Cattaruzza, Amaël (2019). Géopolitique des données numériques. Pouvoir et conflits à l’heure du Big Data. Paris : Le Cavalier bleu

Recension

Regards géopolitiques 7(4)

Cattaruzza, Amaël (2019). Géopolitique des données numériques. Pouvoir et conflits à l’heure du Big Data. Paris : Le Cavalier bleu, Coll. Géopolitique.

Amaël Cattaruzza, professeur à l’Institut français de Géopolitique (IFG) de l’Université Paris 8 et chercheur au sein de l’unité de recherche Geode (Géopolitique de la datasphère), a publié Géopolitique des données numériques. Pouvoir et conflits à l’heure du Big Data. L’auteur entreprend, dans cet ouvrage, une réflexion sur les dimensions géographiques du monde virtuel, internet, datasphère et données numériques, pour proposer au lecteur de mieux en saisir la dimension géopolitique. Aborder les dimensions géographiques et géopolitiques, donc portant sur des enjeux politiques portant sur des territoires, ne va pas de soi pour le monde numérique, souvent perçu comme désincarné, non spatialisé. Cet angle d’analyse ne va pas de soi, précisément parce que la datasphère est l’univers de données immatérielles : où trouver dès lors des enjeux de pouvoir sur des territoires ?  Enjeu stratégique intéressant les entreprises et les États, le cyberespace est assurément devenu un enjeu politique, mais la nature géopolitique de ces enjeux immatériels pouvait paraitre discutable. Cette réflexion prend cependant toute sa pertinence face au poids croissant du virtuel dans notre quotidien. En effet, au cours des dernières décennies, la production de données numériques a connu une croissance sans précédent, transformant les relations entre États, mais aussi entre ceux-ci et grandes entreprises privées (GAFAM) et autres acteurs (hackers, cybercriminels, etc.). Ces dynamiques conduisent à s’interroger sur les nouvelles formes de rivalités territoriales dans ce contexte ouvert et en réseau où la localisation physique des données peut ne pas correspondre à leur localisation logique ou juridique. Or, le traitement de ces masses de données disparates nécessite aujourd’hui l’utilisation de nouveaux outils (Big Data, intelligence artificielle) qui sont devenus des instruments de pouvoir sur la scène internationale.

L’ouvrage se structure en trois parties : la première, « de quoi les données sont-elles le nom », cherche à vulgariser le concept de donnée numérique tout en présentant le concept sous ses multiples facettes, y compris dans ses dimensions spatiales. La deuxième partie aborde le mode de territorialisation des données, autrement dit, la relation entre le domaine virtuel et un ancrage spatial que l’auteur analyse avec soin.  La troisième section aborde plus directement la question de la dimension géopolitique, non pas au sens réducteur des relations politiques entre États, mais avec une analyse fine soulignant en quoi le monde virtuel demeure lié aux territoires et donc également l’objet de rivalités portant sur ceux-ci.

Les données numériques : de quoi parle-t-on ?

La première partie précise les concepts : que sont les données numériques, sujet central du livre ? Avec les technologies numériques, qui ont radicalement bouleversé le monde du travail et la vie quotidienne depuis 30 ans, la production de données n’a cessé de croître de manière exponentielle. Cette évolution rapide est à l’origine de ce que l’auteur appelle la datafication, néologisme apparu vers 2013 et référant à l’importance croissante des données dans l’économie mais aussi le quotidien des populations, informations sur tout, que tous nous produisons et échangeons, parfois sans le savoir, à commencer par des données sur nos habitudes de vie, de consommation et sur nos opinions. Ces données qui se multiplient, se collectent et circulent revêtent une importance croissante en termes économiques (qui cibler pour vendre? Où fermer/ouvrir un point de vente ou de fabrication ?), ou de sécurité et de liberté (surveillance face au risque terroriste mais aussi aux opinions des citoyens). Cette datafication croissante de la société revêt ainsi des dimensions éminemment politiques, sociales et géographiques, car à travers leur analyse, les pouvoirs publics ou les agents économiques peuvent choisir où agir, à l’endroit de quel groupe ou pour développer ou, au contraire, se retirer de tel ou tel territoire : dès lors qu’on parle d’enjeu de pouvoir se déployant dans des territoires, on touche à des dimensions géopolitiques. En soulignant que la donnée est avant tout un construit sociopolitique, et que de fait elle associée à un ensemble de décisions techniques, commerciales et politiques, voire idéologiques.

Les données numériques, ancrées dans le territoire

Après avoir souligné les dimensions politiques, sociales et spatiales des données numériques et leurs liens indirects avec l’aménagement et la gouvernance spatiale, l’auteur aborde plus directement dans la deuxième partie de l’ouvrage la question de base abordée dans cet ouvrage : peut-on penser l’espace virtuel en des termes géopolitiques, autrement dit, selon le prisme de l’analyse des enjeux de pouvoir portant sur des territoires ? La réponse ne va pas de soi, puisque, précisément, les données, l’internet sont immatériels et ne correspondent pas à un quelconque territoire, ainsi que l’on répété nombre de promoteurs du monde virtuel : immatérielles, les données et le réseau internet seraient ainsi affranchis de toute contingence territoriale et politique. Il n’en est rien en réalité, ce que l’auteur explique de manière convaincante. S’il convient que la territorialisation des données numériques recouvre quelques paradoxes liés à leur apparente immatérialité, il précise que de nombreux lieux ne pourraient plus prétendre aux mêmes dynamiques territoriales aujourd’hui sans cette présence numérique, reprenant ici la thèse d’autres auteurs, notamment celles de Kitchin et Dodge sur le code/espace : « le code/espace se produit lorsque les logiciels et la spatialité de la vie quotidienne se forment mutuellement, c’est-à-dire se produisent l’un l’autre ».

Surtout, l’analyse de la réalité du monde virtuel en couches successives permet de comprendre l’importance stratégique de la territorialisation des données. « Il n’y a pas de cyberespace sans une couche physique à laquelle s’ajoutent une couche logique (applicative/logicielle) puis une couche sémantique qui met en forme de manière intelligible le langage binaire. » explique ainsi Amaël Cattaruzza, reprenant une typologie déjà développée par Frédérick Douzet. Ainsi, l’implantation du hardware, du matériel, agit directement comme un révélateur des logiques d’influence. A titre d’exemple, les serveurs hôtes et les câbles internet permettent une domination des États-Unis dans le jeu géopolitique du cyberespace, car la plupart des câbles conduisent à des serveurs localisés sur leur territoire. « A l’inverse, l’Afrique subsaharienne montre une grande dépendance vis-à-vis de l’extérieur pour accéder aux données numériques et donc une dépendance politique. » ajoute l’auteur. La localisation des câbles, des relais, des serveurs joue donc un rôle majeur dans la géopolitique de l’internet en ancrant celui-ci dans l’espace géographique : contrôler ces éléments matériels cristallise dès lors des logiques géopolitiques. Chaque pays tente d’accroître son autonomie en infrastructures afin de réduire la dépendance aux États-Unis. La Russie est ainsi parvenue, dès la fin des années 2000, grâce à une politique délibérée d’affirmation d’une logique de souveraineté sur l’internet russe, à développer de gigantesques projets de centres de données en Sibérie à Irkoutsk, à Novossibirsk, à Angarsk ou encore à Krasnoyarsk (Estecahandy et Limonier, 2020). La communication entre réseaux numériques passe aussi par le déploiement de fibres optiques et donne lieu à des rivalités entre États portant sur la pose et le contrôle des câbles de transmission des données. La Sibérie est une région stratégique pour tenter d’étendre les infrastructures numériques russes aux pays voisins comme autant de relais de puissance. « Depuis l’affaire Snowden en 2013, on sait que le transit des données est un enjeu stratégique et dont le contrôle de l’infrastructure permet soit de protéger ses données et d’y accéder en toute sécurité, soit d’espionner l’adversaire » explique Amaël Cattaruzza.

A la territorialisation de la couche physique s’ajoute une territorialisation de la couche sémantique. « Les routeurs et algorithmes de routages tels que TCP/IP, initialement pensés comme des outils purement techniques pour optimiser le flux des données, sont progressivement devenus des outils politiques. » Constatant le passage très fréquent des données mondiales par des infrastructures présentes sur le territoire américain, il y a aujourd’hui des initiatives visant à territorialiser le flux des données, donc à orienter, contrôler les flux de données pour qu’elles passent par tel ou tel serveur, localisé dans tel ou tel État. Ainsi, « la Chine parvient à capter l’essentiel des données de ses utilisateurs. Cela résulte de la politique volontariste du gouvernement chinois de favoriser l’émergence de ses propres champions du numérique dont Baidu, Alibaba et Weibo ». Cette territorialisation se traduit également en droit par le biais des lois portant sur la « datalocalisation », soit le stockage des données. « La Russie a par exemple fait voter une loi en 2014 qui impose aux entreprises, traitant des données liées aux citoyens russes, de stocker leurs données exclusivement sur le territoire russe. Pour la Russie, la donnée qui concerne le citoyen russe doit rester sur le territoire russe » précise Amaël Cattaruzza.

Ainsi, si le cyberespace renvoie souvent à l’idée d’un réseau global désincarné, archétype de ce qu’on a trop rapidement qualifié de la fin des territoires (Lasserre, 2000), et qui se jouerait des frontières politiques, l’auteur explique que ces frontières marquent malgré tout cet espace au « niveau physique, légal ou même stratégique ». Les États cherchent à contrôler ce cyberespace, à y faire prévaloir leur souveraineté et à le maitriser pour des raisons de sécurité, d’où le désir de certains États de faire appliquer leurs outils juridiques à l’étranger, appelé extraterritorialisation du droit. L’auteur cite notamment le Cloud Act[1] adopté par le Congrès américain en 2018, et qui permet aux services de la justice américaine d’obliger les entreprises technologiques basées aux États-Unis de fournir les données stockées sur leurs serveurs, que les données soient stockées aux États-Unis ou en territoire étranger. Les données numériques altèrent radicalement certes la dynamique géopolitique du monde où de nouveaux acteurs (GAFAM, Russie, Chine, Brésil) contribuent à remettre en cause la prééminence des États-Unis ; mais elles ne supposent pas l’affranchissement total de l’ancrage spatial de ces dynamiques géopolitiques.

Les données numériques : nouvelle aubaine commerciale au cœur d’une redistribution des pouvoirs

Enfin, la 3e partie du livre aborde plusieurs exemples de conflits de pouvoir autour du contrôle des données : enjeux commerciaux, de structuration de la relation de chacun au territoire avec le développement de la codification de nombreux gestes que nous posons tous les jours, datafication des voyages et du passage de la frontière, surveillance… les applications des données numériques sont multiples et se développent rapidement. Ce constat souligne à quel point leur contrôle revêt des implications économiques, politiques et surtout éthiques.

Conclusion

L’auteur tient sa promesse de réfléchir sur la forme que pourrait prendre une géopolitique de la donnée dans le contexte particulier du Big Data. Si de prime abord, il n’est pas aisé de comprendre pourquoi il est légitime de parler de logiques de pouvoir, de logiques conflictuelles et géopolitiques à propos du cyberespace, l’exposé permet au lecteur de comprendre qu’il s’agit du pouvoir portant sur une dimension abstraite, la topologie du réseau de circulation des données, espace en partie virtuel mais pas déconnecté de l’espace réel. Ce sont cet espace physique et cet espace topologique partagé et disputé par des acteurs traditionnels (États) et nouveaux (GAFAM) qui fait l’objet d’enjeux de pouvoir. Sans négliger l’apport des données numériques dans l’étude de nos sociétés, l’auteur met en garde face au déterminisme technologique. Il rappelle que la donnée est le reflet d’un environnement politico-socio-spatial et que seule et sans traitement, la donnée brute n’a aucune valeur. Elle n’a de sens qu’aux yeux d’acteurs qui la valorisent pour ses aspects politiques, de contrôle, ou commercial. Ainsi, Amaël Cattaruzza propose ici un livre utile et didactique pour montrer la pertinente prise en compte de l’étude des données numériques en tant qu’enjeu géopolitique majeur actuel et à venir.


[1]  United States Clarifying Lawful Overseas Use of Data Act, 2018, https://www.govinfo.gov/content/pkg/BILLS-115hr1625enr/html/BILLS-115hr1625enr.htm

Frédéric Lasserre

Référence

Estecahandy, H. & Limonier, K. (2020). Cryptomonnaies et puissance de calcul: la Sibérie orientale, nouveau territoire stratégique pour la Russie? Hérodote, n°177-178, 253-266.

Lasserre, Frédéric. (2000). Internet : la fin de la géographie ? Logistique, internet et gestion de l’espace. Cybergéo, Revue européenne de géographie (Paris), n°141, https://journals.openedition.org/cybergeo/4467.

Comment peut-on parler d’une géopolitique du cyberespace?

Frédéric Lasserre

Frédéric Lasserre est directeur du Conseil québécois d’Études géopolitiques.

Frederic.lasserre@ggr.ulaval.ca

Regards géopolitiques, 7(4)

Résumé : de nombreuses études ont été publiées depuis le tournant du siècle sur l’internet, le cyberespace et l’ensembles des données numériques qui y circulent et composent la datasphère. L’idée d’une géopolitique du cyberespace s’est ainsi faite jour. Mais, si ces enjeux intéressent un nombre croissant d’acteurs politiques et commerciaux, notamment les États, peut-on parler pour autant de géopolitique ? Cette question théorique parait pertinente puisque le cyberespace relève a priori de réalité non territoriales, alors que la géopolitique s’intéresse aux enjeux de pouvoir qui portent sur des territoires. Une analyse de recherches disponibles dans la littérature permet de souligner en quoi le concept d’analyse géopolitique est bel et bien pertinent pour étudier le cyberespace.

Mots-clés : cyberespace, datasphère, internet, géopolitique.

Summary : several studies have been published since the turn of the century about the internet, cyberspace and the digital datasets that make up the datasphere. The idea of a geopolitics of cyberspace thus emerged. But, if these issues are of interest to a growing number of political and commercial players, particularly states, is it relevant to mobilize the concept of geopolitics? This theoretical question seems relevant since cyberspace appears to be non-territorialized, while geopolitics is interested in power issues that relate to territories. An analysis of research available in the literature highlights how the concept of geopolitical analysis is indeed relevant to the study of cyberspace.

Keywords : cyberspace, datasphere, internet, geopolitics, political geography.


En l’espace de quelques années de la fin du xxe siècle à nos jours, l’internet, les technologies de l’information et les données numériques ont bouleversé le fonctionnement du monde, qu’il s’agisse du quotidien, des habitudes de consommation, de l’organisation de l’économie et des services publics, et des activités de surveillance. Le développement exponentiel de l’internet a engendré autant de défis que de promesses : une prolifération des conflits liés à son contrôle et sa à régulation, avec un intérêt majeur des États, en particulier non démocratiques, qui y voient un outil de surveillance et de contrôle des populations; des inquiétudes quant à l’usage potentiel des réseaux dans les conflits politiques ou militaires, les rivalités économiques, le renseignement ou la diplomatie d’influence. Les problématiques de cybersécurité sont au cœur des agendas diplomatiques et des préoccupations des entreprises (Nocetti, 2018), renvoyant au souci de préserver le territoire national de toute vulnérabilité quant à la sécurité de la circulation et du stockage des données numériques.

Accréditant l’idée de l’avènement d’un monde virtuel radicalement différent, le développement d’une nouvelle économie, incarnée par l’essor de l’internet, marquerait la disparition progressive de l’importance de l’espace et de la géographie. Les distances seraient abolies, les marchés désormais à un clic de distance. Le commerce électronique et l’avènement des systèmes électroniques intégrés de gestion seraient les canaux par lesquels les entreprises s’affranchiraient de l’espace, désormais caducs, pensait-on, puisque la valeur ajoutée économique s’incarnerait de plus en plus dans des services en ligne désincarnés et accessibles de partout (Lasserre, 2000). « Le commerce électronique libère chaque entreprise de ses chaînes géographiques. Plus jamais la géographie ne limitera-t-elle les aspirations d’une société ou l’ampleur de son marché. Que vous soyez en Albanie ou en Zambie, Amazon.com est à un clic de distance », pouvait-on lire en décembre 1998 dans Fortune Magazine[1].

Le cyberespace a même constitué une plate-forme inespérée pour de nombreux aspirants monarques virtuels, régnant sur des territoires immatériels mais objets de rivalités politiques tout aussi enflammées (Lasserre, 2000b, 2012). En 1996, la « déclaration d’indépendance du cyberespace », du poète John Perry Barlow, était emblématique de cet esprit d’émancipation des pouvoirs terrestres et des contingences matérielles, qui animait les premiers acteurs du web (Cattaruzza, 2019).

Des recherches se sont déjà penchées sur la géographie de l’internet et des données numériques. Dès 1997, Frédérick Douzet publiait une réflexion sur les enjeux géopolitiques du cyberespace (Douzet, 1997). Une abondante littérature s’est depuis développée sur les enjeux politiques et géopolitiques du cyberespace, mais la plupart d’entre eux traitent en réalités d’enjeux – bien réels et pertinents – de sécurité internet, de politique intérieure – comment contrôler ou garantir cette sécurité – ou internationale – comment les États en viennent à développer des rivalités à ces fins. Si cet espace virtuel de la datasphère ne semble pas si désincarné, si détaché des réalités matérielles et donc ancrées dans l’espace, que l’imaginaient certains observateurs, et s’il est l’objet de rivalités de pouvoir, cela suffit-il pour légitimer l’idée d’une géopolitique de l’internet ? En effet, pour intéresser les géographes, les données numériques et les échanges entre serveurs n’en demeurent pas moins immatériels : comment justifier alors, pour étudier les enjeux du cyberespace, l’idée d’une analyse de rivalités de pouvoir, certes, mais portant sur des territoires, puisque telle est la définition de la géopolitique ? On propose ici une revue de littérature portant sur la géopolitique du cyberespace, afin de souligner en quoi la mobilisation du concept de géopolitique peut en effet être pertinent.

La géopolitique se réduit-elle à des rivalités de pouvoir?

Il existe de nombreuses définitions de la géopolitique, selon les périodes de l’évolution de ce concept et selon les écoles de pensées (Lasserre et al, 2020). Puisque s’intéressant aux dimensions spatiales des enjeux de pouvoir, en évitant le piège du déterminisme, s’est peu à peu imposée celle d’Yves Lacoste, pour qui la géopolitique est l’analyse des rivalités de pouvoir sur des territoires.

De fait, il est souvent question, au sujet de la géopolitique du cyberespace, d’enjeux stratégiques, de sécurité, de surveillance, d’espionnage, de pérennité du fonctionnement d’un réseau de plus en plus fondamental pour la plupart des sphères d’activité de la société. Ces enjeux stratégiques ou économiques recouvrent tout à la fois la protection de l’intégrité des données et des réseaux contre des cyberattaques souvent ciblées (Cattaruzza, 2019; Douzet et Géry, 2020), mais aussi la promotion de champions industriels capables de fournir des services ou du matériel nécessaire au fonctionnement des réseaux et d’acquérir des parts de marché. Il y a là des enjeux de souveraineté et de protection contre les ingérences étrangères qui transparaissent par exemple dans la controverse entourant l’octroi de contrats de fourniture de services 5G au géant chinois des télécommunication Huawei, ou dans les efforts déployés par les acteurs russes du cyberespace pour développer leur influence sur l’internet européen (Audinet et Limonier, 2017).  Les enjeux stratégiques liés au monde du virtuel et des données suscitent ainsi des conflits, des rivalités de pouvoir entre États du fait de ces enjeux de sécurité nationale (Douzet, 1997; Desforges, 2014; Miailhe, 2018). Un nombre croissant d’États développent ainsi des politiques explicites visant à protéger leur espace national virtuel, voire ce qu’ils considèrent comme leur souveraineté sur leur domaine, notamment la Russie (Bertran, 2019) et la Chine, tandis que le cyberespace devient également un objet de diffusion d’idées, de contenus, à valeur politique, d’influence (soft power) ou commerciale. Ainsi, des travaux ont illustré récemment la propagation active des contenus russes et chinois sur l’internet africain (Douzet et al, 2020).

Mais, pour importants qu’ils soient, ces enjeux de pouvoir ne sont pas directement ancrés dans le territoire, pas plus que des enjeux de propriété intellectuelle, ou de négociation commerciale, d’harmonisation fiscale, de normes industrielles, de circulation des capitaux ou en matière d’investissements (Carroué, 2015). Certes, par la suite ces accords pourront avoir des retombées sur la localisation des activités économiques ou financières, et donc sur la géoéconomie des États signataires et si les géographies du commerce, des places financières ou des normes ont un impact sur les rivalités géopolitiques que peuvent nourrir les États. Une rivalité stratégique n’équivaut pas automatiquement à une dimension géopolitique, sauf à prendre une acception particulière de la géopolitique, proche de son sens anglo-saxon de power politics et alors peu différente d’une analyse de relations internationales (Lasserre et al, 2020).  Ce n’est donc pas sur cette voie qu’il faut explorer la pertinence d’une analyse géopolitique du cyberespace : mettre l’accent sur sa dimension stratégique et de rivalités entre États renvoie davantage au concept de politique de l’espace numérique (Taillat et al, 2018) qu’à celui de géopolitique.

L’aspect métaphorique du cyberespace.

Dans la littérature, on observe que le domaine du virtuel, au-delà de ses aspects strictement matériels (équipements informatiques), est souvent décrit en termes métaphoriques d’espace – d’où l’expression de cyberespace, terme dont la définition, au reste, ne trouve pas de consensus (Desforges, 2014; Douzet et Desforges, 2018). On peut contrôler l’accès à cet espace, régir le transit des données; il faut se prémunir d’attaques, maintenir l’intégrité de cet espace, et préserver la souveraineté de l’État sur ce qui est de plus en plus implicitement décrit, dans les discours, comme une extension du territoire de l’État et dans lequel, de manière virtuelle, s’incarnent des rivalités de pouvoir pour des territoires virtuels et les identités qui y sont associées (Limonier, 2014), donc relevant d’une analyse géopolitique. Transposer ainsi l’analyse géopolitique à un domaine virtuel que l’on compare métaphoriquement à un territoire peut avoir une certaine valeur pédagogique ou heuristique, mais il faut souligner qu’il s’agit alors d’une analyse géopolitique symbolique, dont la pertinence repose en partie sur le poids des images, des discours (le cyberespace comme territoire) et un certain effet de mode. Le commerce international représente lui aussi des enjeux stratégiques ; repose sur la gouvernance de marchés et la circulation de biens et de services; mobilise les gouvernements qui souhaitent défendre leur économie au nom de la souveraineté nationale. Pour autant, cette sphère d’activité économique ne semble pas susciter autant la mobilisation du concept de géopolitique que le cyberespace.

La dimension géographique du cyberespace implique-t-elle nécessairement des enjeux politiques ?

Plusieurs recherches, depuis une vingtaine d’années, soulignent le lien entre monde virtuel du cyberespace et géographie. Ainsi cet univers ne serait pas si détaché d’un ancrage spatial et d’impacts sur l’espace ou de déclinaison variable selon les territoires, ne serait-ce que du fait que le monde virtuel n’existe pas sans ordinateurs, serveurs, routeurs, câbles et antennes relais, lesquelles sont bien matérielles et physiquement installées ici et non pas là; on le verra par la suite. De plus, l’internet et la croissance du marché de la donnée modulent cet espace et transforment notre rapport avec celui-ci. Dans un mouvement complexe, l’internet permet de relocaliser des activités (télétravail); de cibler la couverture du territoire par le réseau ou l’offre de service commerciaux dans des zones identifiées selon une analyse détaillées des pratiques des consommateurs, favorisant ou négligeant tel ou tel territoire ; de mieux surveiller les activités de tel ou tel groupe de citoyens… (Batty, 1997 ; Kitchin, 1998; Lasserre, 2000; Kellerman and Thomas, 2002; Kellerman, 2016; Ferreira & Vale, 2021). Il n’y a donc pas a priori d’effet univoque de l’internet sur la territorialité, la relation entre le territoire et les populations, mais cet effet semble bien réel et multiformes.

Ainsi, plusieurs travaux soulignent la dépendance d’un nombre croissant d’activités à la circulation des données. Les territoires sont ainsi de plus en plus contraints, encadrés par l’accès au réseau numérique. Le réseau routier urbain, contrôlé par des feux de circulation, risque la paralysie si le bon fonctionnement de ceux-ci est affecté par un dysfonctionnement du réseau, d’ordre technique ou lié au piratage. (Kitchin et Dodge, 2014; Cattaruzza, 2019). La logistique commerciale et industrielle repose aujourd’hui entièrement sur les logiciels et l’interconnexion d’ordinateurs à travers les réseaux : bloquer l’accès d’une entreprise à l’internet paralyse ses activités (Lasserre, 2000; Desai et Joshi, 2011) et cela pose aussi la question de la neutralité de l’internet. Les PME et les travailleurs dans les régions périphériques voient ainsi leurs activités lourdement affectées lorsque la qualité de la connexion n’est pas bonne, contribuant à la précarité économique dont souffrent ces territoires, et de fait à la colère parfois des populations concernées.

Ainsi, le cyberespace tisse-t-il une trame superposée aux territoires et en affecte le fonctionnement. Cette imbrication des réseaux de données et des territoires, ici encore, n’est pas productrice d’enjeux géopolitiques en soi. Ce sont les conséquences de la géographie de cette imbrication qui peuvent en être porteuses, lorsque la colère de populations monte en réaction au déclin économique de leur région (voir la colère des gilets jaunes face à la précarisation économique des périphéries urbaines), lorsque des territoires voient leur desserte négligée, lorsque les informations et les données privilégient un ou des États au détriment d’autres, orientant ainsi leurs relations, comme on le voit dans la pénétration des contenus russes et chinois sur le web africain francophone (Douzet et al, 2020).

L’internet, un réseau ancré dans les territoires et dans une forme de spatialité

Outre ces enjeux géopolitiques qui peuvent découler de l’empreinte qu’imprime le cyberespace sur les territoires, c’est surtout de l’organisation matérielle et de la structure de fonctionnement de la datasphère que découlent les principaux enjeux géopolitiques la qui l’affectent.

Pour le comprendre, il faut revenir sur le fonctionnement même du cyberespace. Si les données sont immatérielles et circulent, il serait faux de croire, d’une part, que le cyberespace se limite à ces données et que l’internet constitue un réseau homogène et désincarné. Ce réseau mondial peut être appréhendé en évoquant une structure en couches successives. Une analyse crédible évoque quatre couches, dont la première est constituée de l’infrastructure physique, câbles, relais radio, satellites, ordinateurs et serveurs. Il s’agit donc d’installations matérielles, localisées. La seconde couche est l’infrastructure logique, qui comprend tous les services permettant de transmettre les données de l’expéditeur au destinataire. Ces services sont le nommage (noms identifiant les éléments ou les utilisateurs du réseau), l’adressage (transformant des adresses sous forme de chiffres en des mots intelligibles pour les utilisateurs) et le routage, soit le choix de la route entre ordinateurs et serveurs par laquelle voyagent les paquets de données (Douzet, 2014). La troisième couche rassemble les applications ou programmes informatiques qui permettent l’utilisation de l’internet, et la quatrième celle de l’information, un construit social (ce qui se diffuse, ce qui est recherché reflète des choix, des représentations), et des utilisateurs qui s’échangent des informations.

Ce réseau mondial rassemble plus de 50 000 sous-réseaux distincts, ou systèmes autonomes (autonomous systems dans la littérature, ou AS), reliés entre eux par plus de 500 000 points de transferts et selon deux protocoles appelés TCP (Transmission Control Protocol) et IP (internet protocol). Entre réseaux AS, ce sont ces deux protocoles qui assurent le fonctionnement à l’échelle globale du cyberespace grâce à l’adoption de cette norme mondiale, tandis que chaque AS peut choisir un mode opératoire qui lui est propre (Cattaruzza et Buisson, 2018).

C’est de cette architecture propre au cyberespace que découlent deux dimensions géopolitiques majeures.

Tout d’abord, on l’a vu, le cyberespace n’existe pas sans un réseau physique qui permet le fonctionnement des ordinateurs, réseau qui s’appuie sur des installations matérielles localisées ici et non pas là, qui passent par telle route et non pas telle autre dans le cas des câbles, et qui peut se doubler de projets concurrents. Des stratégies de mise en œuvre de serveurs puissants sur le territoire des États ont émergé, afin de mieux contrôler les données et se prémunir tout à la fois des cyberattaques et des choix des entreprises géantes du web, les GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft), dans une logique de centralisation du traitement et de l’archivage des données qui se pose en contradiction manifeste avec la vision de plus en plus erronée d’un internet immatériel et débarrassé des contingences politiques et géographiques (Cattaruzza, 2019). La Russie est ainsi parvenue, dès la fin des années 2000, grâce à une politique délibérée d’affirmation d’une logique de souveraineté sur l’internet russe, à développer de gigantesques projets de centres de données en Sibérie à Irkoutsk, à Novossibirsk, à Angarsk ou encore à Krasnoyarsk (Limonier, 2014; Estecahandy et Limonier, 2020). Le concept de souveraineté numérique, évoqué ci-dessus, peut être analysé comme une démarche aboutissant à une territorialisation du cyberespace, et qui implique la construction d’équipements et la mise en place de règles de gouvernance du réseau qui ont un ancrage spatial (Douzet, 2020).

Des rivalités pour le développement de câbles de forte capacité se sont également développées, permettant de relier tel pays à tel autre et se créer ainsi des clients, mais aussi se prémunir de la vulnérabilité que suppose la possible rupture de ces câbles[2] (Morel, 2016) et de l’interférence possible des États-Unis, par le territoire desquels passent environ 97% du transit des télécommunications et des données internet entre Europe et Asie par exemple (Morel, 2017). Plusieurs initiatives ont ainsi émergé pour s’affranchir de la prééminence américaine en matière de transit des données, sur une base non pas économique – le réseau est efficace – mais géopolitique (Cartographies numériques, 2018) : ainsi le câble Alba 1 entre Cuba et Venezuela ; les câbles qu’a développés le Brésil vers l’Europe (Ellalink, 2021), mais surtout vers le Cameroun et l’Angola en 2018, étapes vers la constitution d’un « réseau des BRICS » permettant de relier Brésil, Inde, Chine, Russie et Afrique du Sud et qui échapperait ainsi aux serveurs américains et européens (Cattaruzza, 2019). La carte mondiale des câbles est à cet égard éloquente : il existe très peu, voire pas de connexion entre l’Amérique latine et l’Asie, ou entre l’Amérique latine et l’Afrique ou l’Europe, ne passant pas par les États-Unis.

Figure 1. Le réseau mondial de câbles sous-marins, 2019.
Source : Telegeography.

Une autre dimension géopolitique réside dans la topologie du cyberespace, autrement dit dans la configuration des liaisons entre les AS via les serveurs. Le voyage des données est linéaire au niveau infrastructurel : elles ne disparaissent pas en un point du monde pour réapparaître ailleurs, mais suivent un itinéraire identifiable suivant une série de points de transits. « Sous le prisme protocolaire en revanche, la progression des données est topologique : elle marque des sauts bien identifiables, qui correspondent à autant de machines au niveau desquelles les données ont emprunté un chemin », souvent en en sélectionnant un parmi plusieurs (Pétiniaud et Salamatian, 2020). Ainsi, les données ne transitent pas au hasard d’un système autonome à un autre : les serveurs utilisent un protocole de contrôle de leur point de connexion, le border gateway protocol (BGP, protocole de passerelle) lequel annonce à tout utilisateur potentiel s’il peut accéder à une adresse IP de l’AS dont les serveurs contrôlent l’accès. Les serveurs calculent ainsi le meilleur itinéraire de transmission des données en fonction du temps de parcours, mais aussi de l’ouverture ou pas des connexions entre serveurs. Ouvrir celles-ci à certains utilisateurs externes est donc une décision qui dépend de la politique commerciale de l’opérateur, de son environnement compétitif, mais aussi des consignes données par les États qui supervisent les activités de ces opérateurs. Le chemin qu’empruntent des données peut changer au gré des accords techniques ou commerciaux entre opérateurs, mais aussi des consignes des pouvoirs politiques ou des représentations politiques des opérateurs (Robine et Salamatian, 2014 : Pétiniaud et Salamatian, 2020).

Le cas de l’Ukraine est à cet égard révélateur. L’Ukraine présente un profil de connectivité relativement cohérent avec sa position géopolitique. Sa dépendance au réseau russe de télécommunications, issue d’une histoire commune jusqu’en 1991, date de l’indépendance ukrainienne. Elle apparaît avec clarté, mais on constate également la présence d’AS occidentaux importants au cœur du réseau, reflet du souhait de certain décideurs politiques et d’une partie de l’opinion et d’acteurs économiques, surtout dans l’Ouest du pays, de se tourner davantage vers l’Europe. Dans leur analyse, Pétiniaud et Salamatian montrent également comment la Crimée est toujours un territoire contesté se situant à la jonction du réseau russe et ukrainien, avec une rapide évolution vers l’intégration de la connexion de la Crimée au réseau russe (Pétiniaud et Salamatian, 2020). Dans le cas du Donbass, l’est de l’Ukraine théâtre de la guerre entre Kiev et les mouvements séparatistes, la topologie des connexions laisse entrevoir certes des liaisons vers l’Ukraine, mais « des changements de connectivité récents montrent une dépendance de plus en plus forte vis-à-vis des réseaux du sud de la Russie, qui constituent depuis peu la source de connexion principale des réseaux des républiques populaires autoproclamées de Donetsk et Luhansk. » (Pétiniaud et Salamatian, 2020). Il est difficile, sinon impossible de savoir si dans ce cas, les opérateurs du réseau participent pleinement de stratégies territoriales russes ou séparatistes pensées comme telles, ou si ce portrait de la dynamique du réseau reflète une évolution construite sans objectif politique. Cette tendance illustre bien la dynamique géopolitique entre Ukraine, Russie et républiques séparatistes à travers l’enjeu de la connectivité au cyberespace (Pétiniaud et Salamatian, 2020; Limonier et al, 2021).

De la même façon, on observe des postures différentes en Géorgie et en Azerbaïdjan. Contrairement au cas azéri, pour lequel les données transitent largement par la Russie, les requêtes d’accès provenant de Géorgie passent peu par le territoire russe, pour deux raisons. Un nouveau câble a été inauguré en 2008 entre Poti (Géorgie) et Balchik en Bulgarie, et de là au réseau européen. De plus, les accords BGP ont été renégocié, la Géorgie ne maintenant essentiellement que des accords avec des opérateurs allemands et bulgares (Cattaruzza, 2019). Ainsi, l’accès à tel ou tel itinéraire, à telle portion du réseau global, peut être ouvert ou fermé aux utilisateurs de certaines régions, dessinant ainsi une carte des frictions politiques entre opérateurs et parfois, leurs États de tutelle.

Conclusion

Si le cyberespace fait circuler des données immatérielles et qu’il a de fait suscité des représentations d’un nouveau monde libéré des contingences spatiales et politiques, il suscite aussi l’intérêt de nombreux observateurs qui y lisent des rivalités géopolitiques.

Cet angle d’analyse ne va pas de soi, précisément parce que la datasphère est l’univers de données immatérielles : où trouver dès lors des enjeux de pouvoir sur des territoires ?  Enjeu stratégique intéressant les entreprises et les États, le cyberespace est assurément devenu un enjeu politique, mais la nature géopolitique de ces enjeux immatériels pouvait paraitre peu évidente, surtout dans le contexte, prévalant au début du siècle, d’un enthousiasme pour l’idée de la fin de l’importance des territoires.

En réalité, il est bien pertinent de développer des analyses géopolitiques du cyberespace, mais pas du seul fait que les États s’y intéressent – ce qui en ferait un enjeu de relations internationales, mais pas nécessairement de géopolitique. La nature géopolitique des enjeux liés au cyberespace se tisse de diverses manières. La première, au départ un peu contestable, est l’analogie que suppose le terme même de cyberespace avec l’espace réel : si le cyberespace est un espace, alors les États peuvent y asseoir une forme de souveraineté, et des enjeux de contrôle de ces territoires peuvent s’y développer. Pour contestable que la validité de cette approche ait pu être, elle a acquis une crédibilité accrue depuis, précisément, les efforts de centralisation du fonctionnement de l’internet par les gouvernements, lesquels ont abouti à une territorialisation des réseaux.

Les impacts du cyberespace sur les territoires sont également de nature à induire des enjeux géopolitiques. Les populations qui ont accès à la datasphère disposent d’un levier de développement crucial, que n’ont pas les populations dépourvues de bonne connexion. L’internet transforme l’espace et les territoires et en cela induit des tensions politiques à saveur géographique.

C’est surtout parce que le cyberespace n’est pas si déconnecté de l’espace réel, que l’on peut parler d’une géopolitique du cyberespace. Les flux de données passent par des infrastructures physiques qui sont localisées en des lieux précis et transitent par des chemins physiques réels, relais radio, satellite ou câbles sous-marins. De plus, les serveurs communiquent entre eux selon des protocoles qui peuvent ouvrir ou fermer l’accès à leurs services, ancrant davantage les flux de données virtuelles dans une réalité topologique ancrée dans la géographie réelle. Les opérateurs de ces serveurs peuvent agir selon des critères commerciaux ou politiques. Ainsi, on l’a vu, l’accès à certains itinéraires peut être ouvert ou fermé aux utilisateurs de certaines régions, dessinant ainsi une carte de frictions politiques ancrées dans une réalité géographique – donc géopolitique.

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[1] Gary Hamel et Jeff Sampler, « The E-corporation; The End of Geography », Fortune Magazine, 7 décembre 1998. Cité dans Lasserre, 2000.

[2] Comme cela s’est produit en Algérie en 2015, déconnectée à 80% du réseau mondial pendant 5 jours suite à la rupture du principal câble Sea-Me-We 4 .