Frédéric Lasserre
Frédéric Lasserre est professeur titulaire à l’université Laval et directeur du Conseil Québécois d’Études géopolitiques (CQEG).
vol 6 n3, 2020
Résumé : Les travaux de Mackinder sur le Heartland (1904) semblent connaitre un vif regain d’intérêt depuis l’avènement en 2013 du projet chinois des nouvelles routes de la soie, ou Belt and Road Initiative (BRI). Avec un important volet de liaisons continentales s’étendant à travers l’Asie centrale, la similitude entre la BRI et la théorie de Mackinder a intrigué nombre d’analystes, qui voient désormais dans le modèle du Heartland une grille de lecture pertinente pour appréhender la politique chinoise des nouvelles routes de la soie. Ce modèle conceptuel est-il réellement adapté ?
Mots-clés : Mackinder, Heartland, Belt and Road Initiative, nouvelles routes de la soie, théorie géopolitique, modèle.
Summary: Mackinder’s work on the Heartland (1904) seems to have gained a lot of interest since the advent in 2013 of the Chinese New Silk Roads project, or Belt and Road Initiative (BRI). With a large component of continental links extending across Central Asia, the similarity between the BRI and Mackinder’s theory was noticed by many analysts, who now see in the Heartland model a relevant reading grid for understanding the Chinese politics of the new silk routes. Is this conceptual model really relevant?
Keywords: Mackinder, Heartland, Belt and Road Initiative, new silk road, geopolitical theory, model.
La modélisation en géopolitique est un projet scientifique controversé (Renouvin et Duroselle, 1964; Lasserre et al, 2020a). Longtemps caractéristique de l’école matérialiste du début du XXe siècle, l’ambition de forger un modèle analytique global et permanent pour rendre compte du lien entre espace et pouvoir a suscité d’importants travaux dont ceux d’auteurs comme Spykman et Mackinder. Ces travaux, en particulier la théorie du Heartland de Mackinder (1904), semblent connaitre un vif regain d’intérêt depuis l’avènement en 2013 du grand projet chinois des nouvelles routes de la soie, ou Belt and Road Initiative (BRI). Avec un important volet de liaisons continentales s’étendant à travers l’Asie centrale, s’appuyant sur la construction et l’exploitation de voies ferrées transcontinentales, la similitude entre la BRI et la théorie de Mackinder a intrigué nombre d’analystes, qui voient désormais dans le modèle du Heartland une grille de lecture pertinente pour appréhender la politique chinoise des nouvelles routes de la soie. Qu’en est-il ? Ce modèle conceptuel du Heartland est-il réellement adapté pour analyser cette politique chinoise? Après un retour sur la théorie de Mackinder et ses failles, cet article expose comment elle est mobilisée de manière contemporaine dans le contexte de l’essor du projet chinois des nouvelles routes de la soie.
1. La théorie géopolitique de Mackinder et son modèle intemporel.
La théorie du Heartland est le nom donné à une analyse géopolitique globale de l’histoire du monde proposée par le géographe britannique Halford John Mackinder (1861-1947). Mackinder a cherché à comprendre les mécanismes de l’histoire mondiale sur les temps longs, à l’instar d’un Fernand Braudel[1] par exemple, mais à la différence de ce dernier, et en cela s’inscrivant dans le courant géopolitique matérialiste du tournant du XXe siècle, il s’est efforcé de théoriser son analyse pour en dégager des lois générales de l’équilibre des puissances. Trois publications ont contribué à populariser sa théorie, en 1904, 1919 et 1943.
Dans le premier article qu’il publie en 1904, Mackinder cherche à établir une corrélation entre l’histoire mondiale et l’analyse géographique, soit « avec un certain degré d’exhaustivité, une corrélation entre les généralisations géographiques plus larges et les plus grandes généralisations historiques[2] » (Mackinder, 1904 :422). Il identifie une zone de steppes, favorable à la mobilité des nomades « à cheval ou à dos de chameau » et qui correspond à la zone sans débouché direct sur les océans sauf l’océan Arctique : c’est ce qu’il appelle le heart-land (Mackinder, 1904 :431) avec donc une définition géophysique des bassins versants endoréiques ou dont l’exutoire se situe dans l’océan Arctique (p.431 ; voir Fig. 1). Cette zone est celle de peuples nomades qui, du Ve au XVIe siècle, ont régulièrement menacé la sécurité de l’Europe à travers des invasions militaires (p.426).
Fig. 1. Régions de l’Asie sans accès aux océans sauf à l’océan Arctique.
Source : Mackinder 1904 :422.
Fig. 2. Localisation de la zone pivot ou heart-land dans la théorie de Mackinder de 1904.
Source : Mackinder 1904 :435.
L’exposé de Mackinder consiste en une synthèse historique qu’il conclut sous forme de question, à travers laquelle il associe cette zone-pivot à la direction générale de l’histoire du monde.
As we consider this rapid review of the broader currents of history, does not a certain persistence of geographical relationship become evident ? Is not the pivot region of the world’s politics that vast area of Euro-Asia which is inaccessible to ships, but in antiquity lay open to the horse-riding nomads, and is to-day about to be covered with network of railways ? (Mackinder, 1904 :434)[3].
L’« évidence » que Mackinder souhaite souligner ici de l’existence d’une région pivot de l’histoire politique du monde, est ainsi évoquée sans qu’elle ne soit expliquée. C’est parce que de cette région sont venue tant d’invasions menaçantes que l’on peut en déduire implicitement, selon Mackinder, qu’elle joue un rôle fondamental. Le lecteur est ainsi invité à souscrire au propos du géographe, avec comme seul argument les cas particuliers évoqués dans son article. La corrélation qu’il établit entre les bassins versants continentaux eurasiatiques et le « pivot de l’histoire » (titre de son article), concept au reste non défini, n’est pas explicitée. La question demeure purement rhétorique et aucune démonstration n’est proposée que telle était bien la « région pivot » de la politique mondiale.
En 1919, Mackinder publie Democratic Ideals and Reality. A Study in the Politics of Reconstruction. Dans cet ouvrage, plus étoffé que l’article de 1904, il développe sa théorie de l’histoire du monde et de son analyse dans un cadre géographique. Il reprend tout d’abord la zone des bassins versants continentaux, y joint les plateaux du Tibet et de Mongolie pour définir le Heartland (désormais orthographié ainsi), au cœur de l’Île-Monde (fig. 3), définie comme la masse de l’Afrique et de l’Eurasie.
Fig. 3. « Montrant la grande partie de l’Asie et de l’Europe dont les rivières coulent soit vers le nord glacial, soit dans des lacs salés sans exutoire vers l’océan » (Trad. libre).
Source : Mackinder, 1919 :93.
Fig. 4. L’Île-Monde, divisée en six régions naturelles, dont le Heartland avec les hauts-plateaux tibétains.
Source : Mackinder, 1919 :100.
Mackinder modifie par la suite la configuration géographique du Heartland pour y ajouter les mers Noire et Baltique et le plateau tibétain (fig. 5). Il précise que ce Heartland élargi est la zone « à laquelle, dans les conditions modernes, la puissance maritime peut être exclue » (Mackinder, 1919 :136[4]), les Dardanelles bloquant l’accès à la mer Noire[5] et les détroits danois bloquant l’accès à la Baltique. Mais Mackinder s’efforce de retrouver un paramètre géophysique objectivant, à ses yeux, cet ensemble spatial. « Il existe un facteur physique frappant qui en assure la cohérence; le tout, même au bord des montagnes persanes surplombant la Mésopotamie torride, se trouve sous la neige en hiver » (Ibid). [6]
Fig. 5. Le Heartland élargi, étendu aux bassins de la Baltique et de la mer Noire.
Source : Mackinder, 1919 :135.
Comme dans l’article de 1904, Mackinder livre une analyse historique synthétique de l’histoire de l’Europe, pour en déduire, en fin d’ouvrage et sans davantage de démonstration ni même d’effort d’analyse géographique de lien causal entre le cours de l’histoire et les paramètres spatiaux, son prédicat désormais célèbre et souvent repris par la suite, et présenté comme une vérité immuable et intemporelle :
Who rules East Europe commands the Heartland
Who rules the Heartland commands the World-Island
Who rules the World-Island commands the World.
(Mackinder, 1919 :194)[7].
En 1943, Mackinder reprend sa théorie du Heartland avec une définition très proche de ses paramètres géophysiques, pour souligner la similitude entre cet espace et le territoire de l’URSS. Il prévient ainsi que si, à la faveur de la Seconde guerre mondiale alors en cours, Moscou étend son domaine vers l’ouest, l’URSS deviendra maitre de la « plus grande forteresse terrestre du monde » (Mackinder, 1943, p.601) et deviendra ainsi la première puissance terrestre. Mais cet essai de prospective n’est pas davantage fondé sur une démonstration ou une analyse géographique que l’article de 1904 ou l’ouvrage de 1919. En revanche, pour comprendre la finalité de la théorie de Mackinder, il parait intéressant de relever qu’à chaque publication de sa théorie, le géographe se souciait de la menace que faisait peser la puissance russe (en 1904, dans sa rivalité avec l’Empire britannique) (Ó Tuathail 1996; Venier 2004 ; Black, 2016 ; Lasserre et al, 2020a), allemande (en 1919) puis soviétique (en 1943).
Il est du reste assez intéressant, sur le strict plan épistémologique, qu’un autre géographe et penseur de l’école matérialiste en géopolitique, Nicholas Spykman (1893-1943), dans son ouvrage posthume de 1944, ait pu arriver à des conclusions diamétralement opposées sur la base du même type de raisonnement : une analyse historique, tout aussi européocentrée que celle de Mackinder[8], puis une conclusion, prenant manifestement le contrepied de « l’oracle » de Mackinder :
Who controls the Rimland rules Eurasia, who rules Eurasia controls the destinies of the world. (Spykman, 1944 :43).[9]
Dans l’analyse de Spykman, c’est dans le Rimland[10] que se situerait la base territoriale du pouvoir, et non dans le Heartland. Mais ni Spykman, ni Mackinder n’apportent des éléments tangibles de démonstration à l’appui de leur thèse, en établissant un lien causal crédible, une relation explicative entre les espaces étudiés et les événements historiques.
2. Un débat scientifique qui aurait dû être dépassé
Ce constat n’est pourtant point nouveau. Plusieurs auteurs ont déjà relevé l’insoutenable légèreté scientifique des thèses de Mackinder et de Spykman. Dès 1904, Spencer Wilkinson relevait deux points importants : la surestimation du rôle politique des peuples nomades dans l’histoire de l’Europe ; et la difficulté de prétendre que ces schémas historiques représentent des scénarios récurrents :
Mr. Mackinder takes us back over four hundred years, and talks of the Columbian epoch. Well, I cannot pretend to be able to go four hundred years forward; if one can go a generation forward, it is quite as much as some of us can manage. Now, these great movements of Central Asian tribes on to Europe and on to the different marginal countries may, I think, be over-estimated in their importance. (S. Wilkinson, 1904).[11]
Leo Amery a également estimé que Mackinder accordait une importante exagérée au « pivot » dans l’équilibre du pouvoir (Parker, 1985 :32). Sans aller jusqu’à rejeter l’ensemble des modèles de Mackinder et de Spykman, Cohen relevait également en 1963 que ces modèles reposaient sur le mythe « of the inherent unity of World Island, given the unity of Heartland in combination with part of the Rimland » (Cohen, 1963 :59). Ó Tuathail (1996) a longuement analysé la dimension mythique et orientée de l’exposé de Mackinder, visant à proposer un modèle à même de légitimer la politique britannique en Asie centrale. Venier a également souligné l’absence de « démonstration rigoureuse » de sa théorie (Venier, 2010). Si l’héritage de ces modèles théoriques issus de l’école dite matérialiste ne pose plus guère de problème épistémologique pour l’école géographique, dont les chercheurs considèrent les travaux de Mackinder ou de Spykman comme de simples moments, très datés, de l’histoire de la réflexion géopolitique, il semble que le débat sur la pertinence contemporaine de ces modèles soit délicat à dépasser au sein de l’école réaliste, a fortiori parmi les auteurs anglo-saxons, chez qui une querelle semble opposer durablement les tenants de la géopolitique critique à ceux de la géopolitique dite classique (classical geopolitics) à laquelle on rattache les auteurs matérialistes comme Mahan, Spykman, Haushofer ou Mackinder (Haverluk et al 2014).
C’est dans le contexte épistémologique du tournant du XXe siècle qu’il faut chercher des raisons à cette posture scientifique. Les sciences politiques et la géographie, sciences humaines, sont au début du XXe siècle en quête d’une respectabilité scientifique que nombre de chercheurs voient alors résider dans l’identification de lois, de théorèmes, les lois de l’espace politique qui permettent de comprendre les mécanismes reliant, de manière immanente, l’espace au pouvoir (Lasserre et al, 2020a). Cette chimère de l’école matérialiste est aujourd’hui dépassée, mais elle a durablement marqué la réflexion en géopolitique, alors même que d’autres sciences humaines n’affichent pas nécessairement ce penchant pour une axiomatique peu crédible et non démontrée. Au reste, tous les penseurs en sciences humaines du XIXe siècle n’ont pas toujours cherché à établir des lois universelles et intemporelles dans le domaine de la prospective. Parmi les essais les plus connus, on peut ainsi évoquer De la démocratie en Amérique (1835), paru certes avant l’engouement des sciences humaines pour un certain mimétisme des sciences exactes caractéristique du tournant du XXe siècle. Dans cet essai, Alexis de Tocqueville prévoit l’avènement des deux superpuissances russe et américaine, sur la base d’une analyse sociale et politique, mais en se gardant bien de théoriser sa démarche et de proposer un modèle prédictif et déterministe. Mais, au-delà de cet essai, pour nombre de géographes et de politologues du début du XXe siècle intéressés par la réflexion sur les relations entre espace et pouvoir politique, la tentation était grande de se laisser séduire par le déterminisme et les modèles généraux. « A une époque où les principes de causalité et de détermination sont les références universelles, la géographie pense tenir avec la domination ou la lutte pour l’espace son explication toute faite » (Dussouy, 2006 :112). Comme le soulignent Entin et Entina (2016: 341), « It is not a surprise that H. Mackinder’s theory remains popular even now. Such simple, beautiful, artificial, convenient and all-explaining teachings are always in demand and easier to accept »[12]. Pourtant, la valeur ajoutée de la géopolitique ne réside pas dans la prédiction, projet souvent ardu et risqué, mais dans l’analyse : « la géopolitique revisitée, loin de toute prophétie, découvre un monde de possibles. » (Dussouy, 2001 :50).
3. L’avènement du grand projet de la Belt and Road : la réhabilitation artificielle du modèle de Mackinder ?
Alors même que les grandes théories de l’école matérialiste en géopolitique connaissent un certain regain d’intérêt depuis quelques années (Lasserre et al, 2020a), de nombreux auteurs établissent un lien direct entre la théorie du Heartland de Mackinder et la stratégie chinoise de la Belt and Road (BRI). La BRI articule le développement de grands corridors de développement (NDRC, 2015), reposant notamment sur l’exploitation de grandes liaisons ferroviaires trans-asiatiques qui renvoient à l’analyse de Mackinder : « Trans-continental railways are now transmuting the conditions of land-power, and nowhere can they have such effect as in the closed heart-land of Euro-Asia.[13] » (Mackinder, 1904 :434).
Ainsi, Leong Kok Wey (2019) relève-t-il une corrélation forte entre la théorie de Mackinder et les développements maritimes et continentaux des nouvelles routes de la soie, et, se fondant sur cette théorie, en conclut que « If this geopolitical strategy is successful, China will ‘rule the Heartland’ and ‘command’ the seas » (p.3)[14]. Harper (2019) souligne l’expansion chinoise sur le continent asiatique bouscule les avantages stratégiques des États-Unis : « One of the immediate implications of the BRI for the other external actors present in Eurasia is as a potential challenge… […] This is most notable in the case of American interests in the region, with Washington viewing China’s moves as a strategic as well as an economic challenge. It is this challenge that raises the spectre of Mackinder’s depictions of Eurasia with the BRI’s land corridors being a means to bypass maritime routes, which would adversely affect one of Washington’s primary strategic advantages in the form of its navy. » (p.117)[15]. Shukhla (2015) établit un parallèle direct entre les nombreux projets ferroviaires de la BRI vers l’Asie centrale, le Moyen-Orient et l’Asie du Sud-Est (voir Fig. 6), et la théorie de Mackinder dans laquelle l’expansion ferroviaire de la Russie au début du XXe siècle est présentée comme un facteur de menace. Yu (2019) estime que « The rivalry over the Eurasian Heartland marks a historical return of Mackinder’s Heartland theory »[16].
Fig. 6. Carte des projets de transport terrestre et maritime de la Belt and Road Initiative.
Source : Eder, 2018.
On pourrait ainsi multiplier les exemples d’auteurs qui établissent un parallèle entre les développements de la BRI et la théorie de Mackinder, voyant dans ce parallèle la preuve de la grande stratégie de la Chine et du bouleversement de l’ordre mondial qu’elle supposerait, un raisonnement reposant largement sur l’adhésion sans réserve à la théorie de Mackinder. « From a purely geographic perspective, the trajectory of the planned land-based New Silk Road (the Belt) aligns to a significant degree with Mackinder’s ‘Heartland theory’ (1904). Considering that it was subsequently summarized as ‘Who rules East Europe commands the Heartland ; who rules the Heartland commands the World-Island ; Who rules the World-Island commands the World’, the Belt component of the BRI begets the obvious question as to whether it might herald China’s Eurasian century. »[17] (Shortgen, 2018 :27).
« The Eurasian heartland remains the world’s geopolitical pivot, an idea as true a hundred years ago as it is today. The Eurasian heartland is the BRI’s birthplace, a necessary corridor for the Chinese-envisioned new continental economic reality »[18] (Yu, 2019:10). La stratégie chinoise vers le Moyen-Orient constitue « une stratégie globale répondant aux ambitions géopolitiques chinoises », et les autorités chinoises se seraient appuyées sur une lecture peu critique de l’incontournable analyse de Mackinder : « En effet, les considérations géopolitiques et sécuritaires entrent également en ligne de compte dans le déploiement du projet chinois. Situé au cœur de ‘l’île-monde’ de Mackinder (1904), le Moyen-Orient représente un pivot pour l’établissement de la sphère d’influence chinoise, puisque ‘qui contrôle le cœur du monde commande à l’île du monde, qui contrôle l’île du monde commande au monde.’ » (Maury et al, 2019 :61).
D’autres auteurs font la démarche inverse, voyant dans le développement de la politique chinoise la preuve de la théorie de Mackinder et sa valeur analytique pour comprendre la stratégie chinoise : « China’s cooperation with Russia, its Belt and Road Initiative, its growing presence in the Indian Ocean and Africa, and its burgeoning sea power are evidence of Mackinder’s prophetic powers. »[19] (Sempa, 2019). La politique chinoise à travers les nouvelles routes de la soie lui donne un avantage réel : « China today sits at the gates of the Heartland and has access to the sea… It would be wise, therefore, for the world’s statesmen to reflect upon Mackinder’s warning… »[20] (Sempa, 2015). Et en 1999, c’est à travers une relecture des théories de Mackinder que la théorie de l’eurasianisme, et du renouveau de la grandeur russe, aurait été fondée (Clover, 1999).
4. Un engouement contemporain, reflet des peurs occidentales?
Pourquoi dès lors mettre tant d’accent sur le modèle de Mackinder, qui semble concorder avec une analyse rapide des ambitions chinoises, plutôt que sur celui de Spykman, deux théories également globalisantes et peu fondées ?
D’emblée, il est intéressant de relever que les auteurs chinois réfèrent rarement au modèle théorique de Mackinder, mais plutôt à des auteurs chinois comme Sun Tzu (Boillot, 2020). De plus, la pléthore de cartes en circulation représentant les projets de corridors chinois enserrant l’Asie centrale et les routes maritimes dans une étreinte volontiers dépeinte comme menaçante, est une approche également à prendre avec prudence, dans la mesure où la plupart de ces cartes sont fausses (Lasserre et al, 2020b) et non-officielles, le gouvernement chinois ayant dès 2017 interdit la production de telles cartes (Jones et Zeng, 2019). Les médias et même de nombreux chercheurs, y compris chinois, se sont laissés abuser par ces cartes inexactes, même dans des publications scientifiques sur le transport, comme par exemple Liu et al (2018).
Fig. 7. Carte erronée de la BRI, Liu et al (2018). D’après une carte du cabinet McKinsey, https://www.mckinsey.com/industries/capital-projects-and-infrastructure/our-insights/one-belt-and-one-road-connecting-china-andthe-world
Il existe de nombreuses routes commerciales maritimes entre le détroit de Malacca et l’Europe, et aucun ne fait un crochet par le Sri Lanka, puis Calcutta avant de bifurquer vers Mombasa au Kenya. De même, dans le volet continental, on relève six corridors et non pas un. Aucun ne passe par Istanbul avant de faire un crochet par Moscou, et le corridor Chine-Asie centrale-Moyen Orient est bien moins avancé que les corridors ferroviaires via le Kazakhstan ou la Russie (Lasserre et al, 2020b).
Ce réflexe de faire reposer une stratégie politique sur une théorie fondée sur la lecture d’une autre rivalité, et, surtout, non démontrée et très contestable sur le plan scientifique, n’est pas nouvelle. Plusieurs auteurs ont déjà souligné que la lecture de Mackinder aurait été abondamment mobilisée à Washington dans la définition de la politique américaine pour contrer l’Union soviétique pendant la Guerre froide (Parker 1988, Sloan 1988; Brzezinski 1997). Une posture similaire, là encore appuyée sur de nombreuses cartes centrées sur l’Asie centrale et illustrant les projets chinois comme autant d’indices de projets de puissance (par exemple Eder 2018), semble contribuer aux craintes occidentales contemporaines à l’endroit du déploiement de la stratégie terrestre de la BRI, en poursuivant:
…an American tradition of focusing on map-based geopolitical and geostrategic thinking. This ‘cartohypnosis’ goes back to Halford Mackinder’s portrayal of the Eurasian landmass as the global ‘Heartland’. Stemming from Mackinder’s geopolitics, the idea of needing to prevent the Soviet Union from controlling this ‘Heartland’ […] governed much of American strategy during the Cold War, for instance in Korea and Vietnam. Thus, it is understandable that the BRI could easily be seen by Americans thinking in this tradition as a Chinese ‘great game’ intended to extend its geopolitical influence westward.[21] (Garlick, 2020 :110).
Debié abonde dans le même sens :
Ainsi le succès de Mackinder ou Spykman pendant la guerre froide, le regain d’intérêt pour Haushofer semblent inspirés par l’exercice cartographique. Les experts du Pentagone ou du Department of State qui, sur les cartes des années cinquante, voient grandir la tache rouge au centre de l’Eurasie et comparent les modèles cartographiques de Mackinder ou Spykman sont frappés par la ressemblance. Bientôt, les voilà convaincus de la valeur prophétique des modèles et du génie de leurs auteurs, puisque la carte dessinée en 1904 ou en 1944 a prédit ce qui est en train d’arriver dans les années 1947-56 : contre toute attente, le centre affaibli, l’URSS exsangue, l’emporte sur la périphérie, la tache centrale s’étend aux dépends du rivage bleu du croissant intérieur. (Debié, 1991).
Ainsi, tout comme Mackinder et Spykman, il apparait que l’attrait de ces modèles théoriques et de leur support cartographique planétaire est leur correspondance avec les préoccupations de l’heure. De manière délibérée, Mackinder avait élaboré un modèle présenté comme éternel mais qui en réalité repose sur une lecture de la rivalité russo-britannique, puis sur la crainte de l’URSS. Il en est de même pour le modèle de Spykman, tout aussi général mais orienté vers le containment de l’Union soviétique. A l’heure de l’avènement de la Chine comme nouvelle grande puissance, faut-il voir dans le regain d’intérêt pour la théorie de Mackinder, le reflet de la crainte des Occidentaux de voir leur prééminence politique écornée ?
Conclusion
Analyser la relation entre l’espace et le pouvoir est un défi scientifique de taille, qui se heurte à une grande complexité inhérente à la diversité des facettes de la relation entre les sociétés et leur environnement. C’est pour avoir cru que cette complexité pouvait être dépassée que les modèles analytiques intemporels de Spykman ou de Mackinder sont faux, ou que celui plus contemporain de Huntington (1996) est réducteur. Gérard Dussouy (2006, 2007, 2009) s’est efforcé de produire un modèle intégrant cette indépassable complexité : son œuvre est fort intéressante, mais fort complexe !
Alors que l’école matérialiste en géopolitique a légitimé la réflexion scientifique sur les relations de pouvoir portant sur des territoires et sur le lien entre espace et pouvoir, elle n’a guère su dépasser un fort déterminisme et une grande tentation de la simplification modélisatrice dans ses analyses. Mais la complexité du monde post-guerre froide et l’ascension de la Chine, en rendant les hiérarchies et relations entre acteurs plus mouvantes, ont sans doute suscité chez nombre d’analystes le besoin de recourir à des modèles connus. Ainsi, ce regain d’intérêt pour les modèles géopolitiques globaux des matérialistes, déjà perceptible au début du XXIe siècle, a-t-il connu un nouvel élan avec l’affirmation politique de la Chine et en particulier avec le lancement du grand projet des nouvelles routes de la soie.
Pourtant, ces modèles théoriques, à la crédibilité limitée, ne peuvent que très imparfaitement rendre compte des ambitions chinoises et de leurs interactions avec leur environnement politique. Cet intérêt renouvelé pour la grille de lecture du Heartland de Mackinder semble surtout traduire la crainte que suscite, chez les Occidentaux et les Indiens, le déploiement de ce grand projet chinois.
Références
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[1] Fernand Braudel (1902-1985), historien français, est notamment connu pour ses analyses historiques du temps long, et pour sa méthode de la juxtaposition des analyses sur des temps longs et des temps courts. Voir notamment F. Braudel (1949), La Méditerranée et le Monde méditerranéen à l’époque de Philippe II, Paris : Armand Colin.
[2] Traduction libre.
[3] [En considérant cet examen rapide des courants plus généraux de l’histoire, une certaine récurrence des relations géographiques ne devient-elle pas évidente? La région pivot de la politique mondiale n’est-elle pas cette vaste zone de l’Euro-Asie inaccessible aux navires, mais qui dans l’Antiquité était ouverte aux nomades à cheval, et est aujourd’hui sur le point d’être recouverte d’un réseau de chemins de fer?] (traduction libre).
[4] « The Heartland is the region to which, under modem conditions, sea-power can be refused access ».
[5] Comme la défaite alliée de Gallipolli en 1915 l’a rappelé pendant la Première guerre mondiale.
[6] « There is one striking physical circumstance which knits it graphically together; the whole of it, even to the brink of the Persian Mountains overlooking torrid Mesopotamia, lies under snow in the winter-time ».
[7] [Qui contrôle l’Europe de l’Est, commande le Heartland ; Qui contrôle le Heartland, commande l’Île-Monde ; Qui contrôle l’Île-Monde, commande le Monde] (traduction libre).
[8] En 1904, Mackinder ne s’en émouvait même pas : « The late Prof. Freeman held that the only history which counts is that of the Mediterranean and European races. In a sense, of course, this is true… » Mackinder, 1904:422.
[Le regretté Prof. Freeman a soutenu que la seule histoire qui compte est celle des races méditerranéenne et européenne. Dans un sens, bien sûr, c’est vrai…]. (Trad. libre).
[9] [Qui contrôle le Rimland gouverne l’Eurasie, qui gouverne l’Eurasie contrôle les destinées du monde] (trad. libre).
[10] Le Rimland, ou croissant intérieur, est la zone littorale de l’Eurasie, la frange maritime occidentale, sud et orientale de l’Ile-monde, densément peuplée et ouverte sur le commerce maritime.
[11] [M. Mackinder nous ramène plus de quatre cents ans en arrière et parle de l’époque colombienne. Eh bien, je ne peux prétendre pouvoir avancer de quatre cents ans; si l’on peut avancer d’une génération, c’est tout ce que certains d’entre nous peuvent faire. Maintenant, ces grands mouvements de tribus d’Asie centrale vers l’Europe et vers les différents pays marginaux peuvent, je pense, être surestimés dans leur importance.] (trad. libre).
[12] [Il n’est pas surprenant que la théorie de H. Mackinder reste populaire même de nos jours. Il y a toujours une demande pour de tels enseignements simples, beaux, artificiels, pratiques et explicatifs, plus faciles à accepter] (trad. libre).
[13] [Les chemins de fer transcontinentaux transmutent maintenant les conditions de la puissance terrestre, et nulle part ils ne peuvent avoir un effet aussi important que dans le cœur fermé de l’Euro-Asie] (trad. libre).
[14] [Si cette stratégie géopolitique réussit, la Chine « dirigera le Heartland » et « commandera » les mers] (trad. libre).
[15] [L’une des implications immédiates de la BRI pour les autres acteurs externes présents en Eurasie est un défi potentiel… […] Ceci est particulièrement notable dans le cas des intérêts américains dans la région, Washington considérant les mouvements de la Chine comme un défi autant stratégique qu’économique. C’est ce défi qui soulève le spectre des représentations de l’Eurasie par Mackinder, les couloirs terrestres de la BRI étant un moyen de contourner les routes maritimes, ce qui nuirait à l’un des principaux avantages stratégiques de Washington à travers sa marine.] (trad. libre).
[16] [La rivalité sur le Heartland eurasien marque un retour historique de la théorie du Heartland de Mackinder] (trad. libre).
[17] [D’un point de vue purement géographique, la trajectoire du projet de nouvelle route de la soie terrestre (la ceinture) s’aligne dans une large mesure sur la « théorie du Heartland » de Mackinder (1904). Considérant qu’elle a ensuite été résumé comme suit: « Qui dirige l’Europe de l’Est commande le Heartland; qui gouverne le Heartland commande l’île du monde; Qui dirige l’île du monde commande le monde », la composante ceinture de la BRI soulève la question évidente de savoir si elle pourrait annoncer le siècle eurasien de la Chine.] (trad. libre).
[18] [Le cœur de l’Eurasie demeure le pivot géopolitique du monde, une idée aussi vraie il y a cent ans qu’aujourd’hui. Le cœur de l’Eurasie est le berceau de la BRI, un couloir nécessaire à la nouvelle réalité économique continentale imaginée par la Chine] (trad. libre).
[19] [La coopération de la Chine avec la Russie, son initiative Belt and Road, sa présence croissante dans l’océan Indien et en Afrique, et sa puissance maritime en plein essor témoignent des pouvoirs prophétiques de Mackinder] (trad. libre).
[20] [La Chine se trouve aujourd’hui aux portes du Heartland et a accès à la mer… Il serait donc sage que les hommes d’État du monde réfléchissent à l’avertissement de Mackinder…] (trad. libre).
[21] […une tradition américaine de se concentrer sur la pensée géopolitique et géostratégique basée sur la cartographie. Cette « cartohypnose » remonte à la représentation par Halford Mackinder de la masse continentale eurasienne comme le « Heartland » mondial. Issu de la géopolitique de Mackinder, l’idée de devoir empêcher l’Union soviétique de contrôler ce « Heartland » […] a régi une grande partie de la stratégie américaine pendant la guerre froide, par exemple en Corée et au Vietnam. Ainsi, il est compréhensible que la BRI puisse facilement être vue, par les Américains s’inscrivant dans cette tradition, comme un « grand jeu » chinois destiné à étendre son influence géopolitique vers l’ouest.] (trad. libre).