Aurore Saccagi1, François-Olivier Picard2, Olivier Therrien3 et King Chun Hui4
1Étudiante finissante à la maîtrise aux Hautes Études Internationales de l’Université Laval, concentration développement international.
2Diplômé d’une maîtrise en Hautes études internationales à l’Université Laval, concentration relations internationales
3Diplômé d’une maîtrise en Hautes Études internationales à l’Université Laval, concentration relations internationales
4Diplômé en MBA en gestion internationale à l’université Laval et consultant en commerce international
RG v4 n3, 2018
Résumé : La Chine, forte de sa croissance économique des dernières années, a vu lancé l’initiative de la Belt and Road Initiative (BRI) par son dirigeant Xi Jinping en 2015 à Astana dans le but d’accroître la connectivité des continents asiatiques et européens. Au cœur de cette initiative le projet de la Banque asiatique pour les infrastructures (BAII) a pour ambition de combler les besoins infrastructures des pays de la région asiatique mais aussi parmi les priorités, une meilleure liaison des transports entre les pays de la route de la soie, ainsi privatiser les investissements en capitaux. Cependant, par rapport aux principales institutions occidentales, soit le Fond monétaire international et la Banque Mondiale déjà en place sur la scène internationale, la Chine cherche-t-elle à travers la BAII à présenter un contre-modèle aux normes occidentales? L’article tend à démontrer les principaux enjeux qui sont liés au projet de la BAII notamment par rapport aux moyens mis par la Chine pour étendre son influence et de faire contrepoids aux influences américaines et japonaises dans la région.
Abstract: Within the past decades, China has grown and became the world’s second economic power. In 2015, president Xi Jinping announced the Belt and Road initiative (BRI) in Astana in the purpose of strengthening the relationship between Europe and Asia. This initiative focuses on projects such as the Asian Infrastructure Investment Bank (AIIB) which goal is to overcome the lack of infrastructure on the Asian region but also to increase the connectivity and transport for the road silk countries and to privatize capital investments. However, taking into account the main western institutions such as the International Monetary Fund (IMF) and the World Bank, is China trying throughout the AIIB to establish a counter force to the western norms? The paper emphasizes the main issues related to the AIIB project in particular the Chinese way to extend its leverage and to counterbalance American and Japanese power.
Mots-clés : BAII, finance, financement, infrastructures, BRI, Chine, institution.
Keywords : AIIB, finance, financing, infrastructure, BRI, China, institution.
Introduction
Lorsqu’il est question de développement économique, plusieurs acteurs financiers se partagent la scène internationale. Les accords de Bretton Woods à la fin de la seconde guerre mondiale en 1944, ont propulsé un nouvel ordre international libéral avec des principes économiques favorisant la reconstruction et le développement économique des États d’après-guerre. Depuis ces accords, les Banques et institutions financières dominantes sont le fond monétaire international (FMI) et la banque mondiale avec majoritairement à la tête de leur organisation, les États-Unis, le Japon ou les pays de l’Union européenne. La Chine, forte de sa croissance économique des dernières décennies, a vu lancé l’initiative de la Belt and Road Initiative (BRI) par son dirigeant Xi Jinping à Astana. Les ambitions de Xi Jinping s’alignent avec la China’s Greater Neighborhood Policy (GNP)[1] et veulent rendre compte de l’importance de la liaison entre l’Europe et l’Asie et par conséquent le choix d’une nouvelle route de la soie afin d’accroitre la connectivité entre les deux continents (Fallon, 2015). Au cœur de cette initiative le projet de la Banque asiatique pour les infrastructures (BAII) a pour ambition de combler les besoins infrastructures des pays de la région asiatique[2] mais aussi parmi les priorités, une meilleure liaison des transports entre les pays de la route de la soie[3], mais aussi privatiser les investissements en capitaux (AIIB, 2018 : en ligne). Entre-autre, cette Banque permettrait de combler ce qui n’a pu être réalisé par la Banque Mondiale et le Fond monétaire international. Malgré la réticence des États-Unis envers ce nouvel acteur financier, l’Australie, le Royaume-Uni, la France, le Canada et la Corée du Sud font partie des pays qui ont rejoint cette institution multilatérale qui sera la première à être détenue majoritairement par des Chinois et qui ne découle pas d’une initiative occidentale. La Chine cherche-t-elle à travers la BAII à présenter un contre-modèle aux normes occidentales? Dans cette optique, l’article suivant vise à la compréhension des enjeux économiques et géopolitiques liés au projet chinois de la BAII afin d’en déterminer la portée.
La BAII sa raison d’être et les ambitions d’un leadership chinois
La Banque asiatique d’investissement pour les infrastructures est une initiative de la Chine et fut fondée en octobre 2015. Son but premier est de répondre aux besoins criants en infrastructure des pays asiatiques. À ce jour, 80 pays ont été acceptés pour intégrer cette banque d’investissement (BAII, 2017). Son fonctionnement est semblable au fonctionnement d’autres grandes banques. En effet, le but de la BAII est de prêter de l’argent aux institutions publiques ou privées des pays membres pour que ceux-ci soient en mesure de financer des grands projets d’infrastructure à un taux d’intérêt très bas (BAII, 2017). La BAII est en mesure de prêter ces importants montants d’argent grâce au capital investi des pays membres comme la Chine, l’Inde, la France, etc. (Macleans, 2016). Les outils de financement sont également semblables aux outils modernes de financement. Effectivement, la charte de la BAII lui permet de: « provide financing in a variety of ways, including, inter alia, making loans, investing in the equity capital of an enterprise, and guaranteeing, whether as primary or secondary obligor, in whole or in part, loans for economic development » (BAII, 2017).
La gouvernance de la BAII se compose d’un Board of Governors, d’un Board of Directors, d’un Senior Management Team et d’un International Advisory Panel. La Banque s’est engagée à avoir une politique anticorruption et de bonne gouvernance qui s’aligne aussi avec le remaniement des organes du gouvernement chinois par Xi Jinping et la politique anticorruption du gouvernement.
Une politique environnementale, de saine gouvernance, et de bonne conduite de ses employés a été élaborée dans le but que l’investissement de la BAII serve l’objectif d’investissement dans les infrastructures asiatiques mais aussi que la BAII serve les intérêts de la Chine avec l’exportation de ses normes dans sa stratégie multilatérale.
Au niveau de ses partenariats et investissements, la BAII compte six secteurs : Energy and Power, Transportation and Telecommunications, Urban Development and Logistics, Water Supply and Sanitation, Environmental Protection, Rural Infrastructure and Agriculture Development. La BAII travaille aussi avec plusieurs importants partenaires afin de financer les projets d’infrastructure. Par exemple, le projet de barrage en Indonésie (Indonésie, 2017, 16), a été financé en partenariat avec la BAII, la Banque Mondiale et le Gouvernement d’Indonésie qui ont tous les trois investis dans ce projet. En ce qui concerne le taux d’intérêt, celui-ci varie en fonction de la garantie du pays visé, du risque du projet, et des années de prêts (Sovereign-Backed Loan and Garantee Pricing, 2016).
Le manque criant d’infrastructure en Asie et le fait que la Banque Mondiale ne soit pas assez impliquée dans ce secteur furent une opportunité pour la Chine d’exercer un leadership dans ce domaine. Effectivement, on estime qu’entre 2000 et 2030, le besoin en infrastructure en Asie s’établira entre 57 000 et 67 000 milliards de dollars (Campanella, 2015). Le projet « Une route, une ceinture » est un bon exemple du lien entre la BAII et le leadership de la Chine. Cette banque possède un capital initial de 100 milliards de dollars, dont 30.34% financé par la Chine et ce pays possède des droits de vote équivalant à 26.06%. Certains auteurs affirment même que : « la Chine n’est-elle pas en train de reproduire au sein de la BAII le déséquilibre qu’elle dénonce au FMI et à la Banque mondiale ? » (Dieng et Liu, 2015). Chose certaine, le fait que le siège social de la BAII soit situé à Pékin vient en quelque sorte rééquilibrer les puissances financières marquées à ce jour par l’Occident ou le FMI et la Banque Mondiale occupent leur siège social à Washington. Il est tout de même important de mentionner que plusieurs projets, dont celui « une route, une ceinture », peuvent être financés à travers la coopération de plusieurs banques d’investissement.
La BAII et ses sphères d’influence
En novembre 2014, le président Xi Jinping a annoncé la création du Silk Road Fund qui est administrée par le « State Administration of Foreign Exchange », le « China Investment Corporation », l’« Export-Import Bank of China » et la « China Development Bank » (HSBC, 2017). Il s’agit d’un fond de développement de 40 milliards $ US dont le rôle sera d’investir dans les entreprises plutôt que de prêter de l’argent pour des projets. À l’occasion du forum de la Belt and Road Initiative (BRI) en mai 2017 à Pékin, le gouvernement chinois a annoncé un apport supplémentaire au capital du Fonds de 14,7 milliards $ US. Le premier projet qui a bénéficié de cet investissement est le projet de construction d’une centrale hydroélectrique d’une capacité de 720MV d’électricité à Karot au Pakistan, qui sera opérationnel à partir d’avril 2021. En effet, l’énergie est une des quatre priorités d’investissement de la BRI au Pakistan, avec le port de Gwadar, les infrastructures de transport et la coopération industrielle. Les autorités chinoises ont prévu 21 autres projets d’énergie dans le cadre du « China-Pakistan Economic Corridor » pour résoudre le problème de manque d’électricité de 4500 MW au Pakistan. Au total, on estime que les nouvelles centrales apporteront une production de 16 400 MW d’électricité supplémentaire, ce qui correspond à peu près à la capacité actuelle du Pakistan. Autre que le Pakistan, le Silk Road Fund va investir dans un projet de gaz naturel en Sibérie (The Diplomat, 2016) et dans la construction du chemin de fer qui va rejoindre la ville portuaire de Mombasa à la capitale du Kenya, Nairobi (WSJ, 2017). Si le Silk Road Fund est une des sources de financement pour le BRI, il faut noter que c’est majoritairement la BAII qui va prendre l’initiative d’appuyer les investissements en matière de construction et de rénovation d’infrastructure. Sommes toutes, en raison d’une distance géographique relativement proche de la Chine et du manque d’infrastructures pour assurer un bon développement économique, les États d’Asie centrale et de l’Association of South East Asian Nations (ASEAN) sont les premiers pays qui vont bénéficier de l’aide de cette institution financière. Sommes toutes, cette distance géographique permet à la BAII d’être un outil pour la politique régionale de la Chine du fait que celle-ci englobe les pays limitrophes au sein de sa sphère d’influence.
L’influence de la BAII par rapport aux autres institutions monétaires
La BAII, au-delà de la coopération, est un moyen de renforcer son influence sur la région asiatique et aussi de faire contrepoids à l’influence américaine et japonaise. En effet, le multilatéralisme trouve sa source dans les institutions. Également, le multilatéralisme comme outil pour étendre son influence est au cœur de la politique extérieure chinoise. La Chine par son rayonnement politique, économique et de sa position en tant que second leader économique mondial derrière les États-Unis[4], assure un rôle important par rapport aux investissements multilatéraux (Dieng et Liu, 2015). On trouve dans la littérature un parallèle fait entre la BAII et avec les accords de Bretton Woods. Ainsi, la BAII agirait via les mêmes processus que les accords de Bretton Woods pour faire valoir en ce qui concerne ses intérêts et ceux de la région asiatique. De plus, les entreprises chinoises pourraient avec leur proximité géographique et leur expérience être amenées à recevoir plus de contrats et donc un enrichissement plus conséquent.
L’impulsion de la BAII face à la Banque mondiale et le FMI
Le Capital de la BAII est fixé à 100 milliards de dollars ce qui est moitié moins que celui de la Banque Mondiale (Dieng et Liu, 2015). Sommes toutes, la littérature actuelle met l’accent sur le fait que la BAII est un moyen pour la Chine d’assurer sa place dans les investissements en concernant les infrastructures régionales asiatiques, un domaine sur ce que la Banque Mondiale et le FMI manquaient de financer. En effet, par rapport au poids économique de la Chine sur la scène internationale et son implication par rapport aux fonds monétaires, il existe un déséquilibre qui se doit d’être comblé afin d’assurer des activités plus efficaces. La Chine aussi avait été invitée plusieurs fois à assumer plus de responsabilités quant à son implication envers la Banque Mondiale et le FMI. Or, les postes et responsabilités les plus importants (notamment ceux des gouverneurs) sont occupés par les Américains, Japonais et Européens. En raison de ces enjeux, la réponse de la Chine par rapport à ses propres intérêts a donc été l’impulsion de la BAII.
Stratégie de gouvernance et multilatéralisme : la Chine, l’Union européenne et le rééquilibre des puissances
L’Union européenne (UE) est le second partenaire économique de la Chine après les États-Unis (Commission Européenne, 2018 : en ligne). Il est intéressant de savoir quels sont ses intérêts à investir au sein de la BAII lorsque l’on sait que les États-Unis, leur premier partenaire économique avec 18% du total de commerce des biens de l’UE, leur avaient demandé de ne pas y adhérer (perspective monde, 2017). Une des raisons qui pourrait justifier leur implication est leur partenariat commercial grandissant avec la Chine. En effet, selon le rapport d’Eurostat, de 2002 à 2015, l’apport de la Chine aurait doublé de 7% à 15% de leur bilan commercial. Elle arrive aussi seconde partenaire économique de l’Union avec 521 milliards d’euros soit 15% de la part du commerce. Les États-Unis, bien qu’ils restent le premier partenaire économique a tout de même baissé leur investissement au fil des dernières années.
Au niveau de la participation européenne à la BAII qui a été inauguré en 2016, on peut il n’y compter pas moins de 14 pays de l’Union européenne membres : l’Allemagne, l’Autriche, le Danemark, l’Espagne, la Finlande, la France, l’Italie, le Luxembourg, Malte, les Pays-Bas, la Pologne, le Portugal, la Suède. Ceux-ci représentent 16,13% des votes (19,04% si l’on compte le Royaume-Uni). Aussi, il existe de la part de l’Union européenne des organismes comme One Belt One Road Europe qui soutiennent pleinement le projet de la Chine ainsi que la BAII. Ils soutiennent notamment ce projet en mettant en avant le fait que ce projet créerait des emplois en Europe et qu’il est méconnu des décideurs européens. L’article de Duncan Freeman, chercheur à l’Institut bruxellois d’études sur la Chine contemporaine, a déclaré aux journalistes que quatre pays européens ont décidé d’adhérer à la BAII « pour prendre part à une initiative économique majeure dans la région avec la croissance la plus rapide dans le monde ».
Somme toute, la décision des pays européens d’adhérer à la BAII découlerait donc d’une stratégie opportuniste mais aussi réaliste. Au vu du potentiel économique de la Chine, il vaut mieux faire partie de la Banque et participer aux futurs grands enjeux plutôt que de manquer l’opportunité.
Quant à la relation avec les États-Unis et l’Union européenne, il faudra prendre en compte l’évolution politique[5] qui déterminera les relations économiques entre les deux entités. Il ne faut pas négliger le poids des puissances moyennes partenaires elles aussi des États-Unis et de la BAII dont le Canada qui pourrait trouver de nouveaux avantages au sein de la BAII.
Gouvernance et rentabilité : les grands enjeux de la BAII importants pour sa réussite
La réputation de la Banque se trouve face à des menaces quant à sa réputation. En effet, celle-ci est en danger de se voir accuser de poursuivre les objectifs géopolitiques chinois par le financement accordé et de reproduire le même système financier que la Chine dénonce, le système financier de Bretton Woods. Ce système financier est caractérisé par la domination des États-Unis et il projette la vision de ce même pays. Puisque la Banque est une initiative de la Chine, et que cette première est vue par plusieurs comme un outil géopolitique chinois et comme une manière de se faire une place d’importante sur l’échiquier financier mondial à l’extérieure du système de Bretton Woods (The Economist, 2015; Mishra, 2016; Callaghan & Hubbard, 2016; Gu, 2017), l’institution attirera plus facilement les critiques des observateurs. Lors de l’annonce de la création de la Banque, les États-Unis ont pris une position négative et critique, mettant une pression sur ses principaux alliés pour que ceux-ci restreignent à s’y joindre. Cette pression n’aura pas été assez forte compte tenu du fait que certains des alliés ont tenu tout de même à rejoindre la Banque (Perlez, 2015). Ainsi, la première étape de ce défi a été relevée puisque la Banque a notamment réussi à attirer en son sein l’Australie, le Royaume-Uni, la France, le Canada, la Corée du Sud et plusieurs autres. La Banque a réussi à démontrer sa pertinence et à démontrer qu’elle sera au moins assez indépendante pour que des pays occidentaux y profitent.
Malgré cette adhésion soutenue, le débat n’est pas clos. Il semble clair que plusieurs voient toujours la Banque comme un outil pour la Chine de faire valoir ses intérêts géopolitiques sur un échiquier financier dominé par les États-Unis. La seconde étape du défi est celle de ne pas donner l’impression que les prêts et le financement ne soient pas rattachés directement à des objectifs de politique étrangère chinoise. En effet, puisque la Chine occupera une place considérable dans les règles institutionnelles de la Banque et donc dans l’orientation de celle-ci, il sera important de bien définir la séparation entre les considérations géopolitiques et les différents financements octroyés (Dieng & Liu, 2015, p. 19). Or, les premières aides financières ayant été octroyées au Pakistan, au Tadjikistan et en Ouzbékistan sont directement des pays sous la sphère d’influence traditionnelle chinoise. Toutefois celle-ci a été diminuée par la suite puisque la BAII n’est dans ces projets qu’un partenaire au financement (De Jonge, 2017, p. 13-14). On voit donc que la coopération effective entre la Banque et les autres institutions financières pourrait favoriser le multilatéralisme et la neutralité de la Banque dans les prochains développements. Ensuite, lorsque l’on introduit la BAII dans le contexte de la BRI, il devient encore plus difficile de contrer cette idée que la BAII est un outil de la politique étrangère chinoise. La BRI est un projet immense qui revête une essence de coopération régionale, toutefois le projet est également teinté d’un bilatéralisme entre la Chine d’une part et les pays où seront construites les infrastructures d’autres parts (De Jonge, 2017, p. 6-7). Dans l’optique où la BAII est réellement multilatéral dans son fonctionnement, il faudra voir l’impact d’un financement fréquent du projet de la BRI sur ce multilatéralisme. Ceci sera d’autant plus important lorsque la Banque sera amenée à se questionner sur un projet important pour les intérêts chinois. Dans cette situation, la Chine devra être capable de démontrer que les règles collectives s’appliquent également à elle (Chin, 2016, p. 17). En conclusion de ce point, il faut également percevoir les efforts que la Chine fait afin de rendre la Banque plus multilatérale dans ses processus. Parmi ces efforts, le fait que la Chine ne veuille pas se doter d’un droit de véto puissant, quitte à diminuer sa part de vote au sein de sa propre institution, contraste avec l’attitude très conservatrice des États-Unis au FMI, où il faut 85% des votes pour changer cette part de vote (Gu, 2017, p. 150‑151).
L’enjeu de la gouvernance et de la crédibilité par rapport aux institutions occidentales
La BAII est une institution financière asiatique qui œuvre principalement en Asie et dans des pays en développement, toutefois elle agit en coopération et en partie avec des actifs occidentaux. Au sein des enceintes économiques comme l’Organisation mondiale du commerce (OMC), les pays du Nord et du Sud entrent souvent en conflit au sujet des questions environnementales, de droits humains et de corruption. Les premiers aimeraient que les pays du Sud appliquent les mêmes normes que ceux-ci appliquent aujourd’hui, après des années de développement. Les seconds ne veulent pas être restreints par ces normes occidentales lorsque les autres ont pu bénéficier d’un environnement économique beaucoup plus souple. Selon la Chine, la Banque sera « lean, clean and green » (optimisée, propre et verte), donc rentable, avec une tolérance zéro en matière de corruption et actions illégales, tout en restant attachée à l’économie verte avec des normes internationales élevées. (Dieng & Liu, 2015, p. 534). Il faut ainsi voir comment ces principes pourront s’appliquer lorsque l’objectif de rentabilité entrera en ligne de compte. Ceci est particulièrement important pour la question de corruption, dans une région où ce phénomène est aussi important et dans le contexte d’un projet qui risque de renforcer les liens économiques entre les pays. D’ailleurs, l’intégration économique de l’Association of South East Asian Nations (ASEAN) aurait déjà empiré l’activité économique illégale dans les pays membres (Lee, 2016). Selon Transparency International, l’augmentation de l’activité économique entre deux pays diversifie également les possibilités pour l’activité économique illégale, si le problème n’est pas pris au sérieux (Transparency International, 2015). Au niveau des droits humains, Cette problématique peut se révéler dans les conditions de travail des ouvriers participant aux projets, mais aussi dans les droits de propriété de certaines populations près des projets mais aussi d’autres sujets sensibles. Ceci est d’autant plus vrai lorsque nous connaissons la politique générale que la Chine applique en général lorsqu’elle investit à l’étranger. Celle-ci se résume ainsi:
China adheres to the belief that the political system is an internal business of each state. Thus, no country has the right to interfere or to decide the regime of another one. This position formulates China’s interpretation of unconditionality in foreign aid programs. (Peng & Tok, 2016).
Ainsi, aucune condition politique ne sera attachée aux prêts que la Banque fait. Il pourrait toutefois y avoir des clauses protégeant les intérêts environnementaux, sociaux et qui concernent la transparence (Qing, 2015). Il est donc nécessaire d’observer comment ces clauses s’appliqueront et jusqu’à quel niveau. De plus, il sera intéressant de voir comment les pays occidentaux percevront ces clauses et s’ils les évalueront assez strictes. La Banque a déjà pris quelques moyens pour se prévenir de ce problème général. Notamment, elle a signé un accord avec la Banque Mondiale en 2016 pour coordonner la supervision et la préparation des projets communs entre les deux banques (De Jonge, 2017, p. 1072‑1073). Cela renforcera très certainement la coopération effective sur les sujets plus sensibles et donnera une crédibilité supérieure à la BAII.
L’enjeu de la rentabilité : le rôle d’une banque et de son efficacité bancaire
Finalement, puisque la BAII a comme première caractéristique d’être une banque, son premier objectif devrait être l’efficacité bancaire. Celle-ci sera évaluée selon deux axes, le retour sur l’investissement et la qualité de ses investissements, notamment le taux des projets financés qui seront terminés. Concernant le premier point, la BAII aurait les ressources financières nécessaires pour financer beaucoup de projets d’envergure. En fait, elle prévoit financer annuellement des projets d’infrastructure à la hauteur de 10 à 15 milliards de dollars US pour ses 5-6 premières années (Wong, 2016) (CBC, 2016). Pour l’année 2017, ce chiffre est en réalité beaucoup plus bas puisque la Banque prévoit financer pour 2,5 milliards de projets (GBTimes, 2017). Étant donné sa proximité avec la BRI, cette banque de projet en infrastructure sera encore plus diversifiée géographiquement et sollicitée. La question qui devrait être posée est si ces projets d’envergure sont menés à terme et s’ils pourront rapportés assez aux pays instigateurs pour rembourser les prêts octroyés. Le premier risque pour la BAII est relié au nombre de projets disponibles pour investissements. En effet, les projets en infrastructure ne manqueront pas pour la Banque puisque la demande asiatique sera immense dans les prochaines années, estimée à 8 trillions de dollars américains par la Banque de Développement d’Asie de 2011 à 2020 (Chin, 2016, 17‑18). Il y aura donc beaucoup de projets et de demande pour peu de fonds disponibles. La Banque devra bien choisir ses projets pour donner un bon départ à ses activités au niveau du retour sur l’investissement. Cela est encore plus vrai si l’on considère que la majorité des pays qui bénéficieront des investissements n’ont pas une cote de crédit supérieure à B[6] (Dieng et Liu, 2015). Malgré les besoins immenses, la Banque devra appliquer des normes relativement strictes et des critères de sélection de projets élevés. L’efficacité bancaire sera un défi de taille puisque le nombre de projets d’envergure interconnectés sera augmenté. Ainsi, La BAII pourrait se retrouver dans un dilemme où elle aurait à choisir entre la réalisation de la BRI et la rentabilité bancaire.
Conclusion
En conclusion, il est à prendre en compte le fait que la BAII est indissociable des intérêts géopolitiques chinois car celle-ci sera responsable du financement d’une importante part de projets au sein de la BRI. La Banque, bien que son objectif premier ne soit pas les normes occidentales en termes d’environnement, de droits humains et de corruption, la Banque devra donc faire un choix entre les normes occidentales et le financement de la BRI. Enfin, puisque la BRI sera principalement établie dans des pays qui ont des cotes de crédit inférieures à B et que ces projets seront nombreux il sera plus difficile pour celle-ci d’atteindre une efficacité bancaire égale ou supérieure aux autres institutions financières internationales.
Compte tenu de la position grandissante de la Chine sur la scène internationale, le projet de la BAII intéresse tout un panel d’acteurs sur la scène internationale. La BAII est un projet ambitieux et qui pour la première fois venant d’un pays asiatique propose une alternative aux institutions monétaires habituelles soit le FMI et la Banque Mondiale. Quoi qu’il en soit, la Chine cherche bel et bien à présenter un contre modèle aux institutions occidentales. S’il reste néanmoins des incertitudes quant aux futures relations géopolitiques de la Chine avec les pays qui n’ont pas pris part à ce projet. Malgré les nombreux enjeux politiques liés à cette Banque, il faut cependant garder en tête que sa première fonction reste économique.
Notes de bas de page
[1] Fait ici référence au succès économique grandissant de la Chine qui doit composer avec de grands autres acteurs afin de maintenir paix, sécurité et bonnes relations diplomatiques (Fallon, 2015)
[2] Besoins en infrastructures très importants afin de pouvoir continuer la croissance. Selon la Asian Development Bank (2017 : en ligne) les investissements nécessaires en infrastructures s’élèvent à 1,7 milliards de dollars par an.
[3] Ces pays sont surtout ceux sur l’axe Eurasie comprenant notamment les pays de l’Union européenne, la Chine, la Russie, l’Inde et le Pakistan.
[4] Il est à noter que la Chine est la première puissance économique mondiale si l’on calcule le PIB en parité du pouvoir d’achat.
[5] C’est-à-dire l’évolution des traités commerciaux et des relations diplomatiques.
[6] La cote de crédit B fait référence ici aux notations financières attribuées aux pays pour les investissements. B fait référence à un taux moyen voire spéculatif pour les investissements.
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