Sophie Wintgens et Xavier Aurégan (dir.) (2019). Les dynamiques de la Chine en Afrique et en Amérique latine. Paris : L’Harmattan Academia.

Frédéric Lasserre1

¹ Professeur à l’Université  Laval et directeur du Conseil québécois d’études géopolitiques (CQEG); Frederic.Lasserre@ggr.ulaval.ca


Peut-on comparer les pratiques de la Chine en Afrique et en Amérique latine ? Quels sont les points communs et les spécificités des présences chinoises dans ces deux régions du monde ? Comment les États, les élites et les populations perçoivent-ils ce nouvel acteur extrarégional ? Quels sont les défis à relever, les opportunités à saisir et les impacts de la présence chinoise en expansion ? L’Afrique et l’Amérique latine sont-elles les laboratoires d’une mondialisation revue selon des normes chinoises ? En croisant l’analyse des dynamiques chinoises à l’œuvre dans ces deux zones géographiques, cette recherche offre un éclairage nouveau sur l’un des phénomènes structurels les plus significatifs des relations internationales : la projection internationale de la Chine et son impact sur les pays en développement.

Le débat sur la portée de la présence de la Chine en Afrique, déjà fort commenté et documenté, semble loin de s’épuiser. La stratégie chinoise en Afrique suscite beaucoup d’inquiétudes chez les observateurs occidentaux et parfois africains, mais aussi d’intérêt de la part des pays de cette région. En Amérique latine, autrefois domaine réservé des États-Unis, la Chine décomplexée développe activement des relations diplomatiques plus étroites et des liens économiques plus étroits.

L’ouvrage a plusieurs mérites : tout d’abord, une introduction bien structurée qui structure et précise adéquatement la problématique et ses ramifications. Comment cette stratégie chinoise se décline-t-elle ? à travers quels vecteurs ? Suit un premier chapitre (X. Aurégan) qui reprend l’évolution des relations sino-africaines depuis l’avènement de la République populaire en 1949, auquel répond une analyse du rapide développement contemporain de relations économiques plus étroites entre Chine et Amérique latine (T. Struye de Swielande). Ces deux chapitres proposent une vue d’ensemble du déploiement des stratégies chinoises dans ces deux continents.

Des analyses plus spécifiques suivent. Au sein d’une partie consacrée aux relations Chine-Afrique, le chapitre 3 propose une lecture détaillée, fort bien documentée, des relations économiques entre Chine et Afrique. T. Pairault revient sur les échanges commerciaux et de services, mais aussi sur les investissements et les prêts octroyés, pour souligner que, contrairement à une idée largement répandue, les prêts chinois ne sont pas juridiquement des investissements… Le chapitre souligne le déséquilibre des échanges et le sens unique des transactions économiques, malgré les discours chinois sur une coopération « gagnant-gagnant ». Le chapitre 4 (B. Barton) revient sur l’émergence d’une politique de sécurité de la Chine en Afrique, tandis que le chapitre 5 (M. Bassan) analyse le développement du soft power chinois en Afrique.

La partie suivant développe des analyses sur les relations entre Chine et Amérique latine, selon une structure régionale et non pas thématique. Ainsi, sont analysées les relations sino-brésiliennes (chap. 6, D. Becard et N. Søndergaard), et entre Chine et Costa Rica (chap. 8, S. Wintgens), tandis que le chapitre 7 (L. B. Revelez) pose la question, récurrente à travers l’ouvrage mais pierre d’angle de cette section, du caractère réellement favorable aux pays du Mercosur de la relation avec la Chine.

Cet ouvrage, de lecture aisée et aux analyses bien structurées, constitue une contribution fort pertinente sur le déploiement des stratégies chinoises dans les continents africain et latino-américain. Il permet un utile portrait des relations et de la coopération économique contemporaine que la Chine a développées avec les pays de ces régions, tout en proposant une grille de lecture pour comparer le déploiement de ces stratégies chinoises. A ce titre, il est doublement utile et contribue utilement au débat sur les raisons du succès des propositions de la Chine – pour le moment ? – auprès des pays en développement, mais aussi sur les impacts de ces formes de coopération économique impulsées par Pékin. Celles-ci continueront-elles de séduire les partenaires pendant longtemps ?  La Chine saura-t-elle, au besoin, moduler ses attentes pour garantir le caractère « gagnant-gagnant » de ces relations ?  Cela reste à voir.