La Chine et les ressources halieutiques en Arctique. I – Analyse du développement des hauturiers chinois en Arctique

RG v8 n2, 2022

Yeukyin Chiu

Yeukyin Chiu est étudiante à la maîtrise en études internationales à l’Université Laval, à Québec. Elle s’intéresse au secteur hauturier de la Chine et à la gouvernance des ressources halieutiques en Arctique.

Courriel : yeuk-yin.chiu.1@ulaval.ca

Résumé : Compte tenu de l’avènement des changements climatiques et de la fonte accélérée de la banquise, la pêche commerciale au centre de l’océan Arctique pourrait être possible dans le futur. En 2018, la Chine a exprimé clairement ses intérêts pour les ressources halieutiques de l’Arctique et son intention de participer à la gouvernance de la gestion des ressources en Arctique. Cet article vise à discuter l’encadrement juridique de la gestion des poissons en Arctique aujourd’hui et les défis rencontrés par la Chine pour l’accès aux stocks.

Mots clés : changements climatiques, ressources halieutiques arctiques, la Chine, secteur hauturier,

Abstract: The climatic change and the melt of ice sheets make the commercial fishing in the center of Arctic Ocean possible in the future. In 2018, China expressed its interests in Arctic fishery resources and their governance. This article aims at understanding the current international judicial system which governs the stocks in the Arctic and the challenges that China is facing when trying to have access to Arctic fishery resources.

Keywords: Climatic change, Arctic fishery resource, China, distant water fishing

Introduction

Aujourd’hui, les impacts des changements climatiques sont manifestes. Le réchauffement planétaire implique que l’environnement de l’Arctique est en train de changer. L’étendue de la banquise affichait une tendance à diminuer entre 1979 et 2019 (Pörtner et al., 2019). Certains chercheurs ont estimé qu’il n’y aura plus de glace durant l’été avant la fin du 21e siècle (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, 2019). Si la fonte de banquise permet d’avoir des étés sans banquise en Arctique, il se peut que la pêche commerciale au cœur de l’océan Arctique devienne possible (Van Pelt et al., 2017). Pour les États riverains de l’océan Arctique, le secteur de la pêche est important pour le développement régional. Par ailleurs, la pêche hauturière, qui réfère à la pratique que des navires de pêche commerciale pêchent en dehors des eaux territoriales de leur pays d’origine, continue de se développer (Yozell et al., 2019). Certains pays asiatiques, comme la Chine, le Japon et la Corée du Sud ont gagné de l’importance dans le secteur de la pêche hauturière dans les dernières décennies. La Chine, qui est de loin la plus grande productrice de captures marines au monde (FAO, 2018b), continue d’élargir son espace de pêche. En 2018, Pékin a exprimé ses intérêts pour l’exploitation des ressources halieutiques en Arctique tout comme son intention de participer dans la gouvernance de gestion des stocks de poissons en haute mer dans l’océan Arctique (The State Council, 2018). Étant donné que la ressource halieutique est une ressource mobile sensible aux changements climatiques, le réchauffement climatique et l’apparition des nouveaux joueurs impliquent de nouveaux défis quant à la gestion des ressources halieutiques dans la région. Quelles sont les contraintes qui pèsent sur l’accès de la Chine aux ressources halieutiques arctiques ?

Pour comprendre les impacts de la Chine sur le développement de la pêche hauturière en Arctique, la discussion sera divisée en trois parties. Les deux premières parties discutées dans cet article aborderont le secteur de la pêche commerciale en Arctique et le système de gestion internationale des ressources halieutiques dans cette région aujourd’hui, et le développement du secteur de la pêche hauturière en Arctique par la Chine et ses défis. Un deuxième article abordera les moyens juridiques et politiques que Pékin utilise pour gérer son secteur de la pêche hauturière. Les analyses seront basées sur les données et les annonces publiées par des gouvernements, des organisations internationales comme l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (le FAO ci-après), l’Union européenne (UE), les Nations Unies, des organisations non gouvernementales, des think tanks et des articles académiques.

1.     Le développement de la pêche commerciale en Arctique et le système international de la gestion des stocks de poisson dans la région

En Arctique, la basse température annuelle et la grande fluctuation de la disponibilité de la lumière ne favorisent pas le développement de l’agriculture. Par conséquent, la pêche et la chasse en mer sont les principaux moyens d’acquérir de la protéine animale pour la population locale (FAO, 2018b). Aujourd’hui, la capacité des pêcheurs s’est beaucoup améliorée quant aux distances de voyages et à la conservation des poissons grâce à l’évolution rapide de la technologie.

1.1. L’importance de la pêche commerciale pour les pays arctiques

Le développement de la pêche commerciale est souvent un des moteurs du développement économique pour les régions arctiques.  Par exemple, l’exportation des poissons et des crevettes représente 92% des exportations totales du Groenland (Booth et al., 2014). En Alaska, l’exportation de poissons représente plus de la moitié de ses exportations totales (Resources Development Council, n.d.). En 2018, les cinq États riverains de l’océan Arctique (dont le Canada, les États-Unis, le Danemark par le Groenland, la Norvège et la Russie) et l’Islande figuraient parmi les 25 premiers pays producteurs de captures marines au monde (FAO, 2018b).

Cependant, ce ne sont pas toutes les régions de l’Arctique qui pourraient profiter des ressources halieutiques. Selon un rapport réalisé par l’Arctic Monitoring & Assessment Programme en 2005 (Vilhjálmsson et al., 2005), la distribution des poissons est concentrée dans quatre zones de pêche importantes : l’Atlantique nord-est (la mer de Barents et la mer de Norvège), l’Atlantique nord-central (le Groenland et l’Islande), Terre-Neuve, la mer du Labrador et le nord-est du Canada, et le nord du Pacifique (la mer de Béring, la mer de Tchouktches et les îles Aléoutiennes) (veuillez référer à figure 1)(Vilhjálmsson et al., 2005). Selon Sea Around Us, un projet de recherche initié par l’Université de la Colombie-Britannique qui vise à analyser les conséquences des activités de pêche sur les écosystèmes marins, les prises dans ces quatre zones comptent pour 97% du volume de pêche total de la région (Sea Around Us, n.d.-a) (voir fig. 1).

Au-delà d’une répartition naturellement inégale, la disponibilité du stock en Arctique n’est pas garantie. Plusieurs effondrements de stocks sont notables, comme la chute de stocks de hareng dans les années 1960 et 1970 en Norvège (Lorentzen et al., 2006), la chute du stock de colin dans le bassin aléoutien à la fin des années 1980 (Bailey, 2011) et la quasi-disparition de la morue au Canada atlantique dans les années 1990 (Myers et al., 1997). L’effondrement du stock est souvent suivi par une interdiction de pêche dans la région et cela a des conséquences socio-économiques majeures pour les communautés de pêcheurs.

Figure 1 – Les quatre zones de pêche principales et leur volume de prise, les zones de haute mer et les zones qui sont gouvernées par les ORGP en Arctique.

Source : autrice, d’après une présentation du Molenaar en 2016 et des informations de Sea Around Us, de l’AMAP, de la CPANE et de la FAO (“Convention on the Conservation and Management of Pollock Ressources in the Central Bering Sea,” 1994; Molenaar, 2016; Sea Around Us, n.d.-a, n.d.-b; The 20th Annual Conference of the Parties to the Convention on the Conservation and Management of Pollock Resources in the Central Bering Sea, 2015; Vilhjálmsson et al., 2005)

La poursuite de la contraction de la banquise en Arctique a conduit à des changements dans l’écosystème marin en Arctique. Pour le moment, on observe que deux phénomènes pourraient influencer l’activité de la pêche : la migration vers le Nord des poissons et la menace de l’acidification. La première réfère au déplacement vers le nord des poissons. En raison de l’augmentation de la température de l’océan, certaines espèces épipélagiques (les espèces qui vivent de la surface jusqu’à 200 mètres de profondeur) subarctiques ou tempérées pourraient coloniser des eaux arctiques (Cheung et al., 2016; Haug et al., 2017). Certains chercheurs estiment que la distribution des poissons s’est déplacée vers le pôle Nord à une vitesse de 52 km par décennie en moyenne (Pörtner et al., 2019). Le deuxième phénomène, l’acidification de l’océan, est causé par la hausse d’absorption du dioxyde de carbone par les océans (Arctic Monitoring and Assessment Programme, 2013). Il pourrait nuire à la formation des squelettes des poissons et des coquilles des mollusques qui pourrait enchaîner des problèmes pour la chaîne alimentaire (Haug et al., 2017).

1.2.Comment les stocks en Arctique sont-ils gérés ?

Aujourd’hui, le principal encadrement du régime juridique de la conservation des ressources halieutiques en Arctique est la Convention des Nations unies sur le droit de la mer (CNUDM ci-après). Elle fut conclue en 1982. Tous les États riverains de l’océan Arctique et l’Islande ont signé et ratifié la CNUDM sauf les États-Unis, mais ces derniers appliquent les principes de la CNUDM comme des droits coutumiers (Congressional Research Service, 2020). La CNDUM délimite les espaces maritimes, indique les droits et les responsabilités des États sur l’exploitation économique de la mer, sur la liberté de navigation, sur la recherche scientifique et sur la protection environnementale.

Selon la Convention, les États jouissent de la souveraineté territoriale dans les eaux intérieures et les mers territoriales[1]. À partir des lignes de base jusqu’à la limite des 200 milles marins se trouve la zone économique exclusive (ZEE). Les États côtiers conservent les droits souverains d’exploitation sur les ressources naturelles biologiques et non biologiques dans sa ZEE [2]; ils ont la responsabilité de les conserver et de s’assurer de ne pas les surexploiter. Dans le cas où une espèce existe aussi dans la ZEE des pays voisins, les États ont la responsabilité de former des organisations régionales de gestion des pêches (ORGP ci-après) pour conserver les stocks[3]. La zone en dehors de la ZEE est la haute mer, qui est un espace ouvert à tous pour pêcher et pour faire des recherches scientifiques[4]. La CNUDM encourage la coopération internationale par la création des ORGP[5].

Cependant, la CNUDM n’a pas précisé les responsabilités des ORGP. Cela rend parfois la coopération internationale en haute mer difficile et inefficace (Lugten, 2010). Dans les années 1990, deux accords contraignants furent conclus : l’Accord de conformité en 1993 de la FAO et l’Accord des Nations Unies sur les stocks de poissons en 1995. Le premier oblige les États à prendre leurs responsabilités quant à leurs propres navires qui pêchent en haute mer. Les navires peuvent seulement pêcher lorsqu’ils sont autorisés par leur État; les États du pavillon sont donc capables d’exercer leurs responsabilités à régler leurs navires (FAO, 2018a; Lugten, 2010). Le deuxième accord oblige les États à se joindre à l’ORGP qui gouverne ladite région en haute mer pour avoir accès à ses ressources halieutiques, et confère des droits à l’État côtier pour le contrôle des prises de stocks de poissons chevauchant, c’est-à-dire passant d’un côté à l’autre de la limite de la ZEE[6].

En Arctique, la plupart des espaces maritimes se situent dans les ZEE des membres de l’Arctic Five et de l’Islande. Les stocks dans ces zones sont donc protégés par les lois domestiques et les ORGP qui les couvrent. Par contre, il y a quatre zones en haute mer : le Banana Hole dans la mer de Norvège, le Loophole dans la mer de Barents, le Donut Hole dans la mer de Béring et le centre de l’océan Arctique (Molenaar, 2016). Ils sont gouvernés par trois ORGP : la Commission des pêches de l’Atlantique Nord-Est (CPANE ci-après), l’Organisation des pêches de l’Atlantique Nord-Ouest (OPANO ci-après) et la Convention sur la conservation et la gestion des ressources en colin dans la partie centrale de la mer de Béring (la Convention de la mer de Béring ci-après). Ces ORGP couvrent les stocks dans le Banana Hole, le Loophole et le Donut Hole. Pour le moment, aucune ORGP n’est encore établie pour protéger les stocks dans le centre de l’océan Arctique car la pêche commerciale n’est pas encore possible. (Pour la situation géographique des zones de haute mer en Arctique, voir la figure 1).

En 2018, les membres de l’Arctic Five ont conclu l’Accord international pour la prévention d’activités non réglementées de pêche en haute mer dans le centre de l’océan Arctique (ci-après l’Accord pour la prévention de pêche) avec l’Islande, l’Union européenne, la Chine, le Japon et la Corée du Sud. Les signataires conviennent d’adopter une approche prudente sur la ressource halieutique dans le centre de l’océan Arctique et affirment vouloir empêcher la pêche commerciale dans cette région avant d’avoir acquis suffisamment de connaissances sur la durabilité des stocks (“Declaration concerning the prevention of unregulated high seas fishing in the Central Arctic Ocean,” 2015). Bien que l’Accord suspende la pêche commerciale temporairement dans le centre de l’océan Arctique, celui-ci n’a pas établi une ORGP, ni précisé des mesures de protection (Papastavridis, 2018). Juridiquement, c’est comme une espace vide pour la conservation du stock.

2.     Le développement du secteur hauturier chinois en Arctique

La Chine est la plus grande productrice mondiale de captures marines depuis des années 1990 (Xue, 2006). Aujourd’hui, on peut trouver les flottes chinoises qui pêchent partout dans le monde. Selon l’estimation du think tank américain Stimon Center, la Chine et Taiwan partagent 60% des efforts de pêche hauturière mondiale dans les dernières décennies, tandis que le Japon, la Corée du Sud et l’Espagne partagent chacun 10% des efforts (Yozell et al., 2019). Le développement du secteur hauturier chinois a commencé relativement tard par rapport aux autres puissances hauturières; les premiers voyages des flottes chinoises à l’ouest de l’Afrique et en mer de Béring furent réalisés en 1985 (Chen et al., 2019; Mallory, 2013).

L’appétit de la Chine pour les poissons arctiques a commencé à apparaître dans les documents officiels de haut niveau dans le treizième plan quinquennal (2017-2021). Dans ce plan, la participation active dans les affaires de pêche dans les zones polaires est un des trois objectifs du secteur hauturier[7] (Bureau des pêches du Ministère de l’Agriculture et des Affaires rurales, 2017). En 2018, Pékin a publié le Livre blanc des politiques de l’Arctique de la Chine et a annoncé ces intentions concernant la gestion des stocks en Arctique : elle appuie l’idée de la création d’une ORGP dans le cœur de l’océan Arctique, du renforcement de la surveillance et de la recherche sur les stocks et aussi de la coopération scientifique avec les États riverains de l’océan Arctique (The State Council, 2018).

2.1. Pourquoi la Chine s’intéresse-t-elle à la gouvernance des poissons arctiques ?

Selon les données disponibles sur le UN Comtrade Database, la valeur des poissons et des fruits de mer exportée par les pays arctiques vers la Chine s’est accrue de 1324% entre 1998 et 2018, soit une augmentation annuelle moyenne de 14,2% par an[8]. Pour la Chine, les ressources halieutiques en Arctique sont importantes à cause de plusieurs facteurs. Concernant les facteurs socio-économiques, la demande des ressources halieutiques arctiques en provenance des pays arctiques est énorme, et cette demande a continué d’augmenter dans les dernières décennies. L’enrichissement du pays et la croissance de la classe moyenne augmentent les besoins en fruits de mer et en poissons de grande valeur. L’urbanisation change le goût des consommateurs chinois. Aujourd’hui, la majorité des consommateurs en Chine sont équipés d’un congélateur à la maison, favorisant la vente de poissons congelés; les problèmes de pollutions domestiques sensibilisent les consommateurs chinois à la sécurité alimentaire, ils sont prêts à payer plus cher pour acheter des poissons qui viennent de sources propres et dont l’origine est traçable (Crona et al., 2020; Wang et al., 2009). De plus, les banquets de fruits de mer ou de poissons de grande valeur sont aussi une activité sociale importante (Fabinyi et al., 2016).

La deuxième raison d’une augmentation de l’importation de poissons et de fruits de mer en Chine concerne le développement des usines de traitement des poissons et des fruits de mer. La Chine ne consomme pas tous les poissons qu’elle pêche; une partie des poissons est envoyée aux usines pour être traitée et pour être réexportées après. Par exemple, 50% des ressources halieutiques d’Alaska exportées en Chine vont retourner vers le marché américain après avoir été traités en Chine (Haddon et al., 2018). Entre 2008 et 2018, le secteur de la transformation des poissons et des fruits de mer en Chine a augmenté sa production de 42%; les usines de transformation sont concentrées dans les provinces au bord de la mer, comme le Liaoning (11,5%), le Shangdong (31,4%) et le Fujian (19,1%) et contribuent au développement économique de ces provinces (Bureau des pêches du Ministère de l’Agriculture et des Affaires rurales et al., 2018).

La troisième raison concerne la diminution des prises dans les eaux domestiques qui peut s’expliquer par deux facteurs principaux. Le premier est relié à la ratification de la CNUDM en 1996, puisqu’elle oblige la Chine à conclure des ententes avec les États voisins comme le Japon, la Corée du Sud et le Viêtnam afin de partager les stocks dans les ZEE qui se chevauchent. La Chine a donc dû fermer plusieurs zones de pêche traditionnelle à ses pêcheurs une fois des accords bilatéraux conclus (Colin, 2016). De plus, la surexploitation et l’effondrement des stocks font partie du problème.  Dans la mer Jaune et la mer de Chine orientale, plus de 50% des stocks sont surexploités ou se sont effondrés (Sea Around Us, n.d.-c, n.d.-d). La situation est si grave que le gouvernement chinois a dû établir une série de politiques pour conserver ses écosystèmes marins, comme l’établissement de moratoires de pêche dans ses eaux intérieures, la politique de la « croissance nulle »[9] sur les prises domestiques (Cao et al., 2017). Peu importe les efforts du gouvernement, ils se heurtent à une réalité du marché : la demande intérieure pour les poissons n’a jamais cessé de croitre rapidement. La consommation de poissons par habitant a augmenté de 3,1 kg par personne et par an en 1985 à 11,4 kg en 2019 (Crona et al., 2020). Pour satisfaire le marché domestique, la Chine n’a pas le choix que d’aller plus loin pour chercher de poissons.

Pour Pékin, le secteur de la pêche hauturière a également une mission politique. Il permet à la Chine de développer de bonnes relations avec les pays d’Afrique de l’Ouest comme la Mauritanie, la Guinée-Bissau et la République de Guinée par ses projets de pêche (Bureau des pêches du Ministère de l’Agriculture et des Affaires rurales, 2016). En 2010, un groupe ad hoc était créé au sein du gouvernement pour discuter les stratégies pour renforcer le secteur hauturier chinois. Dans le rapport de la discussion, la phrase « celui qui occupe (ou possède) a tous les droits » « 占有即权益 » est apparue. Pour certains fonctionnaires, pêcher régulièrement en haute mer affirme les droits dont la Chine jouit. Ils croient que les pays qui ont une longue histoire d’utilisation des ressources marines et halieutiques ont davantage de droits quand il s’agit de distribuer ou partager ces ressources. Certes, le rapport a aussi précisé qu’une telle occupation des ressources soit fondée sur les principes de respecter le développement durable, l’histoire et le statu quo. Le développement du secteur hauturier a donc une mission politique pour la Chine (Le groupe de travail sur l’étude de renforcement du secteur de la pêche hauturière chinois, 2010).

Sous la direction de Xi Jinping depuis 2013, la Chine a adopté un style de diplomatie qui est plus affirmé et proactif en matière de gouvernance globale (Lin, 2019). Cependant, la Chine n’est pas un État arctique. Elle a besoin d’arguments pour justifier la légitimité de sa présence dans les eaux arctiques, surtout, lorsque son autoportrait comme « un État proche de l’Arctique (near Arctic State) » ne trouve nécessairement pas d’échos dans la communauté internationale[10]. Selon la logique « la possession suit le droit » mentionnée auparavant, si la Chine devenait un pêcheur fréquent dans les hautes mers en Arctique, elle pourrait avoir acquis des droits sur les ressources marines grâce à cette pratique. Ce point est objet de débats et trouve un certain écho dans le monde académique chinois, au point que certains chercheurs chinois encouragent le développement de la pêche hauturière en Arctique, parce que celle-ci suscite pour le moment moins de controverses internationales que l’exploitation des minéraux dans la région (Zhang, 2018).

2.2. Les stratégies de la Chine et ses défis

L’expansion de la pêche hauturière chinoise dans les régions arctiques se révèle en réalité compliquée. Dans le Livre blanc des politiques de l’Arctique de la Chine, la Chine a évoqué la CNUDM et le Traité concernant le Spitzberg (1920) pour défendre ses droits en Arctique. Ainsi, parmi les quatre zones de haute mer en Arctique, le donut hole, dont le stock est régi par la Convention de la mer de Béring, est le plus proche de la Chine géographiquement. Dans les années 1990, la Chine a signé la Convention de la mer de Béring, mais cela ne lui donne pas d’accès aux stocks dans le donut hole, car la quantité de colin ne s’est jamais rétablie comme avant la chute des stocks. Jusqu’en 2015, le taux de reproduction de colin a atteint 11% de la quantité requise par la Convention de mer de Béring pour envisager l’ouverture de la zone à une pêche intense. Par conséquent, les États membres ont décidé de suspendre les prochaines rencontres en attendant la régénération du stock et depuis aucun quota de pêche n’a été distribué parmi les membres (The 20th Annual Conference of the Parties to the Convention on the Conservation and Management of Pollock Resources in the Central Bering Sea, 2015)[11].

Dans les zones de haute mer qui sont gouvernées par la CPANE et par l’OPANO, il n’y a plus de poissons à partager. En 2003, les États membres de la CPANE ont annoncé une directive suspendant la distribution des stocks avec les prochains nouveaux membres (North-East Atlantic Fisheries Commission, n.d.). L’OPANO connaît aussi la même situation, alors qu’une résolution en 1999 a indiqué que la majorité des stocks gouvernés par l’OPANO est partagée par les membres existants et que la pêche pour les nouveaux membres doit être très limitée (OPANO, n.d.).

La Chine a signé le Traité concernant le Spitzberg en 1925 (Traité du Svalbard de 1920). En théorie, la Chine jouit du droit d’accès aux ressources halieutiques de l’archipel (Brady, 2017; Lu, 2016; Polar Research Institute of China, n.d.). Cependant, le gouvernement norvégien maintient une attitude ferme concernant sa souveraineté sur l’archipel (Norway Ministry of Foreign Affairs, 2006). Les quotas de pêche de chaque espèce commerciale dans la zone de protection halieutique de l’archipel du Svalbard sont basés sur les données du Norwegian Institute for Marine Research, sur les conseils de la CPANE, et aussi sur les registres historiques (Molenaar, 2012). Or, comme la Chine n’a jamais pêché dans la région, et qu’elle n’est pas membre de la CPANE, il y a peu de chance qu’elle puisse obtenir des quotas de pêche dans la zone de pêche du Svalbard. (“The Svalbard Treaty,” 1920)

La Chine a commencé de développer son secteur hauturier plus tard que les autres puissances hauturières (Bonfil et al., 1998). Cela la met dans une position très désavantageuse dans la compétition mondiale. Dans cette situation, la Chine peut seulement s’efforcer de négocier des droits de pêche dans les zones de ZEE des pays arctiques. Cependant, pêcher dans les ZEE des pays arctiques demeure difficile. Premièrement, le secteur de la pêche de ces pays est souvent plus mature que celui de la Chine; ils n’ont pas besoin d’aide au développement de la Chine. De plus, puisque les poissons sont une source importante de protéine animale pour l’alimentation des peuples locaux et une ressource naturelle exportable déjà valorisée par les producteurs locaux, les pays arctiques sont souvent réticents à partager cette ressource. Par ailleurs, le Canada, les États-Unis et la Norvège ont des politiques qui visent à limiter la participation des investisseurs étrangers dans leur secteur de pêche[12]. Seule la Russie a une entente de pêche avec la Chine. Cette entente existe depuis l’époque de l’Union soviétique. Elle permet aux flottes chinoises de pêcher dans la ZEE russe dans la mer de Béring (Bureau de presse du Ministère de l’Agriculture et des Affaires rurales, 2020; Sobolevskaya et al., 2015). La recherche menée pour cet essai ne permet pas de trouver les informations concernant le quota accordé par la Russie à la Chine annuellement, mais il est généralement admis que l’entente n’a pas été modifiée depuis des années (Wang, 2006). Alors, pour la Chine, il reste seulement le centre de l’océan Arctique comme option pour avoir accès aux ressources halieutiques commerciales en hautes mers arctiques, mais cette région est encore largement couverte par la banquise malgré les changements climatiques.

Conclusion

Pour conclure, les ressources halieutiques en Arctique sont des ressources naturelles importantes pour les États riverains, et ces pays pourraient se montrer réticents à partager cette ressource avec des États tiers. En même temps, la Chine s’intéresse beaucoup à cette ressource à cause de sa demande énorme et de son souhaite de pouvoir participer à la gouvernance globale. Sous l’encadrement juridique actuel, l’une des options à considérer demeure bel et bien l’obtention de quotas de pêche dans le centre de l’océan Arctique, bien que celui-ci ne soit pas accessible à court et moyen terme. De plus, pour le moment, la pêche commerciale au centre de l’océan Arctique est suspendue par l’Accord pour la prévention de la pêche, et la Chine est une des signataires de l’Accord. Alors, comment la Chine se prépare-t-elle pour participer aux négociations de la formation d’une ORGP lorsque la pêche commerciale sera permise ? Ce sujet sera discuté dans un prochain article.

Références

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[1]  Article 3 de la CNUDM

[2] Article 7 de la CNUDM

[3] Articles 61, 62 et 63 de la CNUDM

[4] Article 86 de la CNUDM

[5] Article 118 de la CNUDM

[6] Article 8(4) de l’Accord des Nations Unies sur les stocks de poissons.

[7] Les deux autres objectifs réfèrent au renforcement du secteur et à la stabilisation des prises en haute mer.

[8] L’exportation des poissons et des fruits de mers des pays arctiques vers la Chine a augmenté de 373 millions USD en 1998 à 5311 millions USD en 2018, soit une augmentations de 1324% (UN Comtrade Database, n.d.).

[9] La « croissance nulle » est une politique de la Chine qui vise à lutter contre la surexploitation dans ses eaux côtières par ne pas chercher la croissance des prises marines internes mais encourager le développement de l’aquaculture (Cao et al., 2017).

[10] Dans son discours du 6 mai 2019, le Secrétaire d’État des États-Unis, Mike Pompeo a dit : « There are only Arctic States and Non-Arctic States. No third category exists and claiming otherwise entitles China to exactly nothing. » (Pompeo et al., 2019).

[11] Le lien du rapport n’est plus d’ouvert au public. Veuillez contacter le National Oceanic and Atmospheric Administration directement. L’auteur a sauvegardé une copie en 2020.

[12] Par exemple, le gouvernement canadien ne permet pas aux entreprises entièrement possédées par des étrangers d’obtenir un permis de pêche (Pêches et Océans Canada, 1996); l’American Fishery Act ne tolère pas non plus que 25% de financement d’un navire vienne des pays étrangers (U.S. Department of Transportation, 2020); l’Islande et la Norvège gardent le contrôle sur leur flotte nationale dans la gestion et la possession d’entreprises de pêche (OECD, n.d.)

Les revendications sur les plateaux continentaux étendus en Arctique, sous le signe de la coopération

Frédéric Lasserre

Directeur du Conseil québécois d’Études géopolitiques

Département de géographie, Université Laval

vol 6 n2, 2020

Résumé : La fonte de la banquise et un discours médiatique mettant volontiers en scène de fabuleux gisements d’hydrocarbures en Arctique ont accrédité l’idée d’une course à l’appropriation des espaces maritimes arctiques par les États riverains, idée renforcée par le planté du drapeau russe au pôle Nord en 2007, les chevauchements de revendications de plateaux continentaux étendus dans cette zone et la multiplication des missions océanographiques dans l’Arctique pour en cartographier les fonds. En réalité, les États coopèrent bien davantage qu’ils ne s’opposent dans la région.

Mots-clés : Arctique, plateau continental étendu, droit de la mer, différend, frontière, négociation, gisements.

Summary : The melting of the ice floe and a media discourse complacently staging fabulous hydrocarbon deposits in the Arctic have supported the idea of a race for the appropriation of Arctic maritime spaces by the riparian States. This idea was supported by the planting of the Russian flag at the North Pole in 2007, overlapping claims to extended continental shelves in this area, and the multiplication of oceanographic missions in the Arctic to map the seabed. In fact, States cooperate much more than they oppose in the region.

Keywords : Arctic, extended continental shelf, Law of the sea, dispute, border, negotiation, deposit.


La fonte accélérée de la banquise arctique en été laisse entrevoir la possibilité de sa disparition durant cette saison d’ici quinze à soixante ans. Ce phénomène relance les espoirs d’ouverture des mythiques Passages du Nord-Est et du Nord-Ouest entre l’Asie et l’Europe. Les routes maritimes qui passent respectivement par le Nord de la Sibérie et par l’archipel arctique canadien sont en effet plus courtes de plus de 7 000 km que celles qui passent par Panama ou par Suez. L’évocation de mers arctiques libres de glaces sur des périodes de plusieurs mois relance également les projets d’exploitation d’hydrocarbures et de minerais tant du côté russe que du côté canadien, avec des perspectives intéressantes en matière de pétrole, de gaz, d’or, de diamants et de nickel.

Les médias font régulièrement état des jeux de pouvoir qui se mettent en place actuellement autour de l’Arctique, avec comme élément déclencheur en 2007 le drapeau russe planté au pôle Nord. Alors que les États dévoilent progressivement leurs revendications sur des plateaux continentaux étendus, revendications dont plusieurs se chevauchent, certains observateurs parlent d’une « bataille pour le Grand Nord » (Labévière et Thual, 2008), d’une nouvelle « guerre froide »[1], d’une course aux armements (Cohen, 2018), voire d’une « folle course armée » (Borgerson, 2008) entre pays côtiers de l’océan Arctique pour le contrôle de ses richesses (Deutsche Welle, 2019), des discours aujourd’hui moins omniprésents mais toujours récurrents. De tels scénarios-catastrophes sont peu crédibles à court et moyen terme : les enjeux économiques dans la région sont relativement modestes car les routes maritimes sont en réalité peu propices au transit et de fait peu fréquentées du fait d’un contraste pérenne entre été de plus en plus libre de glace, et un hiver largement englacé malgré les changements climatiques (Lasserre, 2019); les ressources naturelles sont certes réelles mais non pas fabuleuses et très coûteuses d’accès, alors que les cours mondiaux sont à la baisse. Les estimations des réserves en hydrocarbures se font par ailleurs plus mesurées (Breteau, 2017).

Ces enjeux sont des paramètres économiques qui influencent les politiques des États en matière de définition des plateaux continentaux étendus en Arctique, mais qui ne sont pas déterminants. La question de l’extension des droits souverains économiques sur les plateaux continentaux, au-delà de la ligne des 200 milles marins qui marque la limite des zones économiques exclusives (ZEE), demeure d’actualité car les revendications se sont multipliées et présentent d’importants chevauchements dans la zone de l’océan Arctique central. Cette multiplicité des revendications a parfois été décrite comme la preuve du chaos politique à venir dans l’Arctique, ou comme la preuve de la nécessité de revoir le cadre juridique prévalant dans la région (Lasserre 2010). Un examen plus attentif montre qu’au contraire, les États ont certes des différends, mais que les négociations progressent et aboutissent à de nombreux accords. Quelle est la situation en 2020 en ce qui concerne les revendications des plateaux continentaux étendus en Arctique ?

Le cadre juridique des espaces maritimes des plateaux continentaux étendus

À partir de 2007, l’accent médiatique et politique s’est porté sur les revendications des États côtiers de l’océan Arctique pour l’appropriation des fonds marins de la région. Ce dossier est bien différent du contentieux relatif au contrôle des routes maritimes, qui pose la question du statut des détroits fréquentés, puisqu’il concerne l’extension de la souveraineté économique sur des ressources sous-marines potentielles. En fait, la Convention sur le droit de la mer de 1982 a déjà établi les procédures de revendication des droits souverains sur les plateaux continentaux étendus[2]. Une bonne partie de l’océan Arctique est déjà sous le contrôle économique exclusif des pays côtiers, et personne ne conteste le principe des ZEE. Ces espaces maritimes ne sont plus source de conflit : de nombreuses frontières maritimes ont été convenues et seul subsiste les litiges entre États-Unis et Canada en mer de Beaufort et entre Canada et Danemark au nord du Groenland (Fig. 1).

Figure 1. Limite des ZEE dans l’Arctique, juin 2019.

Source : adapté et mis à jour à partir de F. Lasserre, Passages et mers arctiques. Géopolitique d’une région en mutation. Québec : PUQ, 2010.

Par ailleurs, Moscou peut bien planter le drapeau russe au fond de l’océan Arctique, comme en août 2007, son geste de revendication, par ailleurs jugé archaïque par le gouvernement du Canada notamment (Reuters, 2015), n’a aucune valeur juridique : il ne permet pas d’asseoir un quelconque titre sur cette zone. Cet épisode ainsi que les déclarations du gouvernement russe quant aux risques d’une guerre pour les ressources arctiques ont grandement contribué à ce glissement de l’actualité politique arctique. L’envolée des prix des ressources naturelles, en particulier au cours de l’année 2008, avant leur chute brutale en 2009 puis à nouveau en 2015, a également alimenté bon nombre de spéculations sur la conflictualité de l’exploitation des ressources arctiques. Quoi qu’il en soit, le principe de la ZEE est acquis pour tous les États côtiers et la revendication d’un plateau continental étendu doit être avalisée par une organisation des Nations unies, la Commission des limites du plateau continental (CLPC), qui examine les revendications des États et les preuves géologiques de l’extension du plateau continental physique au-delà des 200 milles marins. Cependant, la Commission ne tient compte ni de l’ordre de présentation des dossiers ni du caractère unilatéral de la revendication : le droit à un plateau continental étendu est imprescriptible, tous les États côtiers peuvent en bénéficier indépendamment des revendications de pays tiers, et toute revendication doit être avalisée sur le fond par la CLPC.

Le plateau continental étendu, en vertu de la Convention des Nations unies sur le droit de la mer, est une zone marine au-delà de la limite des 200 milles marins qui forme l’enveloppe extérieure de la ZEE (voir Figure 2). Dans la ZEE, un navire étranger peut circuler librement tant qu’il ne s’engage pas dans une activité d’exploitation des ressources, mais l’État conserve des droits souverains sur toute activité économique en mer (pêche) comme dans les fonds marins (extraction minière). Dans le plateau continental étendu (PCE), l’État côtier ne conserve que des droits souverains sur les ressources des fonds marins.

La ZEE est définie de manière géométrique : sa limite externe est située à 200 milles nautiques (320 km) de la ligne de base des côtes. Au-delà des limites de la ZEE, l’État côtier peut ainsi revendiquer des droits souverains sur les ressources du sous-sol marin (pas de la colonne d’eau) jusqu’à 350 milles marins (620 km), à condition que cet espace soit constitué par le prolongement physique de la plate-forme continentale en mer (Figure 2). Le plateau continental étendu est déterminé par la limite du talus continental, soit la ligne où s’arrête la plaque continentale et où débutent les grands fonds marins de la plaque océanique. C’est donc une limite à déterminer à travers des recherches géomorphologiques et géologiques, les États devant instruire leurs preuves dans le dossier remis à la CLPC. Autrement dit, c’est sur la base d’un critère géologique qu’un État peut se prévaloir de ce droit, et c’est justement ce à quoi s’affairent les États côtiers : ils multiplient les missions océanographiques dans le bassin arctique pour pouvoir prouver devant la CLPC que la géologie des fonds marins leur ouvre la porte à des revendications au-delà de la ZEE. La Commission n’examine que les arguments d’ordre géomorphologique : elle ne trace pas de frontière et ne se mêle pas d’arbitrage de possibles revendications croisées.

Figure 2. Les espaces maritimes prévus par la Convention de Montego Bay sur le droit de la mer (1982).

Source : K. Bartenstein, « Le fond marin arctique : convoitises et confusions », dans F. Lasserre (dir.) Passages et mers arctiques. Géopolitique d’une région en mutation. Québec, Presses de l’Université du Québec, 2010.

La ligne de base simplifie le tracé de la côte et peut donc inclure en deçà de son tracé, des baies, golfes et retraits de la côte.

Un État côtier n’est pas souverain, ni sur la ZEE, ni sur le plateau continental étendu : il y détient des droits souverains sur l’exploitation des ressources des fonds marins et de la mer (ressources de pêche) dans la ZEE; sur les seules ressources des fonds marins dans le plateau continental. Cette nuance parait subtile, mais elle est de taille : en dehors de ces domaines de contrôle, l’État côtier ne régit pas les activités des tiers dans la ZEE et le plateau continental étendu. Il est donc abusif de parler de souveraineté à propos du plateau continental, a fortiori du plateau continental étendu. Il est préférable de parler d’intérêts ou de droits souverains.

En outre, le droit à un plateau continental est imprescriptible : tout État côtier y a droit, quel que soit l’ordre du dépôt des revendications. Ce n’est donc pas du tout sur la base du « premier arrivé, premier servi » que sont déterminées les attributions à des plateaux continentaux étendus – tant que l’on se place dans le cadre du droit. Il n’y a pas de course aux zones arctiques : il n’y a qu’une course contre la montre, les États devant déposer leur premier dossier moins de 10 ans après leur ratification. Le feu vert de la Commission ne signifie pas que l’ONU avalise les revendications mais qu’elles sont légitimes d’un point de vue géologique : reste à négocier avec les pays voisins les frontières communes.

Une course aux revendications ?

En décembre 2001, la Russie a déposé un premier dossier de revendications de plateau continental étendu dans l’Arctique. Celles-ci ont été rejetées par la Commission en juillet 2002 (Bartenstein, 2010; Coutansais, 2009), au motif que les éléments invoqués ne les justifiaient pas entièrement, en particulier celles portant sur la dorsale de Lomonossov, chaîne de montagnes sous-marines s’étirant entre la Sibérie et le Groenland et que se disputent la Russie, le Canada et le Danemark. Les Russes estiment en effet que la dorsale est un prolongement du plateau continental russe, les Danois qu’elle fait géologiquement partie du Groenland et le Canada qu’elle prolonge l’archipel arctique canadien. Le Danemark et le Canada ont déjà défini leur frontière maritime économique commune en 1973 entre Groenland et archipel arctique canadien. La Norvège a déposé sa demande officielle d’extension le 27 novembre 2006, demande qui a été acceptée par la CLPC le 27 mars 2009. Les États-Unis, quant à eux, ne peuvent déposer de demande auprès de la Commission car ils n’ont pas ratifié la Convention sur le droit de la mer. D’où les pressions tant démocrates que républicaines pour que le gouvernement la signe (Tableau 1).

Tableau 1. État des revendications sur un plateau continental étendu en Arctique.

Source : Nations unies, Oceans & Law of the Sea, Submissions, through the Secretary-General of the United Nations, to the Commission on the Limits of the Continental Shelf, pursuant to article 76, paragraph 8, of the United Nations Convention on the Law of the Sea of 10 December 1982, 23 mai 2020, https://www.un.org/Depts/los/clcs_new/commission_submissions.htm.

La perception d’un processus de définition et de revendication des plateaux continentaux récent et précipité est fausse. Puisque le droit à un plateau est imprescriptible[1], l’ordre des revendications importe peu en droit. Surtout, les dispositions du droit de la mer prévoient un délai de dix ans après ratification : les États disposent d’un délai maximum pour soumettre leur demande d’extension du plateau continental – sauf s’il déposent un dossier partiel, auquel cas la CLCP tolère que le reste des revendications soit déposé à une date ultérieure.. C’est ce compte à rebours qui peut alimenter cette impression de course. Lorsque la Russie et la Norvège ont présenté leur dossier, respectivement en 2001 et 2006, leurs demandes n’ont guère soulevé de passions. Cette mise en scène d’une prétendue « course au plateau continental » est d’autant moins crédible que plusieurs éléments attestent la dimension modérée de l’enjeu.

Le poids des ressources dans ces demandes d’extension

On sait depuis fort longtemps qu’il y a des ressources naturelles dans la région de l’Arctique : charbon au Svalbard, pétrole en mer de Beaufort, fer, zinc, plomb, uranium dans l’archipel canadien, en péninsule de Kola. Du pétrole est exploité au Yukon canadien (Norman Wells) depuis 1920 et l’a été dans l’archipel arctique, sur l’île Cameron, de 1985 à 1996. D’importantes campagnes de prospection ont été menées au large des côtes du Groenland de 2012 à 2015, sans succès. Oslo a renoncé à certains projets de forage en mer de Norvège (Cockburn, 2019). Aux États-Unis, l’administration Trump souhaiterait relancer l’exploration pétrolière sur la côte nord de l’Alaska, dans des zones protégées (Fears, 2018). En Russie, la région de la péninsule de Yamal recèle d’importants gisements de gaz et de pétrole, gisements tant terrestres qu’en mer; l’exploitation commerciale a débuté en décembre 2017. Le gisement de pétrole de Prirazlomnoye, découvert en 1989 en mer de Kara, est entré en exploitation en 2013, tandis que l’exploitation de l’important gisement de gaz de Shtokman (3,8 milliards m³), découvert en 1988 en mer de Barents, a été reportée sine die du fait de ses coûts trop importants. Tant que les cours des matières premières étaient bas et que la banquise rendait toute exploitation fort coûteuse, faire reconnaître sa souveraineté économique sur des espaces contestés ne comportait pas beaucoup de sens économique et ne constituait probablement pas un aiguillon poussant en faveur de la revendication de plateaux continentaux étendues : c’était une démarche relevant du principe de précaution – au cas où un jour on découvrirait des ressources exploitables, et puisque la Convention impose un délai de dix ans après la ratification. Puis les cours ont connu une vive croissance, de 2002 à 2014 environ. Jusqu’en 2014, la tendance de fond était à l’augmentation du cours des ressources naturelles, portés par la croissance mondiale, en particulier de la Chine et de l’Inde.

En 2008, l’US Geological Survey (USGS) estimait que 29 % des réserves de gaz et 10 % des réserves de pétrole encore à découvrir se trouvaient dans l’Arctique (USGS, 2008)[2], des chiffres qui n’avaient pas changé en 2018 (Allison et Mandler, 2018). Il y avait donc, de fait, un intérêt certain des compagnies pétrolières et des États arctiques pour la mise en valeur de gisements dans la région. Mais depuis la chute des cours des hydrocarbures à partir de 2014, on relève un relatif désintérêt des compagnies pétrolières pour la région (Gulas et al, 2017; Mason, 2017), désintérêt qui risque d’être renforcé par l’effondrement des cours dans un contexte de guerre des prix entre Russie et Arabie saoudite et de ralentissement économique lié à l’épidémie de Covid-19. De plus, il importe de souligner quelques éléments importants quant à l’ampleur de ces ressources.

Tout d’abord, s’il est vrai que de nombreux gisements ont été découverts dans l’Arctique, les théories actuelles sur la « course aux gisements » se fondent uniquement sur des estimations. Dans ses rapports de 2000 (USGS, 2000) et de 2008, l’USGS a fortement insisté sur le caractère estimatif de ses données. Fondamentalement, lorsqu’ils annoncent une nouvelle guerre froide pour le contrôle des gisements pétroliers de l’Arctique, bon nombre d’analystes ne font référence qu’à des hypothèses. En diffusant ces chiffres sans prendre la peine, d’une part, de préciser la méthodologie retenue pour les calculs, d’autre part, de mentionner qu’il s’agit d’estimations, les médias, les politiciens et certains analystes peu rigoureux répandent l’idée que ces gisements potentiels sont prouvés, ce qui est faux (Cohen, 2007a).

Ensuite, s’ils ne sont pas négligeables, ces gisements potentiels ne sont pas non plus gigantesques. Les analystes rappellent que celles de l’USGS, souvent mal citées[3], font état d’environ 3 ans de consommation mondiale de pétrole et de 7 ans de consommation de gaz : des réserves estimées conséquentes certes, mais pas aussi importantes que le laissent entendre certains chantres de l’eldorado arctique. L’USGS parle de 90 milliards de barils de pétrole pour l’ensemble de l’Arctique alors que les réserves prouvées de l’Arabie Saoudite s’élèvent à 266 milliards de barils (BP Statistics, 2015). Les gisements estimés de gaz (47 251  milliards de m³) sont en revanche bien plus importants dans l’Arctique qu’en Russie (35 000 milliards de m³ en 2018), ou en Iran (33 200  milliards de m³) (BP Statistics, 2018).

Enfin, tout le monde n’est pas d’accord sur l’ampleur réelle de ces ressources. Ainsi, un bureau d’étude privé du secteur énergétique, Wood Mackenzie, a émis de sérieux doutes sur la validité des estimations initiales de l’USGS. Il a estimé que le potentiel de l’Arctique était bien moindre que ce qu’annonçait l’agence américaine et, surtout, que l’essentiel des réserves étaient constituées de gaz et non de pétrole, fait reconnu par l’USGS en 2008 (Cohen, 2007b; Wood Mackenzie, 2006).

De plus, la plus grande partie des gisements en hydrocarbures et la quasi-totalité (près de 95 %) des gisements minéraux se trouvent dans les ZEE, et cette proportion ne devrait pas changer significativement, car c’est dans cette zone que se trouvent l’essentiel des dépôts sédimentaires qui recèlent les gisements en hydrocarbures. La prétendue course à l’appropriation des gisements arctiques n’a donc que peu de fondement, puisqu’elle ne concerne que les 5 % des ressources potentielles qui se trouveraient au-delà des ZEE (Mathieu, 2007, 2009). Le contrôle de l’exploitation des ressources est déjà largement acquis, sauf dans les zones de chevauchements entre pays limitrophes (la mer de Beaufort entre le Canada et les États-Unis ou la mer de Barents entre la Norvège et la Russie).

Ce qui s’est passé ces dernières années au sujet des réserves exploitables de l’Arctique est sans doute un excès d’enthousiasme : plusieurs compagnies d’exploration ont fait valoir que les gisements découverts à ce jour sont souvent difficiles à exploiter, et qu’ils contiennent certes beaucoup de gaz, mais moins de pétrole que prévu. Il est néanmoins certain que des gisements d’hydrocarbures importants restent à inventorier au nord-ouest de l’archipel canadien, à l’est du Groenland et dans les mers arctiques sibériennes. Les gisements miniers sont sans doute eux aussi prometteurs. C’est pour s’assurer la propriété de ces possibles réserves à découvrir que les six pays côtiers de l’Arctique[4] s’efforcent depuis plusieurs années de fourbir leurs arguments géologiques, avant d’aborder la phase des négociations politiques pour déterminer les frontières des plateaux continentaux et des ZEE. La fièvre médiatique accréditant l’idée d’une course effrénée est ainsi une représentation très exagérée et peu conforme à la réalité tant historique que juridique. Cette « fièvre arctique » repose sur des scénarios dont rien encore ne laisse supposer qu’ils vont devenir réels : l’exploitation des gisements arctiques est en cours, mais, pour le moment, elle ne concerne que les terres et les ZEE, qui ne sont pas contestées. Il n’est pas certain que d’autres gisements soient découverts au-delà de la limite des 200 milles marins. En somme, c’est bien la fragilité des scénarios catastrophes qu’il convient de souligner ici. Si « la bataille du Grand Nord a commencé » (Labévière et Thual, 2008) comme certains l’affirment, cette bataille ne sera très probablement que politique. Ce ne sera sans doute pas facile –  le Canada et les États-Unis sont en désaccord sur la frontière de leurs espaces maritimes respectifs en mer de Beaufort depuis 1967 – mais les négociations, aussi âpres soient-elles, demeureront néanmoins dans les limites de la bienséance diplomatique. Le 27 avril 2010, la Norvège et la Russie, qui s’opposaient sur leurs limites maritimes depuis la guerre froide, ont annoncé, contre toute attente, avoir trouvé un terrain d’entente pour leur frontière commune en mer de Barents.

Une collaboration réelle entre États arctiques

Par ailleurs, même s’il est vrai que les changements climatiques alimentent les spéculations sur l’intérêt économique des espaces maritimes arctiques, ce ne sont pas ces changements qui ont provoqué le calendrier de dépôt des revendications arctiques, lequel découle des stipulations du droit de la mer. Le Danemark a déposé sa revendication par étapes jusqu’en 2014. Le Canada instruit en ce moment son dossier arctique après avoir procédé à un dépôt partiel, alors que la CLPC tolère un dépassement du délai des dix ans si un dossier partiel lui a été soumis. Si course il y a, ce n’est pas du fait de la fonte des glaces, ni d’une course à l’appropriation, mais d’une course contre la montre et ce délai de dix ans inscrit dans la Convention.

Le droit d’un État à un plateau continental étendu est imprescriptible. Cela signifie que son attribution ne dépend ni du calendrier des revendications éventuellement concurrentes ni d’une quelconque occupation des espaces maritimes revendiqués. Autrement dit, un État qui présente sa revendication après ses voisins ou qui ne déploie pas d’importantes campagnes de prospection minière ou pétrolière ne voit pas sa position affaiblie pour autant (Riddell-Dixon, 2008; Cochrane, 2009; Bartenstein, 2010; Lasserre, 2010).

Contrairement à une idée répandue, les États collaborent activement dans la définition de leurs revendications et la recherche d’éléments géologiques. Depuis 2005, le Canada et le Danemark collaborent, malgré leur petit différend au sujet de l’île Hans, afin de collecter des éléments géologiques appuyant leur thèse au sujet de la dorsale de Lomonossov[5]. Des négociations ont eu lieu en février-mars 2009 entre le Canada et la Russie pour définir et approfondir leur coopération dans l’Arctique (Canada.com, 2009). Le Danemark et la Russie ont collaboré lors de la campagne océanographique danoise de 2007[6]. À l’ouest, le Canada et les États-Unis ont également coopéré depuis 2008 pour optimiser leurs recherches océanographiques (Riddell-Dixon, 2008 ; Cochrane, 2009; Live Science, 2011).

Lors du sommet d’Ilulisat qui s’est tenu au Groenland le 29 mai 2008, les pays côtiers de l’Arctique sont convenus de la nécessité de procéder au tracé des frontières maritimes et se sont engagés, dans le cadre de leur coopération au sein du Conseil de l’Arctique à respecter les principes du droit international de la Convention de 1982 pour la définition et la négociation des limites des plateaux continentaux. Dans chaque pays, la rhétorique sert les intérêts électoraux des gouvernements, mais ces derniers sont bien conscients de l’avantage qu’ils peuvent tirer d’une coopération pour l’exploitation des ressources : peu de compagnies acceptent en effet d’investir dans des zones en litige.

En 2009, l’Islande a déposé de son côté sa revendication auprès de la CLPC, et sa demande a été acceptée en 2016, produisant un triple chevauchement avec la revendication norvégienne (validée en 2006) et la revendication danoise.

Le Danemark a procédé par étapes : en déposant un premier dossier en 2009 pour un plateau continental étendu au nord des îles Féroé, Copenhague arrêtait le compte à rebours en bénéficiant de l’acceptation par la CLPC des dossiers partiels, complétés après les dix ans. En 2014, le Danemark, contrairement à ce que la plupart des observateurs attendaient (Lasserre, 2011), a déposé une revendication fort étendue dans le bassin central de l’océan Arctique. La plupart des analystes estimaient que la revendication russe était fort étendue, même si elle s’arrêtait au pôle Nord. La revendication danoise est nettement plus ambitieuse en ce qu’elle ne considère pas le pôle comme une limite tacite des revendications : elle s’étend loin vers la côte sibérienne de l’autre côté du pôle Nord, le long de la dorsale de Lomonossov, jusqu’à la limite de la ZEE russe.

Le Canada devait déposer sa revendication le 7 décembre 2013. Le 6 décembre, le gouvernement canadien a déposé une demande partielle sur l’Atlantique (Chase, 2013a). Il semble que le gouvernement canadien avait un dossier complet prêt à être soumis pour la région arctique dès 2013, et que ce soit une décision politique du premier ministre Stephen Harper qui a conduit le gouvernement à surseoir au dépôt de sa revendication en Arctique. La raison invoquée fréquemment par les médias, et confirmée à demi-mot par le gouvernement, est d’étendre la revendication d’un plateau continental étendu jusqu’au pôle Nord (Chase, 2013b). C’est chose faite depuis mai 2019, avec le dépôt d’une revendication canadienne d’un plateau continental étendu qui englobe le pôle Nord, dont la valeur stratégique est pourtant des plus réduites.

Les États riverains de l’Arctique sont de fait rendus à des étapes différentes de leurs revendications (Tableau 1). La revendication de la Russie était la première à avoir été rendue publique. Elle a suscité de nombreuses réaction du fait qu’elle revendiquait la dorsale de Lomonossov jusqu’au pôle Nord. Or, tant le Canada que le Danemark ont dévoilé des revendications nettement plus étendues, dépassant le pôle Nord pour se rendre jusqu’à la limite de la ZEE russe dans le cas danois (Figure 3). La nouvelle revendication russe déposée en 2015 est très semblable à celle de 2001 et ne dépasse pas le pôle, alors même que l’on craignait une réaction russe suite au dépôt de la revendication danoise en 2014 (IBRU 2014) ; or il est beaucoup plus souvent fait état, dans les médias, de la position russe jugée très ambitieuse, alors que la revendication danoise est bien plus étendue.

Cinq États sur six ont déposé leur revendication, Norvège (2006), Russie (2001, 2015), Islande (2009) et Danemark (2012-2014), et celle du Canada qui a été déposée en mai 2019. La revendication étatsunienne ne peut être déposée officiellement tant que le Congrès n’aura pas ratifié la Convention sur le droit de la mer. Il doit être souligné qu’à l’exception de la revendication russe de 2001, critiquée par la Norvège, le Canada, le Danemark, le Japon et les États-Unis (Groves 2012), aucun État n’a émis d’objection aux revendication des autres pays riverains (IBRU 2014; McDorman and Schofield 2015; Schönfeldt 2017; Brekke 2020; Skaridov 2020), et ce malgré l’ampleur des chevauchements, ce qui atteste de l’esprit de coopération entre États de la région, malgré les différends, coopération déjà manifeste à travers les campagnes océanographiques conjointes.

Figure 3. Revendications sur des plateaux continentaux étendus et frontières maritimes en Arctique.

Source : F. Lasserre, compilation des revendications officielles ou des projets de revendication d’après Nations Unies, Submissions to the CLCS, https://www.un.org/Depts/los/clcs_new/commission_submissions.htm

Figure 4. Configuration des fonds marins arctiques.

Source : https://geology.com/articles/arctic-ocean-features/

Contrairement à une idée reçue, de nombreuses frontières maritimes ont été tracées et mutuellement agréées entre États, entre Canada et Danemark (1973), Islande et Norvège (1981), États-Unis et URSS/Russie (1990), Norvège et Danemark (1993 et 2006), Islande et Danemark (1997, 2009 puis 2014), et surtout, entre Russie et Norvège en 2010 en mer de Barents, puis entre Danemark, Islande et Norvège en 2019. On est loin de l’état de vive tension que certains analystes et médias dépeignent dans la région.

Certes, les revendications plus récentes de l’Islande (2009), du Danemark (2012-2014) et du Canada (2019) ont induit des chevauchements importants, Norvège-Danemark-Islande en mer de Norvège (aujourd’hui réglé); Danemark-Canada en mer du Labrador ; Danemark-Russie-Canada au cœur du bassin arctique, donnant l’image d’un imbroglio de revendications chevauchées portant sur tout ou partie de la dorsale de Lomonossov. Dès novembre 2019, un accord tripartite a mis fin au différend islando-dano-norvégien, permettant le partage de la zone de chevauchement en mer de Norvège. Il reste à voir si la CLPC acceptera l’étendue des prétentions russes, danoises et canadiennes dans la région de la dorsale de Lomonossov. Quand bien même cela serait le cas, et que les États se retrouvent dans l’obligation de négocier les limites de leurs zones respectives, on a vu que cela est possible au vu des précédents (notamment avec le traité russo-norvégien de 2010, l’accord de novembre 2019) et au vu de la coopération arctique qui prévaut jusqu’à présent.

Tout dépend en réalité de l’interprétation que les experts de la CLPC donneront des éléments scientifiques fournis par le Canada, la Russie et le Danemark. Plusieurs scénarios sont possibles, tant les connaissances géomorphologiques sont encore partielles :

  • La dorsale de Lomonossov relève du plateau continental eurasien, et en ce cas seule la revendication russe est légitime ;
  • La dorsale de Lomonossov est rattachée au plateau continental nord-américain, et alors les revendications danoise et canadienne sont légitimes, à charge pour eux de départager leurs espaces maritimes. Le pôle Nord se trouvant sur le versant européen de la dorsale, il est peu probable que le Canada puisse conserver l’atelier du Père Noël dans son espace maritime.
  • La dorsale de Lomonossov est distincte des plateaux continentaux et ne peut donc être revendiquée : en ce cas, les trois revendications sont nulles sur cette dorsale.
  • La dorsale de Lomonossov est un morceau de croûte continentale qui peut être rattachée tant aux continents eurasien que nord-américain : auquel cas, les trois revendications seraient légitimes, à charge ensuite pour les trois États de se départager l’espace maritime en jeu et de définir des frontières maritimes. La CLPC n’a pas ce mandat.

Conclusion

Les médias se sont largement fait l’écho d’une prétendue course à l’appropriation des fonds marins arctiques, selon une logique de premier arrivé, premier servi. Or, il n’en est rien. Tout d’abord, si hâte il y a, c’est parce que les États sont confrontés à une contrainte temporelle : dix ans maximum pour soumettre leur revendication auprès de la CLPC après la ratification. Ensuite, il est peu vraisemblable, d’après les connaissances géologiques actuelles, de trouver d’importants gisements dans ces espaces maritimes – c’est le principe de précaution qui motive les États ici : pourquoi se priver d’espaces maritimes auxquels on a droit ? Jusqu’à présent, les États arctiques ont largement coopéré et négocié nombre de limites maritimes. Certes, il faudra négocier les limites des espaces maritimes au cœur du bassin de l’océan Arctique, mais les précédents soulignent que c’est là chose possible, en attestent les nombreuses frontières maritimes négociées depuis 1973, notamment entre États-Unis et URSS, Russie et Norvège, Norvège, Islande et Danemark.

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[1] A la réserve près du délai maximum de 10 ans après la date de ratification de la Convention.

[2] Cette estimation ne tenait que partiellement compte à l’époque des gisements de pétrole non conventionnels à découvrir. Il n’y a pas eu d’autres estimations.

[3] Le rapport du USGS de 2008, qui évalue des réserves estimées et non pas prouvées, parle de 13% des réserves de pétrole à découvrir et de 30% des réserves de gaz à découvrir (un point important à ne pas oublier). Cela représente environ 90 milliards de barils de pétrole et 47 251 milliards m3 de gaz, soit environ 5,2% des réserves mondiales de pétrole et 24% des réserves mondiales de gaz prouvées en 2018. United States Geological Survey (2008), Circum-Arctic Resource Appraisal: Estimates of Undiscovered Oil and Gas North of the Arctic Circle. Washington, DC.

[4] Il existe une controverse quant à l’appartenance de l’Islande à la catégorie d’État riverain de l’océan Arctique, plusieurs États considérant qu’elle se trouve en réalité dans l’Atlantique nord. C’est la raison pour laquelle elle n’a pas signé la déclaration d’Ilulissat de 2008 sur l’application du droit de la mer sur l’océan Arctique, n’ayant pas été invitée à le faire. Déclaration d’Ilulissat, https://arcticportal.org/images/stories/pdf/Ilulissat-declaration.pdf, 2008.

[5]. Dans le cadre du programme LORITA (Lomonossov Ridge Test of Appurtenance) ; Continental Shelf Project, ministère de la Science, Technologie et Innovation, Copenhague (https://a76.dk/greenland_uk/north_uk/gr_n_expeditions_uk/lorita-1_uk/index.html) (consulté le 2 juin 2020).

[6] LOMROG 2007 cruise north of Greenland, Denmark Continental Shelf Project, http://a76.dk/greenland_uk/north_uk/gr_n_expeditions_uk/lomrog_2007_uk/index.html

[1].  Arctique : l’autre guerre froide, Courrier international, 935 (2-8 octobre 2008), p. 10-15 ; Dominique Kopp,  Début de guerre froide sur la banquise, Le Monde diplomatique, septembre 2007, p. 4-5, Duncan Bartlett,  Arctic Host to a New “Cold War”, BBC News, 19 mai 2008, http://news.bbc.co.uk/2/hi/business/7408896.stm; National Geographic, Scenes from the new Cold War unfolding at the top of the world. Militaries are scrambling to control the melting Arctic, octobre 2018, https://www.nationalgeographic.com/environment/2018/10/new-cold-war-brews-as-arctic-ice-melts/.

[2]. Les droits souverains dans les ZEE concernent la colonne d’eau mais aussi les ressources du sous-sol marin (art. 56 de la Convention des Nations unies sur le droit de la mer).