La République de Djibouti: du néant au cœur des enjeux de la géopolitique mondiale

Djama Omar Idle 1

¹ Djama Omar Idle est doctorant en géopolitique à l’université Laval.  Chercheur à l’institut d’Études Politiques et Stratégiques (IEPS) de Djibouti. Expertise en langue, culture et civilisation du monde arabo-musulman. Ancien ambassadeur et ancien enseignant à l’UQÀM et à l’université de Djibouti. omar_djama@yahoo.fr

RG, v5 n1, 2019


Résumé : La République de Djibouti adhère après son indépendance en 1977 à plusieurs aires culturelles et se définit comme une nation afro-arabe. Convoitée par les puissances régionales, elle a pu préserver son indépendance grâce à l’accord de défense signé avec la France, au soutien financier du monde arabe et à sa politique de neutralité vis-à-vis des problèmes de la Corne de l’Afrique. Ce jeune État est devenu le siège permanent de l’Autorité Intergouvernementale pour le Développement (IGAD). Pour faire valoir ses atouts stratégiques, Djibouti a entrepris en 1999 une politique d’ouverture sur la scène régionale et internationale. Sa situation géographique avantageuse sur le versant ouest du détroit de Bab-el-Mandeb et débouchant sur la mer Rouge et le golfe d’Aden, continue de susciter la convoitise des grandes nations développées tout comme des pays émergents. Ces puissances se bousculent pour s’installer dans cette minuscule nation moyennant une forte redevance annuelle. Plusieurs États y ont ainsi créé des bases militaires, notamment les Américains et les Chinois. Pourquoi cette République lilliputienne est-elle devenue l’un des centres de la géopolitique internationale ?

Summary : The Republic of Djibouti adheres after its independence in 1977 to several cultural areas and defines itself as an Afro-Arab nation. Coveted by the regional powers, it was able to preserve its independence thanks to the defense agreement signed with France, the financial support of the Arab world and its policy of neutrality about the problems of the Horn of Africa. This young state has become the permanent seat of the Intergovernmental Authority for Development (IGAD). To promote its strategic assets, Djibouti undertook in 1999 a policy of openness on the regional and international scene. Its advantageous geographical location on the western slope of the Bab-el-Mandeb Strait and leading to the Red Sea and the Gulf of Aden, continues to arouse the greed of major developed nations as well as emerging countries. These powers are jostling to settle in this tiny nation for a high annual fee. Several states have created military bases, including the Americans and the Chinese. Why has this Lilliputian Republic become one of the centers of international geopolitics?

Mots clés : Djibouti, Corne de l’Afrique, monde arabe, États -Unis, Chine, Bab-el-Mandeb, France, Autorité Intergouvernementale pour le Développement (IGAD).

Keywords: Djibouti, African Horn, Arab world, America, China, Bab-el Mandeb, France, Intergovernmental Authority on Development (IGAD).


Introduction

Située à la pointe de la Corne de l’Afrique réputée pour son instabilité politique, la République de Djibouti, en dépit d’une courte guerre civile 1991-1994, est connue pour être un pays stable et un pont entre l’Afrique et le Moyen-Orient. Comme les autres contrées africaines issues de l’œuvre coloniale occidentale, Djibouti est une création française. Après plus d’un siècle de colonisations, son indépendance a été proclamée, en 1977, dans un contexte géopolitique internationale où prédominait la guerre froide et dans un environnement sous régional d’extrême hostilité à son existence. Motivé par la mondialisation, et décider de capitaliser ses atouts stratégiques, ce jeune pays entreprend en 1999, une politique d’ouverture sur la scène mondiale. L’objectif recherché était de s’affranchir de ses relations exclusives avec la France et d’établir des liens de coopération large avec les pays du monde. Îlot francophone, l’ancienne colonie française a adhéré plusieurs organisations politiques et culturelles et se définit comme une nation afro-arabe. Sa situation géographique avantageuse sur le versant ouest du détroit de Bab el-Mandeb et dans la Mer-Rouge, suscite la convoitise des grandes nations développées tout comme les pays émergents. Ces puissances ne cessent de lui accorder un intérêt croissant et se bousculent pour prendre position sur ce minuscule territoire moyennant une forte redevance annuelle Ainsi plusieurs bases militaires ont été créées depuis 2002, à Djibouti par les grandes puissances notamment par les Américains et les Chinois.

Pour préserver sa souveraineté face aux menaces des puissances régionales qui la convoitent, Djibouti renforce d’emblée ses liens avec la France au travers d’un accord de défense et reçoit au même moment une importante aide financière se chiffrant à plusieurs millions de dollars des pays arabes. Puis le pays entame une politique d’adhésion à plusieurs organisations politiques. Cette démarche a eu pour résultat l’inscription de cette jeune nation dans le monde francophone, le monde arabe, le monde musulman et le monde africain. Pourquoi cette minuscule contrée, fait-elle l’objet de la convoitise des grandes puissances mondiales ? Cet article vise à analyser la géopolitique de Djibouti dans ses différentes échelles mais abordera aussi succinctement les principales raisons de la présence des forces américaines, européennes et chinoises sur le territoire djiboutien.

Figure 1. Djibouti et son espace régional afro-arabe

Source: Cahiers libres, http://cahierslibres.fr/wp-content/uploads/2014/01/map-of-djibouti.gif, c. le 27 mars 2019.

Processus de création et d’évolution de Djibouti

Au début du XIXe siècle, l’espace djiboutien n’est ni nommé ni pensé. Il ne s’agit pas alors d’un territoire, mais simplement d’un potentiel, d’un indéfini (Imbert-Vier, 2011). En effet, avant que la Corne de l’Afrique ne soit partagée entre les puissances coloniales, le territoire dont la France prendra possession, pour y créer en suite Djibouti, faisait partie intégrante d’un vaste espace dans lequel les pasteurs Somalis et Afars se déplaçaient en toute liberté. C’est un territoire vierge de toute forme d’organisation étatique au sens moderne du terme et la notion de frontière linéaire qui verra le jour avec l’arrivée des colons n’était pas encore connue sous le ciel de cette partie de l’Afrique. Ces visions venues d’ailleurs étaient en contradiction avec le mode de vie et de l’organisation socio-politique des pasteurs de la région. De ce fait, ils refuseront à se soumettre l’idée des frontières, le principe de la colonisation et le concept de sédentarisation propagé par le nouvel occupant du territoire. Cette situation obligea Paris à faire appel à des Yéménites pour gérer les affaires coloniales ; ils seront les premiers citadins de cette nouvelle colonie. C’est avec le temps que les Somali-Issas et les Afars sont parvenus partiellement à s’habituer à la vie urbaine.

Comme nombre des États issus de la décolonisation des années 1950-60, la République de Djibouti est le résultat d’un processus colonial français. C’est la France qui lui a fixé ses frontières, a déterminé sa configuration socio-spatiale, a défini sa fonction stratégique et son rôle d’interface (Barberie-Jimenez, 2018). Cette démarche visait à préserver ses intérêts coloniaux de l’époque qui consistait à disposer un point d’appui à l’entrée de la mer Rouge facilitant l’accès au plateau éthiopien empire indépendant mais brièvement occupée par l’Italie en 1936. L’État contemporain de Djibouti, correspond à un territoire et une identité crées par des interventions extérieures (Said Chiré 2012). La concrétisation de ce projet colonial français dans cette partie de la Corne de l’Afrique, sera ensuite qualifiée par les pays de la région, notamment l’Éthiopie et la Somalie, comme étant une anomalie géographie (Bouquet 2011).

Depuis 1862 jusqu’à la proclamation de son indépendance en 1977, Paris n’aura cessé de façonner ce territoire de telle sorte qu’il puisse répondre convenablement à ses ambitions coloniales.  Depuis le nord, elle étend sa colonie vers le Sud du pays où, elle a trouvé semble-t-il, les conditions idéales pour concrétiser son projet. Dans cette partie peuplée par les Somali-Issas, elle y fonde en 1888, une ville portuaire sortie du néant et ayant pour dénomination Djibouti dont le sens exact de son nom reste jusqu’à nos jours sujets à de multiples interprétations. L’absence d’unanimité sur ce patronyme est la raison qui a conduit aux trois groupes ethniques du pays, Somalis, Afars et Arabes originaires du Yémen, de disposer chacun de sa propre version.

La création de cette nouvelle ville dotée d’un port moderne et d’un chemin de fer liant Djibouti à Addis-Abeba, répond à deux impératifs prioritaires pour la colonisation : il s’agit tout d’abord, d’accéder à la richesse de l’Éthiopie et d’en détenir l’exclusivité du commerce extérieur. Dans un deuxième temps, Djibouti représente pour la France un port stratégique pour le ravitaillement et l’approvisionnement de ses bateaux en partance pour les lointaines colonies françaises en Indochine. Cette situation illustre parfaitement le rôle d’interface pour les intérêts des puissances extérieures que Djibouti est amené à jouer depuis sa création. Après plus d’un siècle de colonisation et de changement des appellations du territoire aussi nombreuses qu’éphémères comme Obock et dépendance, Côte française des Somalis et Territoire français des Afars et des Issas. Le petit pays accède à la souveraineté, sous une nouvelle dénomination : la République de Djibouti, qui est neutre et se place bien loin des appellations ethno-tribales.

L’indépendance et l’accord de défense avec la France

C’est dans un contexte géopolitique internationale où prédominait la guerre froide et dans un environnement sous-régional d’extrême hostilité à son égard que l’indépendance de Djibouti est proclamée le 27 juin 1977.  Ni l’Éthiopie ni la Somalie n’étaient disposés à accepter l’existence de ce petit pays en tant qu’État souverain. Sur le plan politique régional, Djibouti faisait l’objet de revendications de la part de deux puissances rivales de la corne de l’Afrique, l’Éthiopie et la Somalie Omar (Abdillahi, 2012).  En effet, ces deux puissances de la Corne la jugeaient comme une anomalie géographique créée par la colonisation. « Nous espérons que, lorsqu’elle se décidera à partir, la France nous donnera Djibouti » (Sélassié, 1970)[1]. L’Éthiopie a, depuis toujours, considéré Djibouti comme faisant partie intégrante de son territoire. Quant à la Somalie, l’ancienne côte française des Somalis était, à ses yeux, la cinquième province de la grande Somalie comme le stipule le drapeau national de ce pays[2].

De plus, tous les pays voisins de Djibouti, dont le Yémen du Sud, étaient communistes. Cette situation géopolitique régionale inquiétait les députés français qui ont réprimandé Olivier Stirn, homme politique français, chargé en 1974 par le Président Valéry Giscard d’Estaing, de préparer l’indépendance de Djibouti, l’accusant de livrer ce territoire stratégique aux puissances communistes de la région.  Le député de la Réunion Michel Debré l’avait interpellé en ces termes : « On ne devrait pas nommer de jeunes ministres comme toi à des responsabilités pareilles. Tu vas donner l’indépendance au Territoire français des Afars et des Issas. Dans six mois l’armée française aura quitté le site stratégique de Djibouti, et le pays sera communiste » (Stirn, 2009, p.1). La crainte du moment concerne bien sûr les poussées de fièvre irrédentiste des voisins de la nouvelle nation, l’Éthiopie et la Somalie. Mais aussi la peur que ce petit territoire, vigie de la mer Rouge et du détroit de Bab El Mandeb, ne bascule dans le camp communiste et ne rompe l’équilibre des puissances dans le cadre de la guerre froide (Ali, 2015, p.1).

Avant l’indépendance de Djibouti, l’Arabie Saoudite et l’Égypte, craignant les velléités expansionnistes et annexionnistes de l’Éthiopie et de la Somalie, affiliées au bloc pro-soviétique, avaient porté à la connaissance de la France leurs préoccupations de voir ces pays communistes mettre leurs menaces à exécution et ainsi hypothéquer la sécurité de Djibouti et celle du détroit de Bab el-Mandeb, crucial pour le transit du pétrole et du commerce international entre Europe, Proche-Orient et Asie via le canal de Suez.

En réponse aux inquiétudes exprimées par les députés français et les pays arabes, la France opta alors, avec l’approbation des dirigeants djiboutiens, pour une présence militaire permanente à Djibouti afin de contrer les éventuelles menaces. Elle y créa la plus importante base française en dehors de l’hexagone et y a maintenu un dispositif constitué des trois corps de l’armée française et dont l’effectif global se chiffrait à 4 500 hommes. Au même moment, Paris a signé un accord de défense avec la jeune République au terme duquel la France s’engage à protéger et à défendre non seulement l’existence de Djibouti en tant qu’État souverain mais aussi le régime pro-occidental en place, contre toutes les menaces extérieures. Cette nouvelle donne géopolitique estompa la convoitise de l’Ethiopie et de la Somalie et a permis à ce jeune État d’entreprendre avec assurance une politique d’intégration dans son environnement afro-arabe.

L’adhésion de Djibouti à la ligue Arabe

Aussi loin que l’on remonte dans l’Histoire, les peuples de la Corne de l’Afrique, dont celui de la République de Djibouti, ont entretenu des rapports suivis avec l’Arabie voisine. Il en est né des liens solides que l’avènement de l’Islam a considérablement approfondis. La République de Djibouti est un Îlot francophone entouré par des pays anglophones et arabophones. Si son isolement linguistique pendant la période coloniale ne posait aucun problème, en revanche, une fois son indépendance proclamée, cette situation ne s’accommode plus avec l’ambition de la jeune nation désireuse de s’affranchir de l’emprise coloniale et de s’intégrer dans son environnement géopolitique immédiat : l’espace arabe et africain. C’est le 4 septembre 1977 que la République de Djibouti est admise officiellement comme membre de la Ligue arabe, elle devient à cette occasion, après le Soudan et la Somalie, le troisième pays d’Afrique noir de cette organisation. Si la proximité géographique, les liens historiques, religieux et culturels ont été les éléments les plus pertinents qui ont contribué à son adhésion à ce bloc.  Son intérêt stratégique sur le Bab-el-Mandeb et dans la mer -Rouge, a été néanmoins un facteur déterminant dans la décision des leaders de l’accueillir comme membre. En effet, inclure Djibouti dans cet espace correspond à la concrétisation partielle du projet des dirigeants nationalistes comme Nasser et les baasistes lequel consistait dans les années soixante-dix à faire la mer-Rouge une mer arabe.  Dans ce sens, il faut rappeler que le soutien apporté par ces leaders à la guérilla érythréenne durant sa lutte contre l’Éthiopie pour lui couper l’accès à la mer faisait partie intégrante de de cette stratégie selon Fahmi El-Hag[3]. Car pour les nationalistes et les baasistes depuis le Golfe arabo-persique jusqu’à l’Atlantique en Mauritanie, la population de cet étendu territoire forme une seule nation indivisible.

Dans ce sens, les pays riverains de la mer-Rouge comme le Soudan, la Somalie, Djibouti et Érythrée malgré leurs spécificités devraient intégrés à ce bloc politique.  Pour le moment seule l’Érythrée ne fait pas partie de cet espace. Soucieuse de la volonté annexionniste de ses voisins immédiats, l’Éthiopie et la Somalie, être membre de cette organisation signifie pour la petite République, de bénéficier d’un soutien politique, militaire et économique.

A travers le soutien politique de la Ligue arabe, Djibouti visait à se placer sous le parapluie des principaux pays arabes notamment de l’Égypte et de l’Arabie Saoudite alliés de l’Occident et qui s’opposaient idéologiquement aux pays communistes qui menaçaient l’existence de Djibouti. Cette démarche djiboutienne était aussi un verrou sécuritaire supplémentaire qui complétait l’accord de défense que ce petit pays avait signé avec la France en 1977. En ce qui concerne l’appui économique des nations de la péninsule en faveur de cet État nouvellement indépendant, il consistait à lui permettre de consolider son existence, sa souveraineté et de s’acquitter de ses obligations étatiques. De ce fait, le don total octroyé à ce petit État au moment de son indépendance par la Ligue arabe s’élevait à plus 21 millions de dollars (Houmed, 2002).

Les étapes de la politique d’arabisation de Djibouti

Une fois que son adhésion au monde arabe fut devenue officielle, Djibouti a entrepris une politique d’arabisation du pays par l’introduction de l’enseignement de l’arabe dans le système éducatif national. L’objectif visé étant de réhabiliter et raffermir une identité nationale bafouée par plus d’un siècle de colonisation. En effet, la politique de francisation des autorités coloniales ainsi que la tentative de christianisation menée par l’Église auprès de la progéniture des anciens pasteurs ont été vécues par la population locale comme une sérieuse menace contre la religion et les cultures de ces bédouins. Bien que Djibouti soit situé sur le continent africain, les Djiboutiens ont toujours eu le sentiment d’être plus proche des Arabes (Al-Hag, 2017). Au-delà de la langue, l’Islam et plus généralement la culture arabo-musulmane sont une partie intégrante de l’identité djiboutienne. Ce sentiment d’appartenance et de partage des valeurs communes avec le monde arabe s’inscrit dans la définition de Sir Hamilton Gibb précisant que : « Sont arabes tous ceux pour qui la mission du prophète Mahomet et le souvenir de l’empire islamique constituent les faits marquants de l‘Histoire, et qui chérissent la langue arabe et son héritage culturel comme leur bien commun » (Lewis, 1996 : 14).

Le gouvernement de Djibouti, après une période difficile entre 1977 et 1982, promut l’enseignement de la langue arabe à partir de la 5ème année du primaire. L’ALESCO (Organisation arabe pour l’éducation, la culture et les sciences) et des États affiliés comme l’Irak, l’Arabie Saoudite et le Yémen ont participé activement à la première phase de l’arabisation et malgré les difficultés rencontrées, cette politique gouvernementale a connu un bon succès. En 1999, la seconde étape de ce projet est entamée par les autorités. Comme le français, l’enseignement de l’idiome du Coran commence désormais dès la première année de l’école primaire (cours d’initiation). Cette initiative vise à renforcer la place de cette dernière et tente de former une génération parfaitement bilingue qui sera capable, le cas échéant, d’aller chercher du travail dans l’autre côté de la mer-Rouge dans la péninsule arabique. Cette démarche est aussi une manière d’inscrire définitivement la République de Djibouti dans son environnement géopolitique. En plus du système éducatif, l’utilisation de cette langue est présente dans les médias (radio, télévision, presse), les enseignes des ministères et autres lieux publics sont désormais en arabe et en français. Le pays dispose d’un quotidien publié entièrement dans la langue de Naguib Mahfouz (prix Nobel de littérature 1988) et qui se nomme Al-Qarn, qui veut dire la Corne. Le nombre sans cesse croissant de Djiboutiens diplômés des universités saoudiennes, égyptiennes, occupant des responsabilités dans toutes les échelles du pays démontre l’indéniable succès de la politique de l’arabisation de cette République africaine. De ce fait, au sein de la Ligue, Djibouti jouit une spécificité toute particulière, car il est le seul membre de cette institution à disposer de deux langues officielles : le français et l’arabe.

Djibouti-monde arabe : d’excellentes relations diplomatiques et économiques

La diplomatie de Djibouti dans le monde arabe est essentiellement orientée vers une diplomatie économique et commerciale. S’agissant de la diplomatie économique, les diplomates ont pour mission principale de faire la promotion de Djibouti auprès des investisseurs et des institutions financières arabes pour leur convaincre de participer au financement des projets de développement en cours à Djibouti. Le ministre des Affaires Étrangères avait précisé cette démarche politique en ces termes : « au même titre que les autres secteurs économiques, moteurs du développement durable, la politique étrangère de notre pays se caractérise par sa transversalité et se situe dans la dynamique de la croissance » (Ali Youssouf, 2015). Il n’est donc pas surprenant de remarquer que ce jeune pays dispose la majorité de ces missions diplomatiques dans l’espace arabe notamment en Arabie Saoudite, au Koweit, au Qatar, aux Émirats Arabes Unis, au Maroc, en Égypte, au Yémen etc. Depuis 1977 jusqu’à présent, la coopération économique entre Djibouti et le bloc arabe est excellente et le nombre des projets financés grâce aux capitaux privés et publics des pays du Golfe se multiplient sur le sol national. C’est ainsi que le port ultramoderne de Doraleh a été réalisé en partenariat avec DP World, un opérateur portuaire émirati, dans les années 2000. C’était bien avant que les Chinois ne s’intéressent à investir à Djibouti.

Aussi, le projet du complexe universitaire de Balbala disposant d’une capacité d’accueil de plus de 15 000 étudiants a été entièrement financé par Fonds Arabe pour le Développement Économique et Social (FADES). Enfin, des écoles, des hôpitaux, des routes comme celle du Roi Fahd reliant Djibouti à Tadjourah, au nord du pays, la construction des quartiers entiers comme les cités Hodane et 1 et 2, Makka al-Mukarama, Barwaqo, des mosquées, etc., ont été entièrement financés par des fonds arabes. En ce qui concerne la diplomatie commerciale, avant la Chine ne devienne son premier partenaire économique et commercial l’essentiel des produits consommés à Djibouti provenaient des pays arabes limitrophes et les ambassades djiboutiennes facilitaient ces échanges et épaulant sérieusement les hommes d’affaires.

Djibouti, terre de rencontres et d’échanges

Revigorée par ses appartenances culturelles plurielles et réconfortée par la signature de l’accord de défense avec la France et le soutien économique des pays arabes, la République Djibouti entre sur la scène politique régionale et internationale avec plus d’assurance et de confiance. Elle commence par mettre en place une approche inédite dans la sous-région.

Puis entreprend la promotion de son concept de neutralité positive auprès de tous les pays de la sous-région et notamment ceux qui la convoitent. Ce fut la ligne constante de sa politique extérieure dont l’objectif primordial était de préserver son existence et sa souveraineté. Cette vision visait aussi à lui garantir une place dans la sous-région tout comme dans le concert des nations. La philosophie de cette démarche consistait à éviter que Djibouti ne soit accusée de pencher pour l’un ou pour l’autre des protagonistes, Éthiopie ou Somalie, ou de s’aligner sur la position de l’une ou l’autre des puissances régionales qui la convoitaient et la revendiquaient.  Il s’agissait en outre de maintenir Djibouti à la même distance vis-à-vis des pays de la Corne et d’observer une stricte neutralité à propos des différends politiques ou territoriaux qui les opposent.

Cette politique lui a permis de se tenir bien loin des conflits de la région et de traverser le tourbillon régional et les vicissitudes de l’histoire de la Corne de l’Afrique. Cette ligne directrice de la diplomatie djiboutienne est en parfaite symbiose avec le concept de « terre des rencontres et des échanges » qui est slogan du pays depuis la proclamation de l’indépendance nationale, en 1977.  Fort de sa neutralité reconnue par les pays de la Corne de l’Afrique, Djibouti s’est imposé comme un acteur dynamique dans la recherche de la paix, de la réconciliation et de la stabilité dans la sous-région.

Djibouti, capitale politique des pays de l’Afrique Orientale.

La politique de neutralité adoptée par Djibouti semble avoir été appréciée par les principaux acteurs sur la scène régionale et internationale. Ainsi, le minuscule État après avoir gagné la confiance de ses partenaires régionaux commence à endosser son nouveau rôle de médiateur pour la recherche de la paix dans la corne de l’Afrique. De ce fait, il a invité les présidents somalien et éthiopien à convenir d’une paix durable pour mettre un terme définitif à la guerre de l’Ogaden de 1977-1978, et ainsi dessiner des perspectives de développement pour la région. Cette initiative djiboutienne a été couronnée de succès car les deux dirigeants se sont réconciliés à Djibouti, en 1986. Quelle ironie de l’histoire ! C’est dans le petit pays qu’ils projetaient d’annexer au moment de son indépendance qu’a été finalisée cette réconciliation. Cette paix signée entre les deux présidents en terre djiboutienne a constitué une victoire diplomatique pour ce jeune État. Dans la foulée de la concrétisation de la paix entre la Somalie et l’Éthiopie, les dirigeants de la Corne ont annoncé la création en 1986 d’une organisation dénommée l’IGAD (InterGovernmental Authority for Development, Autorité intergouvernementale pour le développement) et dont la mission première est d’œuvrer pour la paix et le développement dans la région. Pour honorer les efforts de Djibouti dans la réconciliation somalo-éthiopienne, les leaders choisissent Djibouti comme siège permanent de cette organisation. Celle-ci regroupe les huit pays de l’Afrique Orientale : Djibouti, Somalie, Éthiopie, Érythrée, Soudan (Nord et Sud), Kenya et l’Ouganda. La superficie globale des pays membres est de 5,2 millions de km² pour une population de 230 millions d’habitants. Depuis lors, le rôle de Djibouti dans cette partie de l’Afrique ne cesse de s’affirmer tout autant dans l’interconnectivité régionale (infrastructures routières, électricité, adduction d’eau entre l’Éthiopie et Djibouti, chemin de fer) que dans la recherche de la paix en Somalie à travers l’organisation des conférences et médiations ou en participant militairement aux forces de maintien de la paix dans cet État failli.

Bien qu’elle soit réputée dans la région pour son attitude pacifique, la République de Djibouti sait défendre militairement son territoire lorsque les circonstances l’y obligent comme c’était le cas en 2008 face à la convoitise érythréenne à Ras-Doumeira, dans le nord du pays. Le différend territorial opposant l’Érythrée à Djibouti a vu le jour avec l’indépendance de l’Érythrée en 1993. Ce nouvel État revendique cette partie du territoire djiboutien en se basant sur un accord franco-italien signé en janvier 1935 (Laval-Mussolini). Selon cet accord, la France devrait céder cette portion du territoire à l’Italie qui était l’ancienne puissance coloniale de l’Érythrée. Toutefois, l’accord en question n’a jamais été ratifié ni par la France et encore moins par l’Italie. De plus, la remise en cause de l’intangibilité des frontières par l’Érythrée, constitue une infraction de la charte de l’Union Africaine (UA). Malgré l’illégalité de l’accord, l’Érythrée continue à s’entêter dans sa démarche. En 2008, elle déclenche un conflit armé avec Djibouti, provoquant des morts, des prisonniers et des disparitions d’hommes. A voir de près, la persistance de la revendication érythréenne sur ce territoire pose un sérieux problème pour la crédibilité de Djibouti comme pays qualifié de havre de paix et lui empêche par la même occasion de se lancer dans des grandes réalisations, comme le projet de Madinat Noor devant être édifié dans les deux versant de Bab-el-Mandeb. Celui-ci a été abandonné à cause du conflit armé avec l’Érythrée mais aussi à cause de la crise qui perdure au Yémen

Djibouti au cœur de la convoitise des puissances mondiales

En 1999, lorsque l’actuel président M. Guelleh, arrive au pouvoir, cet événement n’est pas seulement une alternance politique à la tête du pays, c’est aussi un moment de remise en cause de la relation duale qui lie Djibouti à la France, depuis son indépendance en 1977.

Ce changement, intervient à un moment où Djibouti traversait une crise économique due à la guerre civile que le pays avait connue entre 1991 et 1994. En effet, les Afars, l’une des principales ethnies du territoire, s’estimant marginalisés, avaient pris les armes contre le régime. Elle a pris fin à la suite de la signature d’un accord de paix conclu entre le gouvernement et les rebelles Afars en décembre 1994.  Cette guerre avait vidé les caisses de l’État et les autorités djiboutiennes ne disposaient plus de fonds pour faire fonctionner le pays. De plus, elles étaient confrontées aux dures conditionnalités que lui imposait le programme ajustement structurel (PAS) édicté par le Fonds monétaire international et la Banque mondiale. Mais ce processus fut éprouvant : il a fallu traverser une guerre civile, une récession économique, un ajustement structurel… À chaque étape, la jeune nation a dû faire preuve de persévérance pour que l’essentiel – la survie du pays – ne puisse être remis en question (Ali, 2015).

La République de Djibouti était en proie à de graves difficultés financières. Ses fonctionnaires connaissaient plus de 8 mois de retard de salaire et la France avait refusé de lui venir en aide financièrement tout comme elle avait décliné la proposition de Djibouti consistant à transformer son territoire en une zone franche française à ciel ouvert moyennant un loyer annuel de 150 à 200 millions de francs français. En outre, à la suite de la première guerre du Golfe en 1991, les pays arabes traversaient eux aussi une période de crise économique. De ce fait l’aide financière arabe à Djibouti se faisait rare. La présidentielle de 1999 s’est déroulée dans un climat de tension sociale et politique, sur fond d’une crise économique sans précédent (Ali, 2015).

C’est dans cette situation de crise économique d’une part et de mésentente politique avec l’ancienne puissance coloniale d’autre part que la nouvelle équipe gouvernementale a pris le leadership du pays en mai 1999.

Cette nouvelle équipe gardait en tête la déclaration du ministre français de la Défense, M. Alain Richard, qui précisait dans les colonnes du journal économique Les Échos que « la France porte l’économie de Djibouti à bout de bras » (Dupont, 1998). Cette déclaration du ministre a été mal perçue à Djibouti car au même moment l’ancienne puissance tutelle avait commencé à diminuer l’effectif de son armée stationnée à Djibouti. Le gouvernement djiboutien de l’époque avait formé une commission ad hoc pour étudier la véracité de tels propos. Elle en conclut après étude comptabilisant toutes les facilités accordées à l’armée française que la partie djiboutienne contribuait bien plus que la France à la coopération entre les deux pays.

La conclusion de cette étude a convaincu la jeune République de concevoir en 1999, une stratégie visant à se libérer de la relation exclusive et désavantageuse qu’elle entretenait avec la France.  En effet, le petit État afro-arabe estimait que l’exclusivité relationnelle qu’elle partageait avec l’ancienne puissance coloniale limitait sérieusement son ambition de faire valoir ses atouts stratégiques sur la scène régionale et internationale.

De plus, la volonté de Djibouti de diversifier ses relations avec d’autres pays à travers le monde, était confortée par la mondialisation qui facilitait le dépassement des liens bilatéraux et l’amorce de la pluralité des relations dans la coopération économique.

Consciente du nombre de possibilités avantageuses qu’elle pouvait tirer de sa nouvelle approche, Djibouti s’est engagé dans une profonde réorientation de sa politique étrangère. Tout en respectant les principes fondamentaux de sa diplomatie notamment en matière de neutralité, elle mit en place une politique d’ouverture du pays sur la scène africaine, arabe et mondiale. Arrivé au pouvoir en 1999, le président Ismaïl Omar Guelleh consacre l’essentiel de son temps à inscrire sur la carte de la mondialisation cette ancienne colonie française à l’existence toujours précaire, mais dont la situation géostratégique, au confluent de la mer Rouge et du golfe d’Aden, est unique et suscite bien des convoitises (Soudan, 2014). L’objectif principal de la nouvelle vision présidentielle était de donner plus de visibilité à son pays sur la scène régionale et mondiale et d’attirer le plus grand nombre d’investisseurs étrangers tout comme les puissances internationales désireuses d’établir des bases militaires sur le sol national. En effet, le président Guelleh a réitéré sa pensée lors de son discours d’inauguration de l’Institut Études Diplomatiques de Djibouti (IED) le 25 mai en ces termes : « l’IED est un outil au service de la diplomatie djiboutienne pour renforcer les capacités du pays en formant les hommes et les femmes qui sont appelés à s’exprimer et à agir partout dans le monde au nom du pays ». (La Nation, 2015)

De Cuba à la Chine en passant par la Russie, l’Allemagne, la Turquie, le Maroc, les pays arabes du Golfe, le Kenya, l’Inde, la création des nouvelles ambassades djiboutiennes se multiplia à travers les continents. C’était une diplomatie qui se voulait globale et dont la mission primordiale consiste à faire la promotion de Djibouti pour la libérer de sa relation duale avec la France.

Figure 2. – Les bases militaires dans l’agglomération de Djibouti.Source : S. Piantoni, Université de Reims,  dans Martineau (2018).

Grâce à son privilège positionnel sur le Bab el-Mandeb et dans la mer-Rouge, Djibouti est un exceptionnel pivot facilitant les liaisons maritimes entre l’Europe et l’Asie d’une part, l’Afrique et l’Arabie d’autre part. Cette situation illustre son incontournable rôle de carrefour entre les continents. Sa proximité avec les pays arabes du Golfe dont le sous-sol renferme les 2/3 des réserves mondiales d’hydrocarbure ainsi que sa situation de – trait d’union- entre la Péninsule arabique et le continent africain, demeurent d’excellents atouts qui concourent tous à valoriser la position stratégique de cette petite République sur l’échiquier international.

La politique d’ouverture entreprise par Djibouti en 1999 semble avoir atteint ses objectifs. En effet, libérée de sa relation exclusive avec la France, et grâce à la multiplicité de ses ambassades à travers le monde. Le minuscule État commence à se faire connaitre sur la scène internationale. Bien évidemment, sa situation géographique hautement stratégique contribua à susciter la convoitise des puissances planétaires auxquelles Djibouti exigea de débourser des sommes importantes pour s’y installer. Le commerce des bases militaires auquel se livre Djibouti constitue la promesse pour le pays d’accéder à un meilleur destin puisqu’il accueille depuis 2017 les principales armées de la planète (Martineau, 2018). Celles-ci se conformèrent aux conditions du pays hôte y compris la France. L’ancienne protectrice de Djibouti est assujettie à payer un loyer pour sa base au même titre que les autres forces présentes sur le sol national. Elle paie la somme de 40 millions d’euros par an. Selon les propos d’un diplomate américain, « la République de Djibouti est la plus petite des nations africaines mais aussi la plus convoitée » (Leymarie, 2003).  Dans le même ordre idée, le journal écrivait dans ses colonnes « le petit État djiboutien est devenu, pour Washington, un utile point d’appui, avec des capacités d’entraînement, et les services d’un port et d’un aéroport modernes » (ibid).

L’installation d’une base militaire américaine, en 2002, représenta véritablement un tournant historique pour Djibouti. En effet, gagner la confiance de la plus importance force mondiale représente une victoire pour la diplomatie djiboutienne. Il s’agit de la première base des États-Unis en Afrique. Les forces européennes de la mission Atalante destinée à combattre la piraterie dans le Golfe Aden, l’ont suivi en 2008. Les grandes nations asiatiques sont aussi parties prenantes de cet engouement pour Djibouti et c’est le Japon qui s’y installe en premier en 2011 pour construire sa première base militaire hors de son territoire depuis la fin de la Seconde guerre mondiale. La Chine, qui entretient des relations diplomatiques avec Djibouti depuis son indépendance en 1977, y a inauguré sa première base militaire à l’étranger en 2017. Quant à la France, elle dispose depuis 1977 d’une base militaire à Djibouti.

Disposer une base à Djibouti devient alors pour les grandes puissances internationales non seulement une priorité absolue lorsqu’on veut préserver ses intérêts dans cette partie du monde hautement stratégique, mais c’est aussi une question de prestige national lorsqu’on ambitionne de jouer un rôle central dans les affaires mondiales. La présence de ces bases enrichit la République de Djibouti car la rente géostratégique que ces acteurs étrangers versent annuellement dans l’économie du pays atteint 143 millions de dollars. Préserver et veiller sur les intérêts de leurs nations demeure la principale motivation de la présence des forces étrangères sur la scène locale. Cette situation place le territoire de Djibouti au cœur des enjeux de la guerre d’influence que se livrent les Américains, les Européens et les Chinois. Pour les Occidentaux, leur présence dans ce jeune État est exclusivement d’ordre sécuritaire. Il s’agit de sécuriser la navigation dans le détroit de Bab el-Mandeb et dans la mer-Rouge, itinéraire stratégique de la principale route maritime mondiale entre l’Europe, Moyen-Orient et Asie et transitant également par le Canal de Suez et le détroit de Malacca. Mais aussi de lutter contre la piraterie menaçante les navires dans le Golfe d’Aden et les côtes somaliennes.

Par contre, la raison de la présence chinoise à Djibouti s’articule sur deux éléments complémentaires. Il s’agit certes, tout comme pour les Occidentaux d’une approche sécuritaire consistant à assurer la sécurité du Bab-el-Mandeb par où transitent le pétrole et le commerce international d’une part. Mais l’installation de cette base ne se limite pas à ce rôle de surveillance du trafic. La force militaire de Pékin a aussi pour mission de veiller sur les investissements économiques chinois dans la Corne de l’Afrique et sur ses intérêts en matière d’hydrocarbures dans la péninsule arabique, d’autre part. Elle fait partie d’une une vision stratégique chinoise qui place Djibouti au centre de nombreux projet de l’empire du milieu et ce pour illustrer l’importance qu’accorde Pékin à Djibouti : c’est un levier militaire d’importance qui consiste à appuyer une coopération diplomatique et économique. Ainsi, les investissements chinois interviennent dans plusieurs domaines notamment les infrastructures routières, portuaires, aéroportuaires, les chemins de fer, l’eau, la zone franche, la construction publique et privée (Maison du peuple et le Palais présidentiel entre autres). Cette approche chinoise en terre djiboutienne fait partie intégrante du projet de la nouvelle route de la soie Belt and Road Initiative (BRI) que la Chine promeut en Asie et en Afrique.

Conclusion

La République de Djibouti adhère après son indépendance en 1977 à plusieurs aires culturelles et se définit comme une nation afro-arabe. Convoitée par les puissances régionales elle a pu préserver son indépendance grâce à l’accord de défense signé avec la France, au soutien financier des pays arabes et sa vision de neutralité vis à vis des problèmes des pays de la sous-région. Cette politique djiboutienne a convaincu les dirigeants de la sous-région à faire de Djibouti le siège permanent de l’IGAD et un centre pour la réconciliation régionale. Motivé par la mondialisation ce jeune État a entrepris en 1999 une politique d’ouverture sur la scène régionale et internationale.

Cette nouvelle approche a permis la mise en valeur des atouts stratégiques du pays, attirant ainsi des investisseurs et des puissances internationales désireuses de s’établir dans ce micro-État.  La situation géographique avantageuse de Djibouti sur le versant ouest du détroit de Bab el-Mandeb et débouchant sur la mer-Rouge et le golfe d’Aden, continue de susciter la convoitise des grandes nations développées tout comme des pays émergents. Ces puissances lui accordent un intérêt croissant et se bousculent pour prendre position sur ce minuscule territoire moyennant une forte redevance annuelle. Ainsi plusieurs bases militaires y ont été créées depuis 2002 par les grandes puissances, notamment par les Américains et les Chinois. De ce fait, la République de Djibouti est devenue le pays dans lequel il y a la plus grande concentration de bases militaires sur l’échiquier mondial. Elle en tire une rente substantielle se chiffrant à plusieurs millions de dollars par an. Cette situation place Djibouti au cœur des enjeux de la géopolitique internationale et son corollaire de guerre d’influence que se livrent les Occidentaux et les Chinois au tour de ce territoire et dans la sous-région. Jusqu’à présent ce jeune État semble gérer convenablement cette présence multiple. Il arrive à concilier, sur son territoire, les intérêts divergents. Mais pour combien de temps ?


Notes

[1] Déclaration faite sur le perron de l’Élysée le 16 juin 1970, par l’Empereur de l’Éthiopie Haïlé Sélassié lors de sa visite au Président français, Georges Pompidou.

[2] Le drapeau de la Somalie est de couleur bleu ciel et au centre se trouve une étoile avec cinq branches représentant les cinq territoires formant la grande Somalie et qui sont : la Somalie italienne, la Somalie anglaise, la Somalie éthiopienne (Ogaden), la Somalie kenyane (NFD) et la Somalie française devenue l’actuel Djibouti.

[3] Ancien ministre, ancien député et conseiller du président de la République chargé du monde arabe depuis 1999. Entretien avec l’auteur à Djibouti, juin 2017.


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