverain avec un centre de décision défini. Néanmoins, les politiques mises en place ont également été largement perçues comme renforçant l’État, d’où la nécessité d’examiner de manière critique les discours sur la sécurité nationale post-9/11. Ainsi, en ce qui concerne l’élargissement de la notion de sécurité, il est vrai que la sécurité militaire a gardé une place prépondérante. En revanche, d’autres courants analytiques plus empiriques ont continué leur propre réflexion, en particulier dans les domaines de la sécurité environnementale, de la sécurité sociétale, et de la sécurité et du genre. Les études critiques de sécurité ont donc connu une certaine continuité depuis le 9/11, en particulier dans les débats de longue date sur la polarité des grandes puissances et les armes nucléaires (Buzan & Hansen, 2009).

2.2. La sécurité régionale et les enjeux contemporains

Au lendemain du 11 septembre 2001, plusieurs courants parmi les théories critiques de la sécurité ont, au contraire, rejeté l’argument du retour de l’État comme seul référent de la sécurité. Un pan de la littérature a ainsi souligné l’importance du niveau régional face aux enjeux sécuritaires contemporains, dont le terrorisme fait partie (Bailes & Cottey, 2006 ; Hettne & Miller, 2007). Dans l’approche développée par l’École de Copenhague, les régions représentent un type particulier de sous-systèmes, renvoyant à la théorie du complexe régional de sécurité. La structure et la dynamique de ce complexe proviennent généralement des perceptions de la sécurité des unités le composant et de leurs interactions.

Le concept de complexe régional de sécurité introduit la notion de focalisation géographique, de proximité. Des mouvements dynamiques apparaissent avec l’élargissement du champ des études de sécurité et l’ouverture à quatre nouveaux secteurs autres que militaire : la sécurité politique, la sécurité économique, la sécurité environnementale et la sécurité sociétale. Or, les complexes régionaux de sécurité traversent souvent plusieurs de ces différents secteurs. Par conséquent, il devient difficile de considérer un secteur spécifique comme une entité homogène. Lorsque ces dynamiques issues de secteurs différents se confondent, elles forment un « millefeuille » considéré comme un seul et même complexe. Par conséquent, les menaces sécuritaires dans un secteur peuvent provenir ou alimenter les menaces provenant d’autres secteurs. Les acteurs agissent en termes de sécurité globale, ce qui, selon Buzan et al. (1998), confirme le concept de sécuritisation intersectorielle. De plus, appliqué aux processus de sécuritisation, l’élément intersubjectif au cœur de cette approche constructiviste rejoint le concept d’interdépendance sécuritaire qui reflète le degré de complexité des questions sécuritaires contemporaines, telles que les questions de migration (Figure 2) ou les changements climatiques (Figure 3).

Figure 2 : Cartographie des personnes réfugiées et déplacées internes en juin 2015

Source : Philippe Rekacewicz (2015)

Figure 3 : Cartographie des risques liés à la montée des eaux

Source : Bournay et Rekacewicz (2005) ; Rekacewicz (2015)

Conclusion

En élargissant le concept de sécurité à de nouveaux acteurs autres que l’État (approfondissement vertical) et à de nouveaux secteurs autres que politique et militaire (élargissement horizontal), les études critiques de sécurité ont déconstruit l’approche traditionnelle de la sécurité et formulé une nouvelle compréhension de la notion de sécurité en tant que réalité discursive. Dans cette approche, la sécurité n’est plus une menace militaire objective pour l’État mais devient une pratique sociale spécifique fondée sur des discours de sécuritisation. Or, le 11 septembre et la lutte globale contre le terrorisme n’ont pas échappé à ces discours de sécuritisation, relançant par la même occasion le débat sur l’État comme objet référent en matière de sécurité. Entre un possible retour à une sécurité étatique stricte et l’ouverture à d’autres niveaux d’analyse tel que le niveau régional, les études critiques de sécurité et les nombreux courants qui les composent ont néanmoins poursuivi la réflexion autour de l’élargissement et de l’approfondissement de la notion de sécurité qui leur est propre.

Bibliographie

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Wæver O. (1995). Securitization and Desecuritization. Dans R. D. Lipschutz (dir.), On Security, 46-86. Columbia University Press, New York.

De la sécuritisation du terrorisme à la mise en place d’un état d’exception permanent : la pérennisation de la menace terroriste en France (2015-2017)

Marco Munier

Doctorant en Science politique à l’Université du Québec à Montréal, et affilié au Canadian network for research on terrorism, security and society (TSAS). Ses intérêts de recherche incluent les Études de renseignement, les interventions militaires multinationales et les politiques de sécurité nationale du Canada, de la France et des États-Unis. Ses recherches portent principalement sur l’étude des cultures nationales de renseignement. munier.marco_bruno@courrier.uqam.ca

vol 6 n2, 2020

Résumé : Dans le contexte post-attentat de 2015, la France s’est dotée d’un arsenal juridique et sécuritaire exceptionnel pour faire face à la menace du terrorisme d’inspiration islamiste, en venant enraciner durablement la menace terroriste par un contrôle sécuritaire du territoire. Cet article démontre que c’est par un discours et des pratiques sécuritaires que l’État français a pu rendre ordinaires des mesures d’exception.

Mots-clés : sécuritisation, École de Copenhague, École de Paris, état d’exception, terrorisme.

Abstract : In the post-terror attacks context of 2015, France has developed an exceptional legal and security arsenal to deal with the threat of Islamist-inspired terrorism, by securely entrench the terrorist threat through security control of the territory. This article argues that it is through security discourse and practices that the French State has been able to turn exceptional measures ordinary.

Keywords : securitization, Copenhagen School, Paris School, state of exception, terrorism.


Introduction

L’année 2015 a été particulièrement difficile sur le plan de la sécurité nationale avec pas moins de six attentats terroristes reconnus sur le territoire français (Le Monde, 2016). Cependant, parmi ces attaques, deux ont particulièrement marqué la population française, de par leurs symboliques, leur mode opératoire et le nombre de morts et de blessés qui en découlent. En janvier 2015, les attaques qu’on appellera celles de Charlie Hebdo et de l’Hyper Cacher constituent les attaques les plus sérieuses depuis l’attentat à la bombe dans le métro Saint-Michel en 1995 par le Groupe islamiste armé algérien (Moran, 2017 ; Potonska-Kimunguyi et Gillespie, 2016). Le 7 janvier 2015, deux individus pénètrent dans les locaux du journal satirique Charlie Hebdo et ouvrent le feu sur le personnel présent en tuant 11 personnes et en blessant une dizaine de plus (Karpiak, 2016). À leur sortie des locaux, les deux assaillants ouvrent le feu sur les policiers arrivant sur place, exécutant un policier déjà blessé à terre. Quelques jours plus tard, un individu lié aux deux assaillants de Charlie Hebdo abat une policière avant de tuer 4 personnes lors d’une prise d’otage dans un supermarché juif parisien (Moran, 2017). Les assaillants de Charlie Hebdo se revendiquaient de Al Qaida dans la Péninsule Arabique (AQPA) tandis que le dernier assaillant se revendiquait de l’État islamique (ÉI). Le 13 novembre 2015, plusieurs lieux parisiens ont été attaqués quasi-simultanément par plusieurs groupes, utilisant plusieurs modes opératoires comme l’attentat-suicide avec des ceintures d’explosifs, des attaques aux fusils d’assauts dans les rues de Paris, et un massacre, suivi d’une prise d’otage, suivi d’attentat-suicide lors d’un concert au Bataclan, tuant environ 130 personnes et en en blessant plus de 350 (Le Monde, 2016). Ces attaques seraient une grande première en France, de par leur ampleur et leur complexité, inspirées de modus operandi utilisés en Afghanistan, en Irak et en Syrie (Follorou, 2015, cité dans Draga-Alexandru, 2017). Aujourd’hui, la France vit toujours avec les conséquences de ces attaques impactant le quotidien de la population. Plusieurs mesures législatives et sécuritaires ont été mises en place pour faire face à ces évènements, d’abord envisagées comme des mesures d’exception temporaires prévues par le statut de l’état d’urgence, puis normalisées à travers une nouvelle loi et de nouvelles pratiques sécuritaires.

La principale question à laquelle cet article répondra est par quels moyens l’état d’exception permanent, caractérisé par une pérennisation de la menace terroriste, a pu se mettre en place. Pour répondre à cette question nous ferons l’hypothèse selon laquelle la France, à travers un processus de sécuritisation de la menace terroriste, aussi bien par les discours que par la pratique, développe des mesures d’exception permanentes venant ancrer et pérenniser la menace terroriste en France.

Cet article utilisera comme cadre théorique la théorie de la sécuritisation de l’École de Copenhague. Selon cette dernière, la sécurité n’a rien de réel, et la sécuritisation consiste à transformer, par des actes de langage, un enjeu en menace sécuritaire existentielle. « En tant qu’objectivation rhétorique de la sécurité », la sécuritisation suppose la présentation de moyens extraordinaires pour répondre à la menace (Balzacq, 2016 : 193). On pourrait ici facilement arguer que le terrorisme en lui-même est déjà naturellement un enjeu de sécurité, dans la mesure où il menace l’intégrité physique des personnes, ce qui est exact. Cependant, si le terrorisme est une menace d’ordre sécuritaire et peut facilement dépendre du droit criminel commun, il est moins évident qu’il soit une menace à l’existence même de l’État justifiant des mesures sortant de l’exercice normal de la politique. Or, nous retiendrons surtout ici la conception originelle de la sécuritisation et de l’enjeu de sécurité, c’est-à-dire le caractère existentiel de la menace et l’exceptionnalité et la disproportion des mesures pour y faire face tout en la complétant par une approche sociologique faisant une place aux pratiques. En effet, le concept de sécurité est un concept qui se rapporte à la survie, c’est à dire lorsqu’un enjeu représente une menace existentielle pour la survie d’un sujet (Peoples et Vaughan-Williams, 2015). Ainsi, le concept de sécurité nationale réfère à la survie de l’État, qui légitime l’entretien constant de l’outil militaire ou du renseignement (Peoples et Vaughan-Williams, 2015 ; Macleod et Munier, 2019). La sécurité est une pratique autoréférentielle dans la mesure où c’est par la pratique de la sécurité qu’un enjeu devient un enjeu de sécurité, non parce qu’il existe réellement une menace existentielle, mais parce que l’enjeu est présenté comme une menace à la survie de l’État. Pour parler de sécuritisation d’un enjeu, il faut la présence de trois éléments : (1) un ou des discours présentant un enjeu comme une menace existentielle ; (2) une mesure exceptionnelle[1], venant briser les règles normales, est présentée pour faire cesser cette menace existentielle ; et (3) la violation des règles normales, acceptée par une large audience (Buzan et al., 1998). Sans la présence de ces trois éléments simultanément, on ne peut parler de phénomène de sécuritisation. Le troisième élément est très important, car il ne suffit pas que les mesures exceptionnelles soient imposées à la population, il faut que ces mesures soient acceptées par la population (voir également Côté, 2016).

Pour répondre à notre problématique de départ, nous envisagerons de reconstituer les étapes de la sécuritisation, telles que formulées par Balzacq (2016) à savoir l’acteur sécuritisant (ici l’État), le sujet de référence (le sujet menaçant), l’objet de référence (ce qui est menacé), l’audience qui donne son accord, le contexte et enfin l’adoption de mesures exceptionnelles. Le contexte, déjà mentionné, est les deux plus importants attentats terroristes en France en 2015. Par la suite, nous montrerons que l’État a sécuritisé le terrorisme islamique, en a fait une menace existentielle pour la société française, son mode de vie et ses valeurs et a proposé à un auditoire (la population) des mesures exceptionnelles pour contrer cette menace, par l’instauration d’un état d’urgence qui aura duré 2 ans et d’autres mesures exceptionnelles. Nous irons plus loin en affirmant qu’avec l’adoption de la nouvelle loi antiterroriste et de sécurité nationale, la France va créer un état d’exception permanent en enracinant la menace terroriste sur le territoire.

  1. La sécuritisation entre acte de langage et pratique sécuritaire

1.1 L’École de Copenhague et le pouvoir performatif du langage

Au lieu de . considérer la menace comme une réalité objective, l’École de Copenhague considère que la menace est plutôt construite grâce à l’utilisation du langage de la sécurité en vue de convaincre de la légitimité d’utiliser des moyens extraordinaires pour faire face à cette menace. Ce processus est nommé sécuritisation.[2]

La sécuritisation peut être définie comme un processus par lequel un acteur identifie un problème comme une menace existentielle par rapport à un objet particulier. Si le problème est accepté comme étant une menace existentielle par un auditoire suffisamment important, alors des mesures exceptionnelles peuvent être mises en place pour régler le problème. De plus, Waever propose que le succès de la sécuritisation tient au fait que l’acte d’identification de la menace existentielle provient des institutions ou des élites (McDonald, 2013).

Buzan et Waever ajoutent qu’un problème est sécuritisé uniquement lorsqu’un auditoire l’accepte comme tel. Cette acceptation peut être déterminée par une série de conditions facilitatrices comme la forme de l’acte de langage, la position de l’auteur de l’acte de langage ou encore par des conditions historiques associées à la menace (McDonald, 2013 ; Stritzel, 2007). Prenons un exemple[3] pour expliciter le concept de sécuritisation. Après 2001, les dirigeants australiens ont affirmé que les demandeurs d’asile arrivant par bateaux constituaient une menace existentielle pour la cohésion sociale de l’Australie et pour la souveraineté du pays. Nous avons ici la première partie de l’acte de sécuritisation, c’est à dire l’identification par les élites d’un problème, l’immigration, qui n’est a priori pas un problème sécuritaire, comme une menace existentielle pour le pays. Le gouvernement a ensuite suggéré la possibilité que parmi les demandeurs d’asiles se trouvent aussi des terroristes pour justifier le refus d’entrée à ces demandeurs d’asiles (en contrevenant à leurs propres lois) et aussi pour permettre le déploiement de militaires pour protéger les côtes australiennes de l’immigration. La deuxième partie de l’acte de sécuritisation est ainsi remplie lorsque le gouvernement propose une mesure extraordinaire pour régler le problème. La menace doit être perçue comme une menace existentielle et non un simple problème sécuritaire comme le crime organisé ou la délinquance. La menace existentielle renvoie directement à la survie de l’État, et par conséquent de sa population (Peoples et Vaughan-Williams, 2015).

On peut étudier la sécuritisation directement en étudiant les discours, les positionnements politiques et l’acceptation des discours par une audience. Il suffira pour cela d’étudier un argument qui possède une rhétorique et une sémiotique particulière par lequel il aura un effet suffisamment fort sur une audience pour que celle-ci tolère ou accepte une violation des règles de la politique normale (Buzan et al., 1998). Cependant, le simple fait de présenter un enjeu comme une menace existentielle n’implique pas pour autant un processus de sécuritisation, mais simplement un « mouvement sécuritisant », il faut aussi qu’une audience accepte cette définition de la menace et que des mesures exceptionnelles (entendre ici qui sortent des lois ou mesures normales) soient proposées. Pour Buzan et al., il ne faut pas nécessairement que les mesures exceptionnelles soient adoptées, mais simplement qu’il y ait un discours, présentant une menace existentielle, qui ait suffisamment de résonance auprès d’un public pour que des mesures d’urgences soient envisagées, et qu’elles ne puissent pas être envisagées dans un contexte normal autrement que par l’énonciation d’un discours sécuritisant (Buzan et al., 1998). Également, les mesures exceptionnelles envisagées doivent présenter un caractère urgent, c’est-à-dire qu’en l’absence de ces mesures, la situation empirera.

Dans la théorie de la sécuritisation de l’École de Copenhague, le discours est l’élément central du processus de sécuritisation. Plus précisément, la sécuritisation passe par les actes de langage, c’est à dire qu’un objet n’a pas besoin d’être réel, mais simplement annoncé. Le langage, étant capable d’agir sur la réalité et d’accomplir certains actes, possède un caractère performatif, dans la mesure où il permet également de construire la réalité (voir Austin, 1962).

Enfin, une situation n’étant jamais figée mais en constante évolution en fonction des interactions, il est possible d’envisager qu’un objet sécuritisé peut également être desécuritisé. C’est surtout Waever qui développera le concept de desécuritisation en tant que processus discursif permettant de soustraire un objet du thème sécuritaire, le rendant a-sécuritaire et de ramener l’objet à la sphère publique et démocratique (Peoples et Vaughan-Williams, 2015). Il suffit pour cela qu’un acteur affirme, et que l’audience accepte, que l’enjeu n’est plus une menace, ou n’est plus une menace existentielle, permettant à l’enjeu d’être géré par des politiques normales (Salter, 2008).

1.2 La sécuritisation au-delà du langage : approche sociologique, pratiques sécuritaires et images

L’École de Copenhague conçoit la sécuritisation surtout du point de vue du langage, où l’acte de langage crée le mouvement sécuritisant devant être accepté par une audience. Cependant, deux questions se posent auxquelles tente de répondre cette section. Tout d’abord, comment rendre compte de l’acceptation par l’audience du mouvement sécuritisant ? Ensuite, la sécuritisation passe-t-elle forcément par un acte de langage ?

La sécuritisation étant une action intersubjective, il faut une relation dialogique entre l’acteur politique énonciateur et l’audience qui reçoit, et qui accepte éventuellement, le discours sécuritisant. L’approche sociologique apporte alors sa contribution en considérant deux types de soutien de l’audience. Tout d’abord, il y a le soutien formel, par lequel l’acceptation du discours sécuritisant est véhiculée à travers les institutions, notamment le Parlement qui est chargé de modifier ou d’ajouter des textes de lois pour adopter une politique exceptionnelle. L’audience est ici fondamentale dans la mesure où elle qui va permettre à la politique d’exception de voir le jour. Le deuxième soutien est quant à lui moral, et permet à l’acteur sécuritisant de chercher à convaincre son audience et d’avoir un certain consensus (Balzacq, 2016). L’acceptation n’a pas à être active, mais peut aussi être passive, notamment par l’absence d’opposition d’envergure aux mesures proposées.

D’un autre côté, la sécuritisation passant uniquement par des actes de langage pose aussi problème. Pour l’École de Paris, la sécuritisation se fait également par la pratique du gouvernement, notamment par les aspects techniques et physiques (Bigo, 2002). Par exemple, pour étudier le processus de sécuritisation à travers la pratique du gouvernement, on pourrait se focaliser sur les instruments et les outils qui véhiculent des pratiques de sécuritisation. Les pratiques sont en effet des modes d’action socialement significatifs qui incarnent, agissent et réifient à la fois les savoirs et les discours dans et sur le monde matériel. Les pratiques, par nature, représentent le monde d’une certaine façon et affirment implicitement comment sont les choses. Enfin, les pratiques se faisant dans et sur le monde, elles peuvent changer l’environnement physique mais également les idées et les perceptions que les individus ou la collectivité ont sur le monde (Pouliot, 2008 ; Adler et Pouliot, 2011). Pour le cas qui nous intéresse, les pratiques sécuritaires susceptibles de modifier la perception qu’ont les individus ou la collectivité sur le monde seraient les forces policières et militaires déployées en grand nombre et lourdement équipées et armées, revoyant l’image d’un environnement dangereux d’une part, mais également un environnement maîtrisé et géré par l’autorité de l’État d’autre part.

Outre la pratique, un autre élément vient renforcer la théorie de l’École de Copenhague sur la sécuritisation par le langage. Michael C. Williams a en effet mis de l’avant l’importance de la communication en général, et des images en particulier, dans l’acte sécuritisant. La communication passe inévitablement par un certain médium, qu’il soit linguistique, pictural, ou télévisuel, et le médium n’est pas neutre dans le sens qu’il va véhiculer. On ne peut évidemment pas s’imaginer l’importance des évènements du 11 Septembre sans toutes les télévisions mondiales reprenant en boucle les images des avions s’écrasant sur les tours, ou les tours s’effondrer (Williams, 2003). Williams s’est donc intéressé à comment les représentations visuelles influencent les actes de langage et quels sont les liens entre images, choix politiques et pratiques sécuritaires (voir aussi Courchesne et Adam, 2008 et Hansen, 2011).

  1. L’état d’exception permanent comme réponse à la menace terroriste

2.1. La sécuritisation du terrorisme islamique en France : discours sécuritisants du gouvernement français et représentation médiatique

La sécuritisation du terrorisme d’inspiration islamique en France en 2015 est passée par deux courroies de transmission, d’un côté les plus hauts représentants de l’État comme le président de la République, et de l’autre par les médias, véhiculant toujours plus d’images montrant le caractère exceptionnel et dangereux des événements survenus.

François Hollande, le 9 janvier 2015, après les attaques de Charlie Hebdo et de l’Hyper Cacher, déclare :

La France a été attaquée trois jours de suite. […] et c’est une obligation pour nous, d’y faire face. […] La France n’en a pas terminé avec les menaces dont elle est la cible. […] Je veux vous appeler à la vigilance, à l’unité et à la mobilisation. La vigilance, c’est d’abord à l’État d’en faire la démonstration. Avec le Premier ministre, j’ai encore renforcé tous les moyens pour protéger nos lieux publics et faire en sorte que nous puissions vivre tranquillement sans à aucun moment pouvoir être dans l’objet d’une menace ou d’un risque (Hollande, 2015a).

On peut y voir ici un processus de sécuritisation, assez limité et timide, mais tout de même présent. D’abord, le Président annonce que c’est la France qui a été attaquée, élevant la menace à un niveau sociétal. Hollande rappelle ensuite que la France est toujours menacée, et que d’autres évènements risques d’arriver, ce pour quoi la France doit faire face à cette menace. Il affirme ensuite que c’est d’abord à l’État d’y répondre et propose, ou plutôt informe, qu’il a déjà pris l’initiative de renforcer les moyens de protection des lieux publics pour que les Français (« nous » dans le texte) puissent vivre en toute tranquillité.

En novembre 2015, face à un contexte plus important et significatif, le discours de Hollande consistera en un mouvement sécuritisant plus important qu’en janvier 2015. Il déclare en effet le soir des attaques :

Ce que les terroristes veulent, c’est nous faire peur, nous saisir d’effroi. Il y a effectivement de quoi avoir peur, il y a l’effroi, mais il y a face à l’effroi une Nation qui sait se défendre, qui sait mobiliser ses forces, et qui une fois encore saura vaincre les terroristes. (Hollande, 2015b)

Le Président affirme que la menace est bien présente et que les Français ont raison d’avoir peur, mais que la France va réagir pour se défendre. Le lendemain, le 16 novembre, lors d’un discours de près de 40 minutes devant le Parlement, il déclare :

La France est en guerre. Les actes commis vendredi soir à Paris et près du Stade de France, sont des actes de guerre […] Ils constituent une agression contre notre pays, contre ses valeurs, contre sa jeunesse, contre son mode de vie. Ils sont le fait d’une armée djihadiste, le groupe Daech qui nous combat […] Nous sommes dans une guerre contre le terrorisme djihadiste qui menace le monde entier et pas seulement la France. […] Nous devons donc nous défendre dans l’urgence et dans la durée. […] j’ai également conscience qu’il nous faut augmenter encore les moyens [de lutter contre le terrorisme] parce que si nous sommes en guerre, nous ne pouvons pas l’être avec ce que nous avions il y a quelques années dans des lois de programmation militaire ou dans d’autres textes imaginés pour assurer la sécurité de nos concitoyens. (Hollande, 2015c)

Ici, tous les éléments d’un processus de sécuritisation semblent présents. On retrouve en effet la menace existentielle à travers la notion de guerre que le terrorisme mène à la France et qui menace non seulement la France mais le monde entier. C’est une menace à la fois pour l’État mais aussi pour la société, son mode de vie, ses valeurs. Quoi de plus menaçant pour la survie qu’une guerre ? On retrouve également l’exceptionnelle gravité de la situation, avec le besoin d’agir dans l’urgence et dans l’immédiat, mais aussi pour le futur. Enfin on retrouve la présence de propositions, notamment des changements législatifs, pour contrer la menace.

Cependant, le mouvement sécuritisant ne passe pas uniquement par les actes de langage comme nous l’avons souligné, mais aussi par les images véhiculées par les médias. En effet, on n’est pas sans se rappeler la vidéo diffusée par les médias, en partie censurée mais disponible en intégralité sur les réseaux sociaux, du jour des attaques de Charlie Hebdo, où on voit un policier, à terre, se rendant face aux terroristes cagoulés et lourdement armés qui l’abattent ensuite. Ces images, mis à part de profondément choquer les nombreux fonctionnaires de police ayant vu cette vidéo, est également imprégnée d’une symbolique forte. On y voit un représentant de l’État, représentant l’autorité, démuni, impuissant, face aux terroristes. Qui d’autre peut donc arrêter les terroristes si les policiers sont démunis ?

Quelques jours après les attentats du 13 novembre 2015, la page web de France Info publie un article montrant les principales photos marquantes des attaques à Paris et les Unes des principaux journaux (Drouard, 2015). On y voit notamment des corps sous une bâche aux terrasses d’un café, des personnes s’accrochant aux fenêtres extérieures du Bataclan, des impacts de balles aux fenêtres des terrasses, des personnes pleurant la mort de proches, des personnes blessées, ensanglantées, des policiers pleurant, des policiers lourdement armés se positionnant dans un coin de rue, prêt à l’action, des fourgons de transport de soldats débarquant dans les rues de Paris ou encore le président de la République entouré de gardes armés. Sur les unes des journaux on peut notamment y lire « Cette fois c’est la guerre » sur le Parisien, « La terreur à Paris » dans Le Monde, « Carnage à Paris » dans Libération, ou encore « La guerre en plein Paris » dans Le Figaro. Toutes ces images et ces unes participent à créer un climat de danger, d’urgence, de menace pour la société française, participant, comme les discours sinon plus, au mouvement sécuritisant.

2.2. Le développement de l’état d’exception permanent en France : état d’urgence, mesures exceptionnelles, militarisation de la sécurité et nouvelle loi anti-terroriste

Face à ce mouvement sécuritisant des discours, des pratiques et des images, il y a un certain nombre de mesures d’exceptions qui ont été prises, et qui auront duré deux ans puis transposées dans la législation courante, participant à la création d’un état d’exception permanent à la française. Tout d’abord, cet état d’exception se caractérise par un ensemble de mesures exceptionnelles afin de répondre à la menace existentielle du terrorisme. En janvier 2015, la seule mesure d’exception est le déploiement de renforts militaires afin de protéger les lieux sensibles et la population contre le terrorisme (Hollande, 2015d). Il s’agit là de mesures exceptionnelles car en temps normal, c’est la police nationale qui se charge d’assurer la protection des lieux sensibles. Or, avec l’arrivée de 10 000 soldats sur le territoire, spécialement dédiés à la protection contre le terrorisme, l’Unité de Garde et de Protection de la police, qui s’occupe habituellement d’assurer la protection des lieux sensibles (ambassades, ministères, lieux de cultes ou écoles), a été en partie remplacée par des militaires. L’armée prend donc en charge une partie des missions dévolues à la police. Cependant, les plus importantes mesures d’exceptions ont été prises en novembre 2015. Hollande envisage une modification de la Constitution pour faire entrer l’urgence et l’exceptionnalisme dans le contrat social des Français. Il déclare :

J’estime en conscience que nous devons faire évoluer notre Constitution pour permettre aux pouvoirs publics d’agir, conformément à l’État de droit, contre le terrorisme de guerre. […] Il [Édouard Balladur] suggérait de modifier l’article 36 de notre Constitution pour y faire figurer l’état de siège ainsi que l’état d’urgence et sa proposition renvoyait à une loi organique, le soin de préciser les conditions d’utilisation de ces régimes.

Je considère que cette orientation doit être reprise. Il s’agit de pouvoir disposer d’un outil approprié pour fonder la prise de mesures exceptionnelles pour une certaine durée, sans recourir à l’état de siège et sans compromettre l’exercice des libertés publiques. Cette révision de la Constitution doit s’accompagner d’autres mesures. (Hollande, 2015c)

Hollande propose donc, devant le Parlement réuni en congrès, un certain nombre de mesures exceptionnelles afin de mener la guerre au terrorisme. Cependant, loin de s’arrêter à des mesures d’urgence s’appliquant temporairement, il va souligner l’importance de la durée de cette lutte contre le terrorisme et déclarer :

Enfin, puisque la menace va durablement peser et que la lutte contre Daech va nous mobiliser encore longtemps sur le front extérieur comme sur le terrain intérieur, j’ai également décidé de renforcer substantiellement les moyens dont disposent la justice et les forces de sécurité. (Hollande, 2015c)

En mettant l’accent sur le conflit sur la longue durée, il vient justifier l’importance de modifier les pouvoirs des polices administrative et judiciaire ainsi que des magistrats, en augmentant considérablement leurs pouvoirs. En plus d’une augmentation des pouvoirs, François Hollande va également augmenter les effectifs de police, de gendarmerie et de l’armée, augmentation qui devrait profiter aux services de luttes contre le terrorisme (Hollande, 2015c).

Mais à côté de « l’état d’exception permanent » engendré par la présence massive de forces de l’ordre et de militaires lourdement armés, d’autres éléments, législatifs, vont ancrer un état d’exception permanent en France, il s’agit de l’état d’urgence et de la nouvelle loi antiterroriste. Après les attaques de novembre, un régime d’exception fut mis en place à travers l’état d’urgence, procédure existant depuis 1955 mais dont le gouvernement en a renforcé les contraintes et qui reçut l’adhésion quasi unanime de l’opinion publique et de la classe politique (Morand-Deviller, 2016). L’état d’urgence s’applique à tout le territoire français, y compris les territoires et départements d’outre-mer. Le renouvellement de l’état d’urgence pour 3 mois a été voté à la quasi-unanimité par les deux Chambres à l’issu d’une procédure accélérée. L’état d’urgence crée un état d’exception dans la mesure où il autorise plusieurs procédures exceptionnelles pour conserver l’ordre et la sécurité de la nation. Ainsi, l’état d’urgence autorise les préfets et le ministre de l’Intérieur à décréter des couvre-feux, d’instituer des zones de sécurité dans lesquelles le séjour des personnes est réglementé, d’interdire le séjour de personnes sur certaines zones ou départements s’il y a un risque d’entrave à l’action des pouvoirs publics, ainsi qu’à procéder à des réquisitions de personnes ou de biens. En 2015, il fut rajouté d’autres contraintes à la liberté de réunion et de manifestation comme la possibilité de fermer provisoirement des salles de spectacles, des débits de boissons, des lieux de cultes ou tout autre lieu de réunion, la possibilité d’interdire toutes sortes de réunions de personnes, même accidentelles et la possibilité de dissoudre toute association facilitant ou incitant à commettre des actes pouvant porter gravement atteinte à l’ordre public. Il y eu ainsi sous le couvert de l’état d’urgence, entre le 14 novembre 2015 et le 12 janvier 2017, 4200 perquisitions à domicile, 710 assignations à résidence, 588 interdictions de séjour, au moins 32 institutions de zones de protection et de sécurité, au moins 23 interdictions de manifester, 18 fermetures provisoire de salles de spectacles, débits de boisson et lieux de réunions et 2227 contrôles d’identité, fouilles de bagages et de véhicules (Commission nationale consultative des droits de l’homme, 2017).  De plus, la procédure des perquisitions et des assignations à résidence a été simplifiée et facilitée. L’emploi des perquisitions et des assignations à résidence a été d’une grande ampleur entre fin 2015 et début 2016 avec plusieurs milliers de perquisitions (ne donnant lieux qu’à moins d’une dizaine de procédures judiciaires), et quelques centaines d’assignations à résidence, y compris d’activistes écologiques pendant la COP 21 ou de certains manifestants pendant la contestation de la loi travail de 2016, bien loin de la lutte contre le terrorisme (Morand-Deviller, 2016 ; Mucchielli, 2017). De plus, il apparait, selon la Commission nationale consultative des droits de l’homme (2017), que la plupart des actions policières et administratives n’ont pas été prises dans des affaires de terrorisme. Or, la procédure d’état d’urgence a été mise en place provisoirement afin de lutter contre le terrorisme. Elle a donc été utilisée à d’autres fins que la lutte contre le terrorisme, et deuxièmement, elle n’a pas empêché la survenue d’autres attaques terroristes, comme celle de Nice en 2016.

Après plus de deux ans d’état d’urgence, la nouvelle loi anti-terroriste a permis de faire entrer dans la loi commune des mesures prévues normalement dans le cadre de l’état d’urgence, venant donc normaliser l’état d’exception. Cette loi, promulguée le 30 octobre 2017, reprend en effet plusieurs mesures d’exception de l’état d’urgence (Loi n°2017-1510, 2017). Ainsi, les préfets et le ministre de l’intérieur peuvent créer des périmètres de sécurité dans lesquels l’accès et la circulation des personnes sont réglementés et où les agents de police peuvent procéder à des contrôles, des palpations de sécurité ou des fouilles de véhicules (art. L. 226-1). La fermeture des lieux de culte est également maintenue dans cette loi, autorisant et facilitant la fermeture des lieux de cultes où se déroulent la promotion de la haine, de la violence, de la discrimination ou des activités ou propos faisant l’apologie du terrorisme (art. L. 227-1). La loi permet également de nouvelles restrictions quant à la circulation et à la surveillance des individus, permettant à l’autorité judiciaire (procureur) d’interdire la circulation à un individu à l’extérieur d’un certain périmètre géographique, avec obligation de contrôle électronique ou de se présenter à un service de police régulièrement ou de déclarer tout déplacement ou changement de domicile (art. L. 228-1, 228-2, 228-3 et 228-4). Les autorités judiciaires (procureur, juge et police) peuvent également visiter et saisir des documents lors de soupçons de troubles graves à l’ordre public ou d’activité terroristes, y compris chez les parlementaires, les avocats, les journalistes et les magistrats, sur le lieu de travail ou à leur domicile (art. L. 229-1). L’art. 227-7 permet également la création d’une base de données informatique commune afin de faciliter la consultation des informations personnelles. Le travail de surveillance des services de renseignement est également facilité et amélioré par les articles 851 à 871. De plus, l’art. 2371-1 permet aux militaires, dans certaines circonstances, de procéder à des activités de surveillance et d’interception des communications sur le territoire national. Enfin, l’art. 78 rétablit les contrôles aux frontières sous certaines conditions.

Suite aux discours sécuritisants du gouvernement français, et des images véhiculées par les médias, le gouvernement a proposé une série de mesures d’exception, allant de la militarisation de la sécurité intérieure à la promulgation de la nouvelle loi anti-terroriste et de sécurité nationale, reprenant une grande partie des mesures de l’état d’urgence qui a duré 2 ans. Cet état d’exception permanent, qui peut s’apparenter à l’état d’exception américain avec la promulgation du Patriot Act, est venu renforcer le contrôle sécuritaire territorial de l’État français, en contrôlant ou restreignant notamment les déplacements, les accès à tout lieu désigné par l’autorité administratives ou en accordant des pouvoirs accrus à la police judiciaire s’étendant au-delà du contexte terroriste.

Conclusion

Il y a eu, en France, depuis 2015 au moins, un processus de sécuritisation du terrorisme d’inspiration islamique. Ce processus a commencé suite aux attentats de 2015, notamment par les discours des officiels français. Par des actes de langage, qui ont un pouvoir performatif, le gouvernement a fait du terrorisme une menace existentielle, en la comparant à une guerre menaçant la nation, le mode de vie et les valeurs des Français. Les médias, par les images véhiculées, ont également participé à ce processus de sécuritisation. En plus des discours et des images, les pratiques même du gouvernement, par la présence nombreuse des forces de l’ordre lourdement armées, ont fait peser un climat de danger et d’urgence sur le territoire.

Pour faire face à cette menace existentielle, le gouvernement a proposé des mesures d’exceptions, suspendant le cours normal de la politique. Ces mesures d’exceptions sont aujourd’hui normalisées dans le cadre législatif français et dans la vie au quotidien. Les militaires, les policiers armés de fusils d’assaut, les nombreux périmètres de sécurité et les fouilles font désormais partie du quotidien des Français. Nous avons ici retracé les étapes de la sécuritisation proposées par Balzacq. Nous avons en effet identifié l’acteur sécuritisant, ici l’État ainsi que les médias, le sujet de référence, le terrorisme islamique, l’objet de référence, la nation et le mode de vie des Français et du monde, l’audience qui donne son accord, le contexte et enfin l’adoption de mesures exceptionnelles venant accroître le contrôle territorial de l’État français. Avec la création d’un état d’exception permanent, il nous paraît difficile de revenir en arrière, mais une des avenues serait de desécuritiser le terrorisme d’inspiration islamique en le considérant comme un crime de droit commun.

L’efficacité des mesures d’exception peut être remise en cause, n’empêchant aucunement le terrorisme qui s’adapte, la France comptant pas moins de neuf attaques terroristes d’inspiration islamiste entre 2016 et janvier 2020, soit après l’instauration des mesures d’exception (Hamon, 2020). Il semble alors peut-être plus pertinent de développer des nouveaux outils d’analyse et de prévention sans condamner la France à un régime d’exception permanent qui semble peu ou pas efficace. La réflexion et l’intervention pour prévenir le terrorisme doivent se faire à tous les niveaux, aussi bien au niveau du renseignement, des services de police, des services sociaux et d’éducation, de la communauté qu’à l’international.

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[1] Cependant, certains auteurs ne souscrivent pas à la distinction entre politique normale et mesure exceptionnelle. Voir notamment Blazacq, Thierry (2016). Théories de la sécurité : les approches critiques, Paris, Presses de SciencesPo.

[2] Nous décidons d’utiliser un anglicisme, provenant du terme securitization, pour éviter la confusion avec le terme sécurisation.

[3] Exemple tiré du chapitre de Matt McDonald (2013 : 74).