Claudia Lamontagne
Candidate à la maîtrise en droit international à l’Université du Québec à Montréal. Ses intérêts de recherche portent principalement sur le commerce international des déchets et plus généralement sur le droit international et la science politique.
lamontagne.claudia@courrier.uqam.ca
RG v8n1, 2022
Résumé : En 2018, la Chine a fermé ses frontières à certaines catégories de déchets, dont les déchets plastiques, ce qui a eu pour effet de relocaliser les flux de déchets des principaux exportateurs (pays du Nord) vers d’autres pays en Asie et en Afrique. Cet article soutient que cet évènement a contribué à la reproduction des échanges écologiques inégaux.
Mots-clés : déchets, commerce international, Chine, environnement, échanges écologiques inégaux.
Abstract : In 2018, China closed its borders to certain categories of waste, including plastic waste, resulting in the relocation of waste flows from major exporters (Northern countries) to other countries in Asia and Africa. This paper argues that this event has contributed to the reproduction of ecologically unequal exchange.
Keywords : waste, international trade, China, environment, ecologically unequal exchange.
Introduction
En mars 2018, la Chine a mis en place une politique environnementale, la National Sword (O’Neill, 2019, p.147) qui vise à interdire l’importation de plusieurs types de déchets (Brooks & al., 2018, p.1). Dans la notification émise à l’OMC, la Chine interdit l’importation de 24 sortes de déchets solides, notamment les déchets plastiques. À cet effet, le ministère de l’Environnement ainsi que d’autres ministères soulignent que les déchets importés en Chine sont souvent un mélange de déchets solides, qui pourraient être réutilisés et des déchets dangereux ou contaminés. Ainsi afin de protéger l’environnement et la santé humaine, la Chine décide d’interdire l’importation de déchets solides contaminés (Organisation Mondiale du Commerce, 2017). La Chine est un acteur important dans le commerce international de déchets détenant 27,7% des importations mondiales (Bernard & al., 2012, p.108). Depuis 1992, elle a importé environ 45% des déchets plastiques totaux dans le monde (Brooks & al., 2018, p.1). Ainsi, cet évènement a un impact sur les exportateurs qui empilent présentement leurs déchets : les États-Unis (premier exportateur de déchets avec 26% des échanges mondiaux), le Canada, l’Australie, le Japon, la Corée du Sud, et l’Europe (Brooks & al., 2018, p.1 ; Tran & al., 2021, p.3). Ces derniers se retrouvent avec des quantités importantes de déchets à gérer, c’est-à-dire qu’ils doivent soit, trouver un endroit où les exporter ou bien les traiter eux-mêmes. Donc, environ 111 tonnes métriques de déchets plastiques devront être relocalisées ailleurs dans le monde, et ce d’ici 2030 (Brooks & al., 2018, p.1). Cette situation risque d’engendrer des échanges écologiques inégaux, c’est-à-dire un déplacement de la charge environnementale soit, des dommages environnementaux causés par l’exploitation des ressources naturelles et les activités d’élimination des déchets (Jorgenson, 2016, p.6). Historiquement, ces activités ont eu lieu principalement dans les pays moins développés au bénéfice des pays développés (Hornborg & al., 2016, p.329-330 ; Jorgenson, 2016, p.6).
Dans ce contexte, certaines questions se posent : comment cette politique transforme-t-elle les flux commerciaux de déchets plastiques depuis 2017-2018 ? Comment influence-t-elle les échanges écologiques inégaux? La thèse qui sera soutenue est que la politique chinoise de la National Sword a provoqué une relocalisation des flux de déchets plastiques vers d’autres pays ce qui a favorisé la reproduction des échanges écologiques inégaux. D’abord, les principaux pays exportateurs ont trouvé des alternatives pour continuer l’exportation des déchets plastiques, notamment en Asie et en Afrique reproduisant ainsi les échanges écologiques inégaux. Ensuite, malgré la mise en place de politiques et d’initiatives des pays en développement et des pays développés en lien avec les déchets plastiques, les échanges écologiques inégaux ont toujours lieu. Finalement, la solution de l’économie circulaire a été relocalisée elle aussi, au même titre que les flux physiques de déchets et contribue aux échanges écologiques inégaux.
1. Les impacts géographiques sur la circulation des déchets plastiques
D’abord, la fermeture de la frontière chinoise aux déchets plastiques entraîne une relocalisation des flux commerciaux de déchets favorisant ainsi la reproduction des échanges écologiques inégaux. En effet, certains pays développés ont continué leur exportation de déchets en les relocalisant vers l’Asie et l’Afrique (UN Environment, 2018). Ces derniers importaient déjà des déchets plastiques, toutefois, leurs importations ont augmenté considérablement suite à cet évènement, car les pays développés qui se fiaient à la Chine pour gérer leurs déchets plastiques ne disposaient pas des installations nécessaires pour recycler leurs propres déchets (Wang & al., 2020, p.11). De plus, cette analyse se concentre particulièrement sur l’Afrique et l’Asie pour deux raisons. Premièrement, environ 75% des déchets plastiques exportés à travers le monde seraient envoyés vers l’Asie (Liang & al., 2021, p.243). Deuxièmement, les pays d’Asie et d’Afrique ont un faible coût de traitement et d’élimination des déchets et une main-d’œuvre abondante dans l’industrie du recyclage ce qui est attrayant pour les pays développés qui souhaitent exporter leur déchet à un coût compétitif (Wang & al., 2020, p.4).
1.1. L’origine de l’importation des déchets en Chine
Dans les années 1990, la Chine s’est industrialisée et à ce moment elle a commencé à importer de plus en plus matériaux recyclables (Brooks & al., 2018, p.1). De 1997 à 2012, l’importation des déchets plastiques en Chine est passée d’une valeur approximative de 476 millions de dollars US à 8 milliards de dollars US (Xia, 2019, p.1113). Cependant, si cela a été avantageux pour la Chine, les impacts environnementaux négatifs l’ont poussée à adopter la National Sword pour interdire l’importation de certains déchets. Auparavant, le commerce international des déchets plastiques permettait à la Chine de les recycler et de créer de nouveaux produits à plus faibles coûts. Or, cela est devenu indésirable puisqu’elle peut recycler ses propres déchets plastiques et réduire les impacts néfastes pour l’environnement et la santé des populations (Qu & al., 2019, p.253).
En effet, après l’entrée en vigueur de l’interdiction d’importation de déchets plastiques en Chine, les pays développés ont continué d’exporter leurs déchets vers des endroits alternatifs, c’est-à-dire des pays en développement. Cet intérêt pour le commerce de déchets peut être expliqué de la façon suivante :
Countries engage in this trade for economic benefits. Developing countries import plastic waste to decrease the manufacturing cost of plastic products and to earn hard currency. Developed countries save the cost of waste disposal. Gradually, the developing countries have become dumpsites, and China has become an unrivaled colossus in the global plastic waste trade. The developed countries have therefore lost the motivation to build new disposal facilities (Wang & al., 2020 :11).
En d’autres mots, les pays développés qui exportaient leurs déchets plastiques vers la Chine ne disposent pas des installations pour traiter leurs propres déchets. C’est pourquoi ils ont continué d’exporter leurs déchets vers d’autres pays comme la Malaisie, la Tanzanie ou encore la Thaïlande.
1.2. En Malaisie
Dans les cinq années précédant la National Sword, la Malaisie se trouvait parmi les principaux importateurs de déchets plastiques d’Asie. Cependant, depuis l’entrée en vigueur de la politique chinoise, les exportations du Royaume-Uni vers la Malaisie ont triplé (UN Environment, 2018) et les exportations des États-Unis vers ce pays ont augmenté de 273% (Xia, 2019, p.1165). En octobre 2018, en réaction à des violations environnementales dans le secteur du recyclage et à la pollution, la Malaisie a imposé une taxe à l’importation sur les déchets plastiques (Liang & al., 2021, p.247-248).
De plus, le gouvernement Kuala Langat a forcé la fermeture de plusieurs usines qui n’étaient pas autorisées à traiter le plastique et arrêté plusieurs citoyens chinois travaillant dans ces usines (Xia, 2019, p.1167-1168). Suite à la pétition de 16 usines de recyclage qui demandait la réouverture de leur usine et d’autoriser l’importation conformément aux lois nationales, un compromis a donc été fait avec le gouvernement (Xia, 2019, p.1167-1168). Cependant, le gouvernement planifie d’interdire l’importation de déchets plastiques pour 2022 (Xia, 2019, p.1168). L’industrie informelle ne se retrouve pas simplement en Malaisie, mais s’est multipliée en Asie, depuis l’implantation de la politique chinoise, où plus de 200 sites illégaux ont vu le jour (De Souza, 2020).
1.3. En Tanzanie
Depuis les années 2000, environ 40 usines de recyclages et de traitement de plastique auraient été ouvertes en Tanzanie par des investisseurs chinois (Xia, 2019, p.1168-1169). Ces usines fabriquent des produits nécessitant du plastique pour le marché intérieur, et la moitié d’entre elles exporteraient des déchets plastiques vers la Chine (Xia, 2019, p.1168-1169). Cette dynamique a permis un transfert des connaissances concernant la gestion des déchets plastiques (Xia, 2019, p.1168-1169).
Cependant, suite à l’application de la National Sword, les usines de recyclages ont offert d’être l’alternative pour les pays exportateurs de déchets. La Tanzanie a perçu l’interdiction de la Chine comme une opportunité économique à travers la création d’emplois, la contribution au développement et à l’industrialisation (Xia, 2019, p.1168-1169). Ainsi en une année, « Tanzania’s plastic waste import from Japan increased by 1,100% » (Xia, 2019, p.1165). Pour l’instant le gouvernement de la Tanzanie n’a pas pris de mesures concernant l’augmentation des importations de déchets, même si la majorité des usines ne disposent pas d’installations de contrôle de pollution ni de mesures pour la sécurité des travailleurs (Xia, 2019, p.1168 à 1170). Ainsi, la Tanzanie reste aux prises avec les dommages environnementaux accompagnant les déchets et le processus de recyclage. Toutefois, « There are also signs that the importation of waste plastics might discourage Tanzania’s domestic recycling, because imported wastes are better sorted and of higher quality-one of the very reasons why China has banned waste import in order to prioritize domestic recycling. » (Xia, 2019, p.1170). Cet exemple met en lumière que le déplacement des déchets plastiques et les investissements dans l’industrie du recyclage favorisent la reproduction des échanges écologiques inégaux.
En effet, ces deux cas ne sont pas uniques, d’autres pays sont devenus des destinations alternatives pour les déchets des pays développés notamment l’Indonésie, le Vietnam, la Corée, et finalement la Thaïlande (Tran & al., 2021, p.3 ; Zhao & al., 2021, p.14). Ces exemples illustrent les différentes dynamiques qui entrent en ligne de compte avec le commerce international de déchets plastiques soit, les industries informelles et l’investissement dans le recyclage. Cependant, ils sont également similaires sur les éléments suivants: le coût de traitement des déchets compétitif, l’absence d’infrastructures pour traiter les déchets plastiques, la réglementation environnementale laxiste et le manque de protection des travailleurs.
Bref, les flux de déchets plastiques en provenance des pays développés – qui allaient initialement vers la Chine – ont été relocalisés vers des pays en développement qui en subiront les impacts environnementaux. Les acteurs des pays développés ont les moyens économiques de déplacer leurs déchets et les impacts qu’ils engendrent sur l’environnement dans d’autres pays (Hornborg & al., 2016, p.330). En ce sens, cette relocalisation des flux de déchets des pays développés vers les pays en développement reproduit des échanges écologiques inégaux.
2. Les nouvelles politiques et initiatives de certains pays sur l’importation de déchets
Ensuite, certains pays ont décidé d’implanter des politiques sur l’importation de déchets afin de limiter et d’assurer un contrôle sur les déchets qui entrent dans le pays. La Chine, la Thaïlande, le Cambodge, et l’Inde auraient interdit l’importation de déchets (Liang & al., 2021, p.246). Or, le Vietnam, la Malaisie, l’Indonésie, les Philippines, Singapour, le Japon, et la Corée, ont élaboré des politiques pour favoriser le contrôle ou la gestion des déchets plastiques (Liang & al., 2021, p.246). Du côté des pays exportateurs de déchets, certaines initiatives concernant les déchets plastiques ont été mises en place. Cependant, toutes ces mesures n’empêchent pas complètement le commerce international de déchets plastiques, laissant place aux échanges écologiques inégaux.
2.1. Les politiques des pays en développement
D’une part, certains pays de l’Asie ont mis en place des politiques pour interdire l’importation de déchets plastiques. La Chine avec l’opération Green Fence et la National Sword qui en est suivie a interdit l’importation de plusieurs types de déchets, notamment les déchets plastiques. Au Cambodge, l’importation de déchets solides est interdite, toutefois une politique a été mise en place pour réduire l’importation des déchets plastique en 2017 (Liang & al., 2021, p.246). En Inde, les importations de déchets dangereux et déchets plastiques sont interdites et des réglementations ont été mises en place pour gérer les déchets au niveau national (Zhao & al., 2021, p.15).
L’entrée en vigueur de la National Sword a eu un double impact sur la Thaïlande parce qu’elle n’a plus accès à un endroit d’exportation pour ses déchets plastiques et ses importations de déchets ont augmenté en provenance des pays développés (Sasaki, 2021, p.82). En 2018, le gouvernement thaïlandais a découvert plusieurs usines de recyclage appartenant à des expatriés chinois qui traitaient illégalement des composantes de plastiques provenant de déchets électroniques, ce qui a mené à un resserrement des contrôles environnementaux dans l’industrie du recyclage mais aussi sur les politiques d’immigration (Xia, 2019, p.1167). Suite à cela, elle a imposé une interdiction temporaire de l’importation de déchets électroniques et plastiques, mais planifie interdire complètement l’importation des derniers dans les prochaines années (Sasaki, 2021, p.82). Dans l’optique de la stratégie 3R (réduire, réutiliser, recycler), la Thaïlande souhaite recycler environ 60% des déchets pour la fin 2021 (Liang & al., 2021, p.246).
D’autre part, d’autres pays en développement ont décidé de mettre en place des politiques pour réguler et réglementer l’importation de déchets plastiques dans leur pays. Par exemple, la Malaisie en 2017 a imposé la détention d’un permis pour importer des déchets sous le code SH 3915 (Chen et al., 2021, p.7).
De plus, au Vietnam, l’importation de déchets est restreinte par le droit de l’environnement, c’est-à-dire que les déchets importés doivent respecter les normes environnementales et doivent se trouver parmi la liste de 36 types de déchets (dont les déchets plastiques de type PE) (Liang & al., 2021, p.246). En 2016, le ministère du Commerce de l’Indonésie a revu la réglementation sur les importations de déchets non dangereux, affirmant que les importations de déchets plastiques allaient être restreintes aux formes suivantes : flocons, copeaux ou granulés (Liang & al., 2021, p.246). De plus, « Since April 2018, Indonesia has required 100% inspection of waste paper and plastic imports » (Xia, 2019, p.1167). Aux Philippines, il est possible d’importer des déchets plastiques destinés au recyclage et les entreprises qui importent ces déchets doivent avoir un certificat de protection de l’environnement (Liang & al., 2021, p.246). Ils spécifient que : « Les déchets plastiques sont considérés comme recyclables s’ils sont facilement combustibles » (Traduction libre de Liang & al., 2021, p.246). À Singapour, l’Environmental Protection and Management Act, permet les importations de déchets qui peuvent être utilisés comme matières premières, et l’amendement concernant la prévention de la pollution de la mer (2017) prohibe les déversements de déchets plastiques dans la mer (The Statues of the Republic of Singapore. 2021. « Environmental Protection and Management Act 1999 ». En ligne). La Corée permet l’importation de déchets qui sont considérés comme recyclables, sous la loi de la gestion des déchets (Liang & al., 2021, p.246).
En effet, même si ces pays ont imposé des restrictions d’importation de déchets plastiques, la mise en œuvre et l’exécution de ces politiques restent limitées en Asie (Sasaki, 2021, p.82). De plus, ce ne sont pas tous les pays en développement qui ont mis en place des politiques spécifiques concernant les déchets plastiques, comme c’est le cas au Myanmar et au Vietnam (Zhao & al., 2021, p.14). Sans empêcher complètement l’importation des déchets plastiques, les politiques permettent plutôt de les réguler. Par exemple, la Corée, aux Philippines, et à Singapour les déchets plastiques peuvent être importés s’ils sont destinés à être recyclés, et ce même si ce processus entraîne des dommages environnementaux. Un autre exemple est celui de la réglementation en Indonésie qui spécifie sous quelles formes les déchets plastiques peuvent être importés (copeaux, granulés, ou flocons).
Cependant, dans la pratique les déchets ne sont pas triés à l’avance, ils arrivent mélangés à leur destination. Ce qui a d’ailleurs été mentionné par la Chine dans la notification émise à l’OMC (Organisation Mondiale du Commerce, 2017). Il est donc difficile de savoir si cela correspond ou non à la réglementation mise en place par le pays importateur. En ce sens, les pays en développement font face aux défis suivants : mettre en œuvre des réglementations efficaces et s’assurer que les déchets correspondent à leurs réglementations.
2.2. Les initiatives des principaux exportateurs
Par la suite, les principaux exportateurs de déchets ont également créé des initiatives pour faire face à la fermeture des frontières chinoises aux déchets plastiques. Au Japon, la loi mise en place en 2018, Law for the Control of Export, Import and Other Specified Hazardous Wastes and Other Wastes, permet l’importation de n’importe quels déchets considérés comme recyclables (Liang & al., 2021, p.246). De plus, le gouvernement a instauré un budget de subvention (entre 4 millions à 13,5 millions de dollars US) pour les nouvelles installations de recyclage et souhaite recycler ou réutiliser tous les contenants de plastiques d’ici 2025 (Xia, 2019, p.1161-1162).
L’Union européenne a décidé d’injecter 100 millions d’euros pour favoriser le développement technologique pour le recyclage, en fixant l’objectif de recycler 50% des emballages plastiques d’ici 2030 et d’interdire complètement le plastique à usage unique d’ici 2021 (Xia, 2019, p.1160-1161). Plus précisément, le Royaume-Uni, l’Allemagne et la France ont mis en place des mesures pour contrôler les emballages plastiques non recyclables et pour favoriser le recyclage des déchets plastiques (Wang & al., 2019, p.6). De plus, l’Australie a élaboré un plan selon lequel tous les emballages seraient recyclés d’ici 2035 (Xia, 2019, p.1162).
Aux États-Unis, certains États ont proposé des législations en réponse à l’interdiction d’importer certains déchets en Chine : en assouplissant les exigences du recyclage ; en limitant l’usage de plastique unique; en favorisant l’utilisation des produits compostables ou recyclables; et en encourageant des investissent dans les infrastructures nationales (Wang & al., 2019, p.6). Après tout, « According to a Chinese trader with decades of experience in the North American market, there are fewer than five plastic recycling factories in the United States » (Xia, 2019, p.1163).
Bref, la mise en place des politiques et/ou des initiatives qui concernent la régulation ou réglementation de l’importation, de la collecte, du transport et du traitement ou de l’élimination des déchets plastiques, n’empêchent pas complètement le commerce international des déchets. En effet, malgré l’implantation de ces initiatives, l’alternative d’exporter des déchets plastiques vers d’autres pays reste la solution la plus avantageuse économiquement pour disposer des déchets. Comme nous l’avons vu à la section 1, depuis la mise en œuvre de la politique chinoise, les flux se sont réorientés notamment, vers la Malaisie, la Tanzanie, l’Indonésie, le Vietnam, la Corée, et la Thaïlande. Ainsi, les pays développés, généralement consommateur de produits plastiques, peuvent exporter leurs déchets plastiques vers des pays moins développés en se libérant du fardeau environnemental les accompagnant (Barnes, 2019, p.1). En d’autres mots, ces mesures sont limitées et ne permettent pas de mettre fin aux échanges écologiques inégaux (Manzano & al., 2016, p. 383).
3. La solution de l’économie circulaire
Finalement, en tant que premier importateur mondial de déchets plastiques la Chine a joué un rôle majeur dans l’économie circulaire, en recyclant, réutilisant et traitant les déchets solides des pays développés (Qu & al., 2019, p. 252). Cette solution aux déchets est un modèle économique est basée sur l’idée d’utiliser et réutiliser les produits jusqu’à la fin de leur vie et en extraire le plus d’éléments possibles afin de refaire des produits (O’Neill, 2019, p.45). Depuis, l’entrée en vigueur de la National Sword, l’argument de l’économie circulaire a pris de l’ampleur afin de justifier le commerce international de déchets plastiques. Ainsi, cette solution a permis de justifier les exportations de déchets vers les pays moins développés dans l’optique qu’ils y soient recyclés. Cependant, le processus du recyclage engendre des dommages environnementaux. En ce sens, cette relocalisation de l’économie circulaire vers les pays en développement favorise la reproduction des échanges écologiques inégaux.
3.1. L’économie circulaire dans les pays en développement
L’économie circulaire est souvent promue sous l’idéal du développement par : la création d’emplois et la stimulation économique; la réduction des besoins en matières premières; et la durabilité environnementale (Qu & al., 2019, p.253). Selon l’analyse économique du coût social, les avantages économiques pour les pays en développement sont considérablement plus élevés que les impacts indésirables engendrés par le commerce de déchets. De ce point de vue, les marchés économiques de déchets (la collecte, le recyclage, le traitement, ou le commerce) offriraient des avantages supérieurs aux impacts sociaux et environnementaux néfastes (Porter, 2002, p.115). À cet effet, l’OCDE mentionne que: « There is growing awareness on the importance of treating waste as a resource and a major trading good. Waste trade can provide potential opportunities to direct waste to countries with comparative advantage in sorting and processing activities that can help boost global recycling rates » (Organisation de Coopération et de Développement Économique, 2018, p.8). Cela s’inscrit dans la perspective de l’économie circulaire en se basant sur l’idée que les ressources seront recyclées et pourront permettre de régénérer d’autres produits dans les pays en développement.
En ce sens, l’économie circulaire est une solution véhiculée comme étant avantageuse dans les pays en développement puisqu’ils ont une main-d’œuvre bon marché. En effet, le tri qui doit être fait pour séparer les matériaux valorisables des matériaux non valorisables nécessite un travail important qui est moins dispendieux dans les pays en développement que dans les pays développés (Qu & al., 2019, p.252). De plus, le recyclage de déchets serait plus avantageux, d’un point de vue économique, dans les pays en développement où les réglementations environnementales sont plus souples (Qu & al., 2019, p.252).
3.2. Les dommages environnementaux
« Controversially, the environmental impact of waste transfer is primarily addressed in economic and technological terms. » (Barsalou & al., 2018, p.889). Cependant, le prix déboursé afin de se départir de ses déchets ne tient pas compte des dommages environnementaux que cela va engendrer et n’implique pas nécessairement une compensation réelle pour les personnes touchées par les échanges écologiques inégaux (Manzano, 2016, p.384).
Effectivement, le recyclage des déchets plastiques est un processus complexe qui entraîne des conséquences négatives sur l’environnement, car il nécessite une grande quantité d’eau et engendre de la pollution (Qu & al., 2019, p.253). Pour éliminer complètement le plastique, il faut l’incinérer à des températures extrêmement élevées, mais ce processus relâche des produits toxiques dans l’atmosphère (O’Neill, 2019, p.147). De plus, il existe sept différents types de plastiques, conformément à leurs caractéristiques ils peuvent être facilement recyclable, difficilement recyclable ou non recyclable (O’Neill, 2019, p.152-153). Une autre condition s’ajoute pour le recyclage de déchets plastiques, ils ne doivent pas être contaminés (par exemple, de résidus de nourriture) (O’Neill, 2019, p.152). Ainsi, près de 90% des déchets plastiques sont considérés comme non recyclables, donc cette solution s’applique à seulement 10% de ces déchets (Brooks & al., 2018). Le défi concernant le déplacement de ces déchets est que le plastique constitue une matière très durable et non dégradable (UN Environment program, 2021).
Du point de vue des pays développés, ils ont avantage (tant économique qu’environnementaux) à envoyer leurs déchets plastiques dans les pays en développement sous l’argument de l’économie circulaire. Au contraire, pour les pays en développement, l’économie circulaire est désavantageuse considérant les charges environnementales qui l’accompagnent. Les processus de l’économie circulaire, c’est-à-dire le traitement et la gestion des déchets tendent à se diriger vers les pays en développement. Ces derniers doivent encaisser les dommages environnementaux que cela engendre. En d’autres mots, l’économie circulaire permet de déplacer les déchets dans les pays en développement ce qui favorise la reproduction des échanges écologiques inégaux.
Conclusion
Pour conclure, la fermeture des frontières chinoises aux déchets plastiques a entraîné une reconfiguration des flux de déchets à travers le monde qui engendrent des échanges écologiques inégaux entre les principaux exportateurs de déchets et les pays en développement. La première section a permis d’identifier les alternatives prises par les pays exportateurs de déchets plastiques suite à la mise en œuvre de la National Sword. La deuxième section explique les limites des politiques et initiatives prises par les pays développés et en développement en ce qui concerne les déchets plastiques, laissant place aux échanges écologiques inégaux. Finalement, la dernière section traite de la relocalisation de l’argument de l’économie circulaire qui favorise la reproduction des échanges écologiques inégaux. Ces trois « réponses » à la fermeture de la frontière chinoise aux déchets plastiques se concentrent sur les opportunités économiques en laissant de côté les échanges écologiques inégaux que cela engendre. En somme, la commercialisation des déchets permet leur déplacement à travers le monde avec leur charge environnementale qui les accompagne (Barsalou & al., 2018, p.888-889). Cependant, ce qui reste largement occulté est que même s’il est possible de les déplacer vers différents États qui acceptent de les importer, les déchets plastiques ne peuvent disparaître complètement. Ils ne peuvent qu’être déplacés, entassés ou transformés. La circulation des déchets les rend invisibles, imperceptibles ou insaisissables pour les personnes issues des pays développés, mais « […] the distancing of waste is no longer possible under the process of civilization […] » (Barsalou & al., 2018, p.906).
Références
Barnes, Stuart J. (2019). Out of sight, out of mind: Plastic waste exports, psychological distance and consumer plastic purchasing, Global Environmental Change, 58, 1‑9.
Barsalou, Olivier & Michael Hennessy Picard. (2018). International Environmental Law in an Era of Globalized Waste, Chinese Journal of International Law, 17(3), 887‑906.
Bernard, Sophie et al. (2012). VII. Le commerce international des déchets, dans L’économie mondiale 2013, Paris, La Découverte, 104-118.
Brooks, Amy L, Shunli Wang & Jenna R Jambeck. (2018). The Chinese import ban and its impact on global plastic waste trade, Science Advances, 4(6), 1-7.
De Souza, Olivier, (2020). Le Kenya, future porte d’entrée des déchets plastiques américains vers l’Afrique, en ligne: < https://www.bilaterals.org/?le-kenya-future-porte-d-entree-des&lang=en >.
Hornborg, Alf (2009). Zero-Sum World: Challenges in Conceptualizing Environmental Load Displacement and Ecologically Unequal Exchange in the World-System »International Journal of Comparative Sociology, 237‑262.
Hornborg, Alf and Joan Martinez-Alier (2016). Ecologically Unequal Exchange and Ecological Debt, Journal of Political Ecology, 23(1), 328-333.
Huang, Qiao et al. (2020). Modelling the global impact of China’s ban on plastic waste imports, Resources, Conservation and Recycling, 54, 1-12.
Jorgenson, Andrew K. (2016). Environment, Development, and Ecologically Unequal Exchange, Sustainability, 8(3), 227.
Joyce, Christopher (2019). U.S. Recycling Industry Is Struggling To Figure Out A Future Without China, en ligne : < https://www.npr.org/2019/08/20/750864036/u-s-recycling-industry-is-struggling-to-figure-out-a-future-without-china >.
Liang, Yangyang et al. (2021). An analysis of the plastic waste trade and management in Asia, Waste Management, 119, 242‑253.
Manzano, Jordi Jaria i et al. (2016). Measuring environmental injustice: how ecological debt defines a radical change in the international legal system, Journal of Political Ecology, 23(1), 381‑393.
O’Neill, Kate (2019). Waste, Wiley.
Organisation de Coopération et de Développement Économique (2018). OCDE : International Trade and the Transition to a Circular Economy.
Organisation Mondiale du Commerce, 2017. Committee on Technical Barriers to Trade Notification, G/TBT/N/CHN/1211.
Porter C, Richard (2002). The Economics of Waste, Washington DC, Routledge, 301p.
Qu, Shen & al. (2019). Implications of China’s foreign waste ban on the global circular economy, Resources, Conservation and Recycling, 144, 252‑255.
Sasaki, So (2021). The effects on Thailand of China’s import restrictions on waste: measures and challenges related to the international recycling of waste plastic and e-waste, J Mater. Cycles Waste Management, 23(1), 77‑83.
The Statues of the Republic of Singapore (2021). Environmental Protection and Management Act 1999. en ligne:< https://sso.agc.gov.sg/Act/EPMA1999#:~:text=An%20Act%20to%20consolidate%20the,and%20for%20purposes%20connected%20therewith.&text=1.,Protection%20and%20Management%20Act%201999 >.
Tran, Trang, Hiromasa Goto & Takuma Matsuda (2021). The Impact of China’s Tightening Environmental Regulations on International Waste Trade and Logistics, Sustainability, 13(2), 1-14.
UN Environment program (2021), Actions for addressing plastic waste under the Basel Convention, en ligne :< http://www.basel.int/Implementation/Plasticwaste/Overview/tabid/8347/Default.aspx >.
UN Environment, (2018). China’s trash ban lifts lid on global recycling woes but also offers opportunity, en ligne: < https://www.unep.org/news-and-stories/story/chinas-trash-ban-lifts-lid-global-recycling-woes-also-offers-opportunity >.
Wang, Chao & al. (2020). Structure of the global plastic waste trade network and the impact of China’s import Ban, Resources, Conservation and Recycling, 153,1-12.
Wang, Wanli & al. (2019). Current influence of China’s ban on plastic waste imports, Waste Disposal & Sustainable Energy, 1(1), 67-78.
Xia, Ying (2019). China’s Environmental Campaign: How China’s War on Pollution Is Transforming the International Trade in Waste, NYU J Int’l L & Pol, 51(4), 1101-1178.
Zhao, Changping & al. (2021). The Evolutionary Trend and Impact of Global Plastic Waste Trade Network, Sustainability, 13(7), 1-19.