Le Dangerous Ground et les Spratleys: une géopolitique des routes maritimes secrètes

 François-Xavier Bonnet1

1 Géographe, chercheur associé Irasec
mpdbonnet@yahoo.com

*Adaptation du texte présenté lors de la conférence « Nouvelles tensions en mer de Chine méridionale » organisée par l’IRIS et la fondation Gabriel Péri, 19 mai 2015

RG v2 n2, 2016


Résumé : L’énergie et la pêche sont deux secteurs arguments mobilisés par les médias et les universitaires pour expliquer la dispute sur les îles Spratleys en mer de Chine méridionale. Cependant, un aspect clef est généralement ignoré : contraire­ment à la représentation générale, les îles des Spratleys sont baignées d’eaux profondes. Les Spratleys ou Dangerous Ground sont organisées le long de deux axes principaux ou routes maritimes secrètes qui peuvent être utilisées par des sous-marins, traditionnels ou nucléaires. Le contrôle des Spratleys suit ces deux axes. Un contrôle complet des Spratleys par une force hostile pourrait potentiellement menacer une grande partie de l’Asie.

Summary: Energy and fishing are two economic sectors mobilized by the medias and scholars to explain the dispute over the Spratleys islands in the South China Sea. However, a key aspect is generally ignored: contrary to the general perception, the water in the Spratleys is not shallow but deep. The Spratleys or Dangerous Ground are organized along two main axes or secret sea lanes which can be used by submarines, traditional or nuclear. The control of the Spratleys follows these two secret sea lanes. A complete control of the Spratleys by an hostile force could potentially threaten a vast region in Asia.

Mots-clefs: énergie, pêche, îles Spratleys, Dangerous Ground, nucléaire

Keywords: Energy, Fishing, Spratleys Islands, Dangerous Ground, nuclear


Introduction

Le 29 octobre 2015, les juges du Tribunal international du droit de la mer (TIDM) situé à La Haye (Pays-Bas), se déclaraient compétents pour statuer sur les litiges concernant la mer de Chine méridionale. Ce dossier, concernant le statut juridique des zones maritimes et les types de structures insulaires, est porté par les Philippines contre la Chine. Cette dernière refuse de participer à la procédure et accélère ses programmes de constructions militaires sur les récifs contestés par les Philippines.

Nous montrerons dans cet article que l’un des enjeux majeurs, mais passé sous silence, de cette dispute est le contrôle des routes maritimes secrètes à l’intérieur du Dangerous Ground ou Spratleys. Ces routes maritimes internes peuvent être empruntées par des sous-marins tant traditionnels que nucléaires, et posent donc un risque majeur non seulement local mais aussi régional.

1) Le Scarborough Shoal sous haute tension

Le 10 avril 2012, le navire de guerre Philippin BRP Gregorio del Pilar tentait d’arrêter huit bateaux de pêche chinois qui braconnaient dans le Scarborough Schoal. Cependant, deux navires de surveillance civils chinois, arrivèrent à temps et bloquèrent les manœuvres du navire philippin, provoquant l’une des périodes les plus tendues, entre les deux pays, depuis 1997. Dans un esprit de détente, le BRP Gregorio del Pilar fut remplacé par deux navires civils (gardecôtes et bureau des pêches). Au pic du conflit, en mai 2012, pas moins de 80 navires de pêche chinois étaient présents, dans et autour du Scarborough Shoal. L’arrivée d’un typhon, en juillet, forçait les Philippins à partir, laissant le Scarbrough Shoal, de facto, sous le contrôle des Chinois. Depuis, et jusqu’à maintenant, des navires chinois patrouillent le récif régulièrement et chassent à coups de canon à eau les pêcheurs philippins qui viennent de la province de Zambales sur l’île de Luzon[1]

 2) Les Philippines portent leur différent maritime auprès du Tribunal
Inter­national du Droit de la Mer (TIDM)

Dès 2010, le haut magistrat de la Cour suprême, Antonio Carpio, proposait au président fraichement élu, Benigno Aquino III, de demander au tribunal international du droit de la mer (TIDM) d’arbitrer les litiges maritimes avec la Chine sur le Scarborough Shoal et des récifs des Spratleys. L’idée faisait son chemin en 2011 lorsqu’un navire philippin effectuant des mesures sismiques sur le Reed Bank fut expulsé par des navires de surveillance chinois. Cependant, c’est à la suite des événements de 2012 sur le Scarborough Shoal que le gouver­nement Aquino décidait de lancer la procédure auprès du TIDM[2].

La procédure d’arbitration contre la Chine est lancée en janvier 2013. Les questions posées au TIDM sont les suivantes :

  1. a) La fameuse ligne des 9 segments, qui définit les revendications maritimes de la Chine selon des droits historiques et non le droit de la mer, est-elle valide ?
  2. b) Les éléments géologiques formant Mischief reef, Subi reef, Gaven reef, McKennan reef sont-ils des hauts-fonds découvrants ? Selon l’article 13 du droit de la mer, ces derniers sont des élévations naturelles de terrain (rochers, atolls, récifs ou bancs de sable) qui sont découvertes à marée basse et recouvertes à marée haute. Les hauts-fonds découvrants ne peuvent avoir de mer territoriale et de zone économique exclusive (ZEE). Un Etat peut s’approprier des hauts-fonds découvrants si ceux-ci sont dans sa mer territoriale. Des hauts-fonds découvrants situés au-delà de la mer territoriale des Etats ne peuvent faire l’objet d’appropriation.
  3. c) Les éléments géologiques formant Fierry Cross reef, Cuarteron reef, et Johnson reef sont-ils des rochers qui ne génèrent donc pas de zone économique exclusive (ZEE) ?
  4. d) Le Scarborough shoal ne peut-il avoir qu’une mer territoriale de 12 miles nautiques seulement (rochers) ou bien est-il une île qui peut générer une ZEE ?

Ainsi, les Philippines ne demande pas au tribunal de désigner quel Etat est souverain sur quelles îles, rochers ou hauts-fonds découvrants. Le tribunal devra statuer sur les étendues maritimes possibles autour de certaines îles, rochers etc. (0, 12 ou 200 miles nautiques) et ce, quel que soit l’État souverain. Une première victoire fut remportée par les Philippines le 29 octobre 2015 lorsque le tribunal se déclarait compétent pour l’adjudication de cette question.

3) La poldérisation des Spratleys

Face à cette demande d’arbitration par les Philippines, la Chine a refusé systématiquement de s’impliquer dans la procédure.

Selon International Crisis Group, la République Populaire de Chine n’a jamais accepté l’intervention d’un tiers dans une dispute de souveraineté, et a toujours insisté sur des négociations bilatérales. La Chine redoute que d’autres pays tels le Vietnam, l’Indonésie et la Malaysie suivent l’exemple des Philippines[3].En guise de réponse et alors que la décision du tribunal pourrait intervenir à partir de juin 2016, la Chine a accéléré son programme de poldérisation des récifs et atolls qu’elle occupe.

Dès le 15 mai 2014, les Philippins présentaient à la presse une série d’images satellite montrant les activités de poldérisation de Johnson South reef (partie de l’Union Banks), transformant celui-ci en une véritable île artificielle. Quelques mois plus tard, des images satellite diffusées par les médias internationaux, montraient des activités similaires sur Gaven reef (partie de Tizard bank), Hughes reef (ou Mckennan reef, partie de Union Banks), Cuarteron reef (partie de London reefs), Mischief reef et Fierry Cross reef.

FIGURE 1
Mer de Chine du Sud: de multiples revendications

Source: dans Lasserre, F., Gonon, E. et Mottet, É. (2016). Manuel de géopolitique, Paris :
Armand Colin/Dunod, 2e éd.

Si la plupart des pays qui ont installé des garnisons dans les Spratleys ont très largement altéré la morphologie des récifs afin de créer des îles et îlots artificiels, ce que les analystes notent c’est la rapidité et la magnitude des constructions chinoises. Ainsi, le journaliste de la BBC, Rupert Wingfield-Hayes décrivait les activités sur le Johnson South reef de la manière suivante : « des millions de tonnes de rocher et sable ont été pompées des fonds marins jusque dans l’atoll afin de créer une nouvelle terre. Il y a un va et vient de camions transportant le ciment, de nombreuses et larges grues, de larges tuyaux d’acier »[4]. L’un des navires qui opèrent à Johnson South reef est le Tian Jing Hao, un dragueur long de 127 mètres. Les roches et le sable sont acheminés par un pipeline ou via des barges.

D’un point de vue strictement légal, les îles artificielles ne peuvent générer des zones maritimes car elles ne possèdent pas le statut d’îles naturelles (à l’exception d’une zone de sécurité de 500 mètres). Cependant, elles peuvent avoir un rôle très significatif pour la Chine en termes militaires et stratégiques.

4) La guerre de l’ombre

La littérature sur la dispute dans les Spratleys concentre son attention sur le rôle soit disant fondamental de la compétition sur les ressources naturelles, tels les hydrocarbures (gaz, pétrole) et la pêche. Or, jusqu’à présent, aucune étude sérieuse n’a démontré la présence de ressources en hydrocarbure conséquentes qui pourrait justifier de fortes tensions entre les États. Les seules informations données à la presse, par exemple, coïncident généra­lement avec la vente d’actifs d’une compagnie pétrolière et s’appa­rentent plutôt à de la spéculation boursière qu’à des chiffres sérieux (voir par exemple la compagnie américaine Crestone dans les années 1990[5]). D’autre part, les statistiques sur la pêche sont présentées en agrégat et il est donc difficile de connaître la contribution des Spratleys dans les pêches nationales (la région Palawan, qui comprend les Spratleys, contribue pour 20% de la pêche nationale des Philippines).

A) Les recherches hydrographiques secrètes

Pour comprendre l’un des enjeux généralement passé sous silence, il est nécessaire de casser un mythe : celui de la faible profondeur des Spratleys. En effet, les articles de presse mais aussi universitaires, notamment anglo-saxons, décrivent les Spratleys comme une zone peu profonde (ou shallow sea), extrê­mement dangereuse à la navigation et qu’il faut éviter à tout prix.

Cette représentation territoriale, classique jusque dans les années 1920, évolue au rythme des missions secrètes des marines des puissances coloniales. Comme l’ont montré Hancox et Prescott, l’amirauté britannique effectua des recherches hydrographiques secrètes de 1925 à 1938, cartographiant méticuleu­sement la région appelée Dangerous Ground et découvrait en 1934 une route maritime secrète, traversant cette région et de direction nord-sud[6]. La marine impériale japonaise explorait, elle aussi, cet espace maritime de 1936 à 1938 et établissait des cartes secrètes, notamment de l’île principale d’Itu Aba. De son côté, la marine américaine basée à Cavité (Philippines) commençait l’explo­ration du Dangerous Ground, établissant des cartes bathy­métriques secrètes et découvrant de 1935 à 1937 une nouvelle route maritime traversant le Dangerous Ground d’est en ouest (de l’île de Balabac, Palawan à Singapour).

Le Commandant japonais Unosuke Kokura, résumait parfaitement, en mai 1939, la dichotomie des représentations civiles et militaires des Spratleys : « Un fait remarquable est que l’ensemble des îles Spratleys peut être considéré comme une sorte de zone fortifiée car il est connu comme une zone dangereuse sur l’ensemble des cartes du monde… Mais parce que notre marine a étudié méticuleusement cette région, cette zone n’est plus dangereuse du tout pour nous. Nos navires de guerre et commerciaux peuvent librement voyager à travers ces groupes d’îles et se réfugier derrière les récifs[7] ».

Les recherches hydrographiques secrètes des années 1930 permettent aux autorités navales des différents pays de concevoir ce vaste territoire maritime comme un archipel traversé par des routes maritimes secrètes. Les îles des Spratleys, après avoir été consi­dérées comme une région à éviter, étaient perçues de plus en plus comme un territoire stratégique pour la puissance maritime qui pouvait contrôler ces routes internes.Durant la seconde guerre mondiale, les sous-marins américains, basés en Australie, patrouillaient la mer de Chine méridionale et traversaient régulièrement le Dangerous Ground, en utilisant les routes internes.

FIGURE 2
Carte du Dangerous Ground (Spratleys) et ses routes secrètes

Leurs missions étaient aussi de poursuivre les recherches scientifiques sur les Spratleys, notamment d’en étudier les couches salines. Ces couches salines, fort nombreuses dans le Dangerous Ground, permettaient aux sous-marins américains de ne pas être détectés par les radars japonais.

B) Un sous-marin nucléaire dans le Dangerous Ground

Ces recherches scientifiques secrètes se poursuivaient, par les forces américaines dans les années 1955-1956, alors que les États-Unis remplaçaient la France dans la guerre du Vietnam. Les recherches étaient si poussées que des sous-marins nucléaires américains pouvaient se déplacer sans encombre dans le Dangerous Ground.

De fait, il est fort probable que la première traversée du Dangerous Ground par un sous-marin nucléaire s’est déroulée en avril 1972. A cette date, l’USS Sculpin dirigé par le Commandant Harry Mathis avait pour mission officielle de suivre les navires de pêche du Viet Cong qui, remplis d’armes et de munitions, quittaient l’île de Hainan et contournaient le blocus américain en prenant des routes détournées pour décharger ensuite leurs cargaisons sur la côte du Vietnam[8].

Le navire de pêche vietnamien traversait le Dangerous Ground avant de s’approcher des côtes vietnamiennes. La description de la traversée du Dangerous Ground par le Sculpin était la suivante : « (…) Un autre défi était que le navire de pêche se dirigeait vers le sud, directement dans le Dangerous Ground. Sur les cartes nautiques de la mer de Chine méridionale, il y a un vaste espace de 289 km de largeur et 480 km de longueur simplement appelé Dangerous Ground. Nos cartes nautiques ont une ligne de sondages bathymétriques traversant cette région et réalisée en 1885. Nous avions évalué que le fond marin était plutôt plat mais que la profondeur ne dépassait pas 60 mètres dans cette région. Donc, nous devions nous déplacer à 20 nœuds avec seulement 10 à 20 mètres d’eau sous la quille (…).

(…) Alors que le navire de pêche se dirigeait vers le sud, il obliquait légèrement vers l’est et entrait dans une région du Dangerous Ground où nous ne pouvions pas le suivre. Jusque-là, alors que nous étions dans le Dangerous Ground, nous nous sentions en confiance car nous savions que le fond marin était relativement plat. Mais maintenant, le navire était dans une région couverte de rochers, bancs de sable et épaves (…) ».

A la lumière de ce texte, plusieurs détails peuvent attirer l’attention. Certes, l’un des objectifs de l’Amiral Larson est de montrer le courage et le savoir-faire de l’équipage du sous-marin et de regretter que celui-ci n’ait pas reçu les médailles et les décorations qu’il aurait méritées. Cependant, il est difficile d’admettre que l’équipage n’avait qu’une carte avec des sondages réalisés en 1885… Si l’on en croit l’auteur, l’équipage du sous-marin nucléaire aurait été moins bien équipé que les équipages des sous-marins de la seconde guerre mondiale ! Néanmoins, pour montrer la bravoure de l’équipage et surtout garder le silence sur les recherches bathymétriques secrètes, l’auteur parsème son récit de la traversée des Spratleys de clichés classiques tels une mer peu profonde et de nombreux récifs. Il est fort probable que la traversée du Dangerous Ground par le Sculpin avait d’autres motivations que de poursuivre un simple navire de contrebande d’armes. Un avion de type P-3 Orion accompagnait le sous-marin. Notre hypothèse est que la marine américaine n’aurait sans doute pas pris le risque d’utiliser un sous-marin nucléaire pour si peu. Il est plus raisonnable d’imaginer que le Sculpin avait, soit pour mission de collecter d’autres informations scientifiques sur le Dangerous Ground, soit de tester l’opérationnalité des recherches scientifiques précédentes.

Si un sous-marin nucléaire américain était capable de traverser sans encombre le Dangerous Ground, le risque est qu’un sous-marin nucléaire ennemi puisse en faire autant. Ainsi, la représentation stratégique du gouvernement philippin concernant cet espace maritime s’exprime par exemple dans la publication sur les Spratleys (Kalayaan island group) du ministère de la défense de 1982 :

« La région [Dangerous Ground] n’a jamais été suffisamment carto­graphiée mais il est connu qu’elle contient de nombreux îlots, récifs, atolls séparés par de profonds passages. Si une nation hostile peut cartographier cette région avec un degré tel qu’elle peut faire naviguer un sous-marin porteur de missiles balistiques, cette nation peut stationner des sous-marins de type Polaris et pourrait être capable de contrôler ou menacer une région dans un rayon de 4000 km contenant un tiers de la population mondiale dont l’ensemble de l’ASEAN. La bathymétrie de la région est telle qu’il n’est pas possible de détecter un sous-marin, donc il est impossible de contre attaquer[9]»

C) Contrôler les routes internes du « Dangerous Ground »

L’espace maritime du Dangerous Ground est donc structuré par des routes internes (voir carte 1), dont les deux axes nord-sud et est-ouest. Le choix d’occupation militaire des éléments géologiques semble suivre une logique de contrôle des routes internes. Ainsi, si en 1956 Taiwan n’occupe que l’île d’Itu Aba, le Vietnam va principalement occuper des ilots et des récifs qui contrôlent l’entrée ouest de la route est-ouest. Les Philippins, à partir de la fin des années 1960 privilégient le contrôle de la partie nord de la route nord-sud.

La Chine, arrivant bonne dernière dans la conquête des Spratleys n’a plus que des récifs pour s’installer. En expulsant les Vietnamiens de Fierry Cross en 1988, les troupes chinoises peuvent dorénavant contrôler les mouvements dans la partie ouest de la route est-ouest. En prenant le contrôle de Mischief reef en 1995, au cœur de la zone économique exclusive des Philippines, les Chinois peuvent observer, voire interférer avec les mouvements des Philippins le long de la route nord-sud. Les nouveaux polders chinois décrits ci-dessus permettent de renforcer la présence chinoise le long des routes nord-sud (Tizard Bank et Union Bank and reef) et est-ouest (London reef)

Ainsi, il est fort peu probable que la Chine accepte les décisions du tribunal qui seraient favorables aux Philippines. Ses positions sont renforcées au point qu’elle pourra rapidement bloquer le ravi­taillement des garnisons des Philippines toutes situées dans le nord. Dès le début de l’année 2015, des navires chinois tentaient de bloquer, par exemple, le ravi­taillement de la garnison de marines philippines située dans une épave volontairement échouée sur le Second Thomas shoal. Cette tentative créait un précédent, celui d’entraver la liberté de circulation au cœur même des Spratleys.

Or, si les États-Unis sont toujours restés neutres sur la question de la souveraineté sur les Spratleys, la limite à ne pas dépasser était la liberté de circulation des navires et avions au-dessus de la mer de Chine méridionale. Assisterions-nous à un changement d’échelle de la politique américaine ?

De fait, depuis le mois d’octobre 2015, la marine américaine organise des opérations de liberté de navigation (Freedom of Navigation Operation ou FONOP) autour de certains îlots ou récifs aménagés du Dangerous Ground. L’objectif de ces patrouilles ponctuelles est de veiller à la liberté de circulation dans cet espace disputé. Ce passage d’un concept très flou « la liberté de circulation en mer de Chine » à celui, beaucoup plus précis, de « liberté de circulation dans les Spratleys » comporte des risques accrus d’accrochages entre les marines chinoises et américaines.

Conclusion

Depuis le mois d’avril 2012, la situation en mer de Chine s’est profondément dégradée. La demande d’arbitration des Philippines a eu pour conséquence l’accélération des programmes de poldérisation des récifs tenus par les Chinois. Cette accélération des activités chinoises a aussi mis en valeur le rôle du contrôle des routes maritimes internes dans les Spratleys. Ces routes internes ont longtemps été tenues secrètes et structurent cet espace maritime. Leur contrôle permettrait à une puissance de menacer directement une partie du monde.

Il est donc nécessaire de neutraliser cette région et cela passe d’une part par s’assurer de la liberté de navigation au sein de ce territoire et d’autre part de faire signer un traité de dénucléarisation de cet espace (à défaut de le faire pour l’ensemble de la mer de Chine). Toute l’histoire des Spratleys depuis le 20e siècle a été d’éviter qu’une seule puissance puisse le contrôler. L’ASEAN, entre autres, devrait s’assurer que ce principe est respecté.

Bibliographie

Bonnet, François-Xavier, Geopolitics of Scarborough Schoal, Les Notes de l’Irasec nº14, 2012, http://www.irasec.com/ouvrage34.

Hancox, David et Prescott Victor, Secret hydrographic surveys in the Spratly islands, London 1999

Hayton, Bill,  The South China Sea the struggle for power in Asia, Yale University Press, New Haven and London, 2014.

International Crisis Group, Stirring up the South China Sea (III): A fleeting opportunity for calm, Asia report 267, 7 mai 2015.

Larson, Charles R (Admiral), The Sculpin’s lost mission: A nuclear submarine in the Vietnam war, Naval History magazine, Février 2008, Vol 22 nº1, http://www.usni.org/node/3692.

Quintos, Mary Fides A, Artificial islands in the South China Sea and their impact on regional (in)security, Center for International Relations and Strategic Studies, FSI Insights, Vol 2 nº2, mars 2015, http://www.fsi.gov.ph/wp-content/uploads/2015/03/2015-0305-Vol-2-No-2-FSI-Insights-Artificial-Islands-in-the-South-China-Sea-Quintos.pdf.

The Kalayaan islands, series one monograph n°4 Prepared by the Ministry of Defense, Secretariat to the Cabinet Committee on the Law of the Sea Treaty, 1982.

Notes de base de page

[1] François-Xavier Bonnet, Geopolitics of Scarborough Schoal, Les Notes de l’Irasec nº14, 2012, http://www.irasec.com/ouvrage34

[2] Conversations de l’auteur avec  le juge Antonio Carpio.

[3] International Crisis Group, Stirring up the South China Sea (III): A fleeting opportunity for calm, Asia report 267, 7 mai 2015, p.17

[4] Mary Fides A. Quintos, Artificial islands in the South China Sea and their impact on regional (in)security, Center for International Relations and Strategic Studies, FSI Insights, Vol 2 nº2, mars 2015, p.2 http://www.fsi.gov.ph/wp-content/uploads/2015/03/2015-0305-Vol-2-No-2-FSI-Insights-Artificial-Islands-in-the-South-China-Sea-Quintos.pdf.

[5] Voir sur cette question Bill Hayton, The South China Sea the struggle for power in Asia, Yale University Press, New Haven and London, 2014, notamment le chapitre 5. Il est souvent expliqué, par exemple, que la dispute sur le Scarborough shoal est liée à l’immense potentiel d’hydrocarbure. Ceci est pourtant faux puisque le shoal est situé sur la croute océanique (basaltique) et donc stérile pour les hydrocarbures. Le potentiel d’hydrocarbures est situé sur les plateaux continentaux des pays riverains de la mer de Chine méridionale et non en haute mer (où sont situées les îles Spratleys).

[6] David Hancox and Victor Prescott, Secret hydrographic surveys in the Spratly islands, London 1999, p.26

[7] François-Xavier Bonnet, The Spratleys : A past revisited, World Bulletin, Institute of International Legal Studies, University of the Philippines, Vol 23, Juillet-décembre 2004, p.20

[8] Admiral Charles R.Larson, The Sculpin’s lost mission: A nuclear submarine in the Vietnam war, Naval History magazine, Février 2008, Vol 22 nº1,  http://www.usni.org/node/3692

[9] The Kalayaan islands, series one monograph n°4 Prepared by the Ministry of Defense, Secretariat to the Cabinet Committee on the Law of the Sea Treaty, 1982, p.11