L’Arabie Saoudite et les armes détournées vers le Yémen: vue sur l’application du Traité sur le Commerce des armes

Nadia Omari1 

Candidate au programme de doctorat en droit, Université de Montréal, Montréal (Qc), Canada. nadia.omari21@yahoo.fr

Vol 3 n 4, 2017


À propos de l’auteure

Nadia Omari est étudiante au doctorat à la Faculté de Droit de l’Université de Montréal, Québec, Canada. Sa thèse porte sur la réglementation internationale du commerce des armes et, notamment, la compréhension et l’application du Traité sur le commerce des armes adopté le 2 avril 2013 par l’Assemblée Générale de l’Organisation des Nations Unies.


Résumé: Selon les statistiques du SIPRI (Stockholm International Peace Research Institute), L’Arabie Saoudite est devenu aujourd’hui le plus gros importateur mondial d’équipements militaires. Le volume de ses importations en la matière a atteint un niveau record depuis qu’elle a pris (en mars 2015) la tête d’une coalition arabe pour soutenir militairement le président yéménite Abd Rabbo Mansour Hadi face aux rebelles houthis, appuyés par l’Iran et les partisans d’Ali Abdallah Saleh, chassé du pouvoir en 2012. Comme dans tous les conflits, les conséquences politiques et surtout humaines de cette guerre sont à ce jour dévastatrices.  Dans cet article, on montre comment l’Arabie Saoudite détourne ces armes vers le Yémen en violation flagrante des dispositions du Traité sur le commerce des armes (art. 11) après presque 4 ans de son entrée en vigueur). Et comment les pays exportateurs (parties et signataires du même traité) tiennent à cœur le slogan « les affaires sont les affaires ! », et n’hésitent pas à contourner des traités internationaux comme le TCA, ou même leurs propres lois lorsqu’il s’agit des intérêts économiques et politiques, notamment avec des alliés stratégiques tel que l’Arabie Saoudite.

Mots clés : détournement, armes, exportation, importation, TCA, conflit, Yémen.

Abstract: According to the statistics of SIPRI (Stockholm International Peace Research Institute), Saudi Arabia has become today the world’s largest importer of military equipment and arms. The magnitude of its imports reached record levels when, in March 2015, the country headed an Arab coalition to provide military support to Yemeni President Abd Rabbo Mansour Hadi against Houthis rebels, who were themselves supported by Iran and Ali Abdullah Saleh, removed from power in 2012.As in all conflicts, the political and human consequences of this war are to this day devastating. In this article, we show how Saudi Arabia diverts weapons to Yemen, in flagrant violation of Article 11 of the Arms Trade Treaty (ATT). The exporting countries (parties and signatories to the same Treaty) hold to the slogan « Business is business! » and do not hesitate to circumvent international treaties such as the ATT, let alone their own laws.

Keywords: diversion, arms, export, import, ATT, conflict, Yemen.


Introduction

Il existe aujourd’hui un processus continu de circulation d’armes au sein de plusieurs continents, lié à l’apparition de nouveaux épicentres de violence armée, ainsi qu’à la résurgence d’anciens conflits. Il semblerait par contre que plusieurs pays aggravent ce processus par le détournement d’armes de l’État vers le marché illicite ou pour un usage final non autorisé, ou encore à destination d’utilisateurs finaux non autorisés, notamment aux fins de la commission d’actes terroristes.

Il convient de noter que les transferts illicites d’armes sont ceux qui a) ne sont pas autorisés par une autorité gouvernementale compétente ; b) sont autorisés d’une manière qui est incohérente avec les obligations juridiques nationales et internationales du pays ; ou c) sont détournés pendant le transfert ou à partir de stocks gouvernementaux. Les transferts illicites d’armes peuvent donc être tous ceux qui sont autorisés par un pays en violation des embargos sur les armes des Nations Unies, ou qui comprennent des armes qui seront utilisées en violation du droit international humanitaire (DIH) et/ou du droit international des droits de l’homme (DIDH) (Rapport d’ATT Monitor, 2016 : 22).

Vu la complexité de ce sujet, le nouveau Traité relatif au commerce des armes (TCA), adopté en 2013 et entré en vigueur en décembre 2014, a fait paraitre tout un article relatif au détournement (art. 11). Selon lequel, les États doivent rester vigilants et faire preuve d’une diligence raisonnable avant d’approuver tout transfert d’armes (Selon l’art. 2 para. 2 du TCA, un transfert d’armes englobe juste : l’exportation, l’importation, le transit, le transbordement et le courtage. Autrement dit, toutes les activités de commerce correspondant à une vente ou à un achat d’armes)[1]. L’intégration explicite de ce risque dans le cadre de l’évaluation de critères pour les transferts des armes internationaux est une façon de réduire la fuite d’armes vers le marché illégal. Sauf que, son inclusion dans le TCA ne suffira pas si les états exportateurs et importateurs ne prennent pas ses dispositions en considération.

En mars 2015, l’Arabie saoudite (non signataire et ne fait pas partie du TCA) a pris la tête d’une coalition arabe (incluant le Bahreïn, l’Égypte, la Jordanie, le Koweït, le Maroc, le Qatar, le Soudan et les Émirats arabes unis) pour soutenir militairement le président yéménite Abd Rabbo Mansour Hadi face aux rebelles houthis. Depuis, elle est devenue le plus gros importateur mondial d’équipements militaires. Le volume de ses importations en la matière a atteint un niveau record. Toutefois, il existe aujourd’hui de graves suspicions selon lesquelles des écoles, des hôpitaux, des centres de secours sont ciblés par cette coalition. Cette dernière est ainsi fortement soupçonnée d’effectuer des frappes impliquant des armes à sous-munitions, prohibées à l’échelle internationale. Selon les bilans donnés par les Nations unies, le conflit au Yémen a fait plus de 6.100 morts (dont 50% de civils) et environ 30 000 blessés (Comité de Solidarité, Trois-Rivières, 2017 ; BAILLY, 2016).

On peut discerner l’importance majeure de ce sujet, étant donné que le détournement est sans doute, la racine du trafic illicite des armes. Ce phénomène, irrigué par la corruption et la gestion déficiente des stocks dans certains états, alimente les activités des acteurs non étatiques, des organisations terroristes et des groupes criminels ; il entretient ou relance les conflits armés, au Sud-Soudan, en Lybie, en Syrie, au Yémen et dans bien d’autres régions du monde ; il empêche la pleine exécution des embargos décrétés par le conseil de sécurité des nations unies (Simonet, 2015 : 109). L’incapacité à prévenir le détournement des armes constitue donc un grand problème.

Un tel sujet, nous pousse à nous demander : les ventes d’armes à l’Arabie Saoudite sont-t-elles responsables et respectent-elles les critères liés à l’évaluation des risques mentionnés dans le TCA ? d’un côté.  De l’autre, le détournement de ces armes par l’Arabie saoudite vers le Yémen est-il légal ?

Après cette problématique on se trouve devant d’autres questionnements : pour quelle raison les États parties et signataires du TCA continuent-ils à vendre des armes à l’Arabie Saoudite, malgré le contexte de violations graves du droit international humanitaire ou du droit international des droits de l’homme? Comment l’Arabie Saoudite a-t-elle pu détourner ces armes vers le Yémen et commettre des crimes de guerre sans la moindre réaction de la part des états prétendant défendre les droits de l’homme ?

Le détournement d’armes dans le TCA (art. 11)

Le détournement est une étape essentielle du passage des armes de la sphère légale à la sphère illégale. Tous les États veulent diminuer le commerce illégal des armes, mais pour y parvenir, il est crucial de prendre des mesures contre le détournement. Dans de nombreuses régions, le détournement est le moyen par lequel des groupes et régimes non étatiques violents et irresponsables, y compris ceux qui sont soumis à des embargos internationaux, acquièrent les armes qu’ils utilisent pour menacer, mutiler et tuer. Ainsi, un Traité sur le commerce des armes (TCA) qui n’inclurait pas le détournement dans ses principaux critères d’analyse de risque échouerait à s’attaquer à l’un des principaux vecteurs de conflit et de violence armée dans le monde (Whall et al, 2013 : 19).

Sur cette base, on salue les efforts des rédacteurs du texte final adopté en 2013, pour faire regrouper toutes les dispositions relatives au détournement (éparpillées dans les versions précédentes, entre plusieurs articles) dans un seul article qui est l’article 11. Un article, plus en moins long (contenant 6 parag). Toutefois, ces derniers n’ont pas donné une définition précise pour le terme « détournement », un terme qui renvoie à une rupture de la chaine de contrôle d’un transfert d’armes, avant ou après l’arrivée de ces armes à destination, qui aboutit à leur captation par les utilisateurs finaux non-autorisés, en violation des engagements pris par l’utilisateur final officiel au moment de la conclusion de l’acte de vente (Simonet, 2015 : 109).

Aux termes de l’article 11 para. 1er et 2, les états parties doivent prévenir le détournement des armes, notamment par le biais de leur système national de contrôle : « Chaque État Partie qui participe au transfert d’armes classiques visées à l’article 2 (1) prend des mesures pour prévenir leur détournement […] au moyen du régime de contrôle national qu’il aura institué en application de l’article 5  (2) […]».

Les États exportateurs, les états importateurs et les états de transit et de transbordement coopéreront pour lutter contre le détournement (art. 11 para. 3) : « Les États Parties […] coopèrent et échangent des informations, […] afin de réduire le risque de détournement lors du transfert d’armes classiques visées à l’article 2 (1) ».

Selon les paragraphes 3 (susmentionné), 5 et 6 (mentionnés ci-après) de l’article 11, les états parties sont invités au partage d’informations à ce sujet et à communiquer aux autres états par le biais du secrétariat, les mesures qu’ils ont adoptées au niveau national et qui se sont révélées efficaces dans la lutte contre le détournement : « […], les États Parties sont encouragés à s’échanger les  informations  pertinentes sur les moyens de  lutter efficacement contre les détournements […]» para. 5. « Les États Parties sont encouragés à communiquer aux autres États Parties, par l’intermédiaire du secrétariat, les mesures qu’ils ont prises pour lutter contre le détournement d’armes classiques visées à l’article 2  (1)» para. 6.

Quant au paragraphe 4 du même article, il prescrit les mesures que les états doivent prendre pour mettre fin à tout détournement d’armes détecté au moment de leur transfert, notamment par le déclenchement d’une alerte, l’inspection, l’ouverture d’une enquête et la répression de l’infraction : « L’État  Partie  qui  détecte  un  détournement  d’armes  classiques  visées  à l’article  2 (1) au moment de leur transfert  prend les mesures qui s’imposent, […] Ces mesures peuvent consister à alerter les États Parties potentiellement touchés, à inspecter les cargaisons d’armes classiques visées à  l’article  2  (1)  qui  ont  été  détournées  et  à  prendre  des  mesures  de  suivi  par l’ouverture d’une enquête et la répression de l’infraction ».

Bien que l’article 11 relatif au détournement fait son apparition dans la version adoptée en 2013. Ce qui constitue surement un progrès par rapport aux versions précédentes, notamment celle de Moritan présentée à la fin de la conférence de 2012 (A/CONF.217/CRP.1), dans lesquelles les dispositions relatives à ce thème étaient éparpillées entre l’article 4, para. 6 a) et l’article 5 para. 5 et 6, et rédigés de surcroit en des termes juridiques différents. Le dispositif de l’article 11 est malheureusement affaibli par l’usage de formules telles que : «sont encouragés», «peuvent», «si nécessaire et  possible», «Au  besoin», «dans  le  respect  de  leur  droit  interne» (Simonet, 2015 :110).

D’autres dispositions du TCA, contribuent indirectement à éviter les détournements (Loïc Simonet, 2015 :110). Ainsi, à l’article 7, para. 6 et 7 qui stipulent : « Chaque État Partie exportateur communique les informations appropriées concernant l’autorisation en question à l’État Partie importateur et aux États Parties de transit et de transbordement qui en font la demande, dans le respect de son droit interne, de ses pratiques ou de ses politiques». « Si, après avoir accordé l’autorisation, un État Partie exportateur obtient de nouvelles informations pertinentes, il est encouragé  à  réexaminer  son  autorisation, après avoir consulté au besoin l’État importateur». De même, les prescriptions de l’article 8 para. 1er en matière de certification d’utilisation finale, qui viennent appuyer le dispositif de l’article 11 : « Chaque État Partie importateur prend des mesures pour veiller à ce que les informations utiles et pertinentes soient fournies, conformément à sa législation nationale, à l’État Partie exportateur, à sa demande, pour l’aider à procéder à son évaluation nationale de l’exportation, conformément à l’article 7. Ces mesures peuvent comprendre la communication des certificats d’utilisateur final ou d’utilisation finale ».

Enfin, une bonne application des dispositions du TCA sur le détournement devrait se baser sur la bonne foi et les meilleurs efforts des états, ainsi que sur l’assistance et la coopération offertes par l’état exportateur.

Le non-respect total de larticle 11 du TCA

L’article 11 du TCA relatif au détournement fait partie des plusieurs autres articles du même Traité, qui s’appliquent directement à des cas récents d’approbation de permis et de transferts d’armes irresponsables. En réalité, les pays exportateurs, si prompts à dénoncer les atrocités et les atteintes aux droits de la personne, perpétrées par certains dictateurs ou certaines organisations terroristes, n’hésitent pas à défendre l’indéfendable lorsqu’il est « commis » par certains alliés stratégiques tel que l’Arabie Saoudite. Ils tiennent à cœur le slogan « les affaires sont les affaires ! ».

Selon une étude de cas préparée par l’ATT Monitor[2], la couverture médiatique des transferts d’armes vers l’Arabie saoudite (ATT Monitor, 2016 : 3 ; Comtrade)[3] a donné à penser, que des transferts de fusils d’assaut HK G3 originaires d’Allemagne et destinés à l’Arabie saoudite ont été détournés sans permission vers le Yémen (Spiegel Online, 2015). On décrit aussi des parachutages d’armes par des avions de la coalition directement aux parties impliquées dans le conflit au sol (Reuters, 2015).

En effet, le TCA s’applique maintenant pleinement à tous les États Parties pour lesquels il est entré en vigueur. Mais, pour ces pays, continuer les ventes d’armes à l’Arabie saoudite et aux autres membres de la coalition dans un contexte de violations graves du droit international humanitaire ou du droit international des droits de l’homme au Yémen constitue une mise à l’épreuve de leur volonté d’honorer leurs obligations légales. Effectivement, plusieurs États Parties et Signataires du TCA ont continué d’accorder des permis d’exportation à destination de l’Arabie saoudite en 2015.  À eux seuls, les États Parties ont fait état de permis accordés et de ventes prévues totalisant plus de 14,9 milliards d’USD. De plus, dans de nombreux cas, les permis d’exportation accordés avant l’entrée en vigueur du TCA étaient encore valides jusqu’à la fin 2015 (ATT Monitor, 2016 : 13). Certainement, aux termes de l’article 7 para. 7 du TCA, les États Parties ayant, avant 2015, accordé des autorisations d’exportation qui sont actuellement en phase de livraison devraient réexaminer ces autorisations, et refuser d’accorder de nouveaux permis à la lumière du rôle de l’Arabie saoudite dans le conflit au Yémen (ATT Monitor, 2016 : 7-9).  Comme ça ne l’avait pas été le cas, ils se rendent officiellement coupables de crime de guerre au Yémen (Kovalik, 2016).

Selon le Stockholm International Peace Research Institute (SIPRI), l’Arabie Saoudite, qui compte à peine 30 millions d’habitants, est aujourd’hui le deuxième plus gros importateur d’armements majeurs au monde, avec des importations qui ont triplé sur cinq ans. Et avec 2 747 USD par tête en 2014, l’Arabie saoudite est le pays dont les dépenses militaires par habitant sont les plus importantes au monde. À titre de comparaison, les États-Unis ne dépensent « que » 1 912 USD par habitant (la moyenne, au sein de l’UE, est de 414 USD) (Stiernon, 2016 :1). Selon Christophe Stiernon (chercheur au Groupe de Recherche et d’Information sur la Paix et la sécurité), l’Arabie saoudite est un pays où « les soldats devraient avoir cinq bras pour pouvoir utiliser toutes les armes belges qu’ils ont achetées !» (Stiernon, 2016 : 4).

Selon le SIPRI également, 59 % des importations saoudiennes proviennent d’Europe (statistiques pour la période 2009-2014) (Cordesman, 2015 : 57). Pour cette période, les pays membres de l’Union européenne (UE) ont octroyé pour plus de 19 milliards d’euros de licences d’exportation d’équipements et de technologies militaires vers l’Arabie saoudite (Stiernon, 2016 :1-2 ; les rapports annuels du COARM).

De plus, depuis qu’elle a pris la tête de la coalition arabe en mars 2015 (cela fait donc 2 ans et demi) pour soutenir militairement le président yéménite Abd Rabbo Mansour Hadi face aux rebelles houthis (Un groupe chiite avec de faibles connexions avec l’Iran). Il existe de graves suspicions selon lesquelles des écoles, des hôpitaux, des centres de secours sont ciblés par cette coalition. Certes, selon le rapport d’Amnesty international de 2016, de nombreuses attaques menées par la coalition ont visé des cibles militaires, mais d’autres étaient carrément disproportionnées ou aveugles, ou visaient directement des personnes et des biens civils, notamment des rassemblements pour des funérailles, des hôpitaux, des écoles, des marchés et des usines. Certaines attaques ont visé des infrastructures stratégiques, comme des ponts, des installations de distribution d’eau et des tours de télécommunications. La coalition a même utilisé des bombes à sous-munitions de fabrication américaine et britannique, il s’agissait d’armes non discriminantes par nature dont l’utilisation était largement interdite au niveau international (Amnesty international, 2016 : 480-481).

En réponse à ces allégations de violations commises par ses forces, la coalition, soit elle nie être à l’origine de ces attaques, soit les justifiées comme « une erreur involontaire » ou « menées sur la base d’informations erronées ». De son côté, l’ONG humanitaire Médecins sans frontières (MSF),  affirme, après avoir enquêté sur ces violations, qu’il ne s’agissait pas des erreurs mais de la conséquence des hostilités menées « dans le mépris total du statut protégé des hôpitaux et des structures civiles », MSF a déclaré qu’elle avait perdu « confiance dans la capacité de la coalition d’éviter des attaques meurtrières », et a retiré son personnel de six hôpitaux dans le nord du Yémen après qu’un avion de la coalition eut bombardé pour la quatrième fois en un an une structure de soins qu’elle soutenait (Amnesty international, 2016 : 480).

Il convient de noter que les houthis et leurs alliés, dont les unités de l’armée fidèles à l’ancien président Saleh, ont également commis des violations du droit international humanitaire, notamment des attaques aveugles et disproportionnées, l’utilisation des armes explosives à large champ d’action, dont des obus de mortier et d’artillerie, l’implantation des mines terrestres antipersonnel interdites au niveau international, l’enrôlement et l’utilisation des enfants soldats, les arrestations arbitraires…etc. (Amnesty international, 2016 : 480).

Selon les bilans donnés par les Nations-Unies, le conflit au Yémen a fait plus de 6 100 morts (dont 50% de civils) et environ 30 000 blessés (Comité de Solidarité, Trois-Rivières, 2017 ; Bailly, 2016).

En effet, parmi les principes auxquels le TCA a été adossé « le droit naturel de légitime défense, individuelle ou collective, reconnu à tous les États à l’Article 51 de la Charte des Nations Unies » ; et par conséquent « Le respect de l’intérêt légitime reconnu à tout État d’acquérir des armes classiques pour exercer son droit de légitime défense et contribuer à des opérations de maintien de la paix, et de produire, exporter, importer et transférer des armes classiques ». Ceci dit, l’Arabie saoudite a agi de plein droit en acquérant les armes classiques (soi-disant nécessaires !) pour exercer son droit de légitime défense. Néanmoins, dans l’affaire Yéménite, l’Arabie Saoudite n’est certainement pas en état de légitime défense ! Faute d’agression, au sens propre du terme (art. premier. Rés/3314 du 14 décembre 1974)[4]. De plus, qu’en est-il du principe de la suffisance, aux termes duquel un État peut posséder uniquement les armes nécessaires pour assurer sa légitime défense, l’Arabie Saoudite n’a-t-elle pas dépassé ce niveau de suffisance ? Les motifs qu’ils l’ont poussé à faire cette intervention au Yémen sont-ils suffisants pour justifier toutes ses acquisitions d’armes ?

D’un autre côté, le TCA dans sa forme actuelle ignore la question vitale de la production excessive, qui ne peut être dissociée de la chaîne du commerce international des armes classiques dans son ensemble (vu qu’il ne couvre que les activités d’exportation, d’importation, de transit et de transbordement, de courtage), ce qui explique comment l’Arabie Saoudite, a-t-elle pu acquérir toutes ces armes, les détourner par la suite au Yémen et les utiliser en violation grave du droit international humanitaire ou du droit international des droits de l’homme sans la moindre réaction de la part des états prétendant défendre les droit de l’homme et qui sont simultanément les principaux producteurs et exportateurs d’armes dans le monde. Ces derniers, pourraient avec cette omission grave continuer sans aucune restriction à s’équiper eux-mêmes et à créer des zones de tension partout dans le monde pour augmenter la demande sur les armes et élever par la suite le seuil des ventes.

Enfin, en appliquant la définition d’ATT Monitor concernant les transferts illicites d’armes (mentionnée ci-haut), et en prenant en compte les dispositions du TCA, voire les articles 7, 8 et 11, sur les transferts d’armes vers l’Arabie Saoudite. On trouve que ces derniers ont été effectivement autorisés d’une manière qui est incohérente avec les obligations juridiques nationales et internationales des pays exportateurs ; l’Arabie Saoudite a ensuite détourné ces armes à partir de ses stocks gouvernementaux vers le Yémen ; pour un usage final  non  autorisé, on imagine qu’il n’existait aucune mention dans les certificats d’utilisation finale, indiquant que ces armes vont être utilisées au Yémen, et en violation du droit international humanitaire et/ou du droit international des droits de l’homme.

À ce jour, au nom de l’ONU, aucun embargo sur les armes n’a été prononcé contre cette coalition. Malheureusement, toutes les initiatives menées pour suspendre les ventes d’armes à l’Arabie saoudite, se sont soldées par un échec.

L’échec des initiatives menées pour suspendre les ventes d’armes à l’Arabie Saoudite

Selon le Mouvement pour une Alternative Non-violente (MAN) de Montreuil (France), il est vrai que l’action diplomatique oblige à maintenir les relations avec ce pays qui ne peut être écarté dans la recherche de solutions à la situation tragique dans laquelle se trouve tout le Moyen-Orient. Cela ne doit cependant pas se traduire par des ventes d’armes qui aggravent les tensions militaires (Bailly, 2016).

Dans ce contexte difficile, une action de lobbying auprès du Parlement européen a été menée en vue d’aboutir à un vote en faveur d’un embargo sur la vente d’armes à l’Arabie Saoudite. Cette action qui a porté ses fruits a été initiée par différentes associations dont l’Observatoire des Armements et le Mouvement pour une Alternative Non-violente (MAN). En effet le Parlement européen a adopté, le 25 février 2016, à une large majorité lors d’une séance plénière à Bruxelles, une résolution demandant la mise en place d’un embargo sur les livraisons d’armes à l’Arabie Saoudite (Bailly, 2016). Par contre, il reste que cette résolution est – non contraignante – et sans conséquences concrètes.

L’exportation d’armes est, avant tout autre considération, une décision de politique étrangère et de sécurité qui justifie un contrôle le plus en amont possible du processus de production et de commercialisation. Autrement dit, les exportations d’armes de l’UE vers l’Arabie saoudite sont soumises à des règles européennes communes qui régissent le contrôle des exportations de technologie et d’équipement militaire (Position commune du 8 décembre 2008). Le cadre légal est donc européen, mais la décision finale d’exporter des armes vers un pays tiers reste du ressort et de la responsabilité de chaque État membre. En Belgique, cette compétence a même été régionalisée en 2003. Ce sont donc maintenant les gouvernements des entités fédérées qui autorisent les exportations d’armes, ou qui les refusent (Stiernon, 2016 : 2).

En effet, les réactions des États membres de l’Union européenne ont été diverses (voir : Centre d’Études Jacques Georgin–CEG, 2017 : 5-6 ; Stiernon, 2016 : 3 ; Doward et Dare, 2016 ; Amnesty international, 2015 ; L’Opinion, 2016 ; Le Vif, 2016 ), sans qu’aucun pays n’ait mis en place d’embargo formel sur les ventes d’armes vers un pays de la coalition saoudienne, à l’exception de la Suède, qui a mis fin à toute coopération militaire avec l’Arabie Saoudite depuis 2015, accusée d’être une dictature aux « méthodes moyenâgeuses!» (CEG, 2017 : 5-6 ; Le Monde, 2015).  À ce jour, la décision d’un embargo européen sur les livraisons d’armes semble peu probable tant que la monarchie saoudienne reste un allié stratégique et un partenaire économique incontournable pour de nombreux États de l’Union Européenne. Alors que certains de ces États trouvent toujours des arguments pour justifier ces relations commerciales embarrassantes : nombreux sont ceux qui louent le rôle stabilisateur de Riyad dans la région, alors que d’autres préviennent des conséquences d’un effondrement du régime saoudien pour l’ensemble du monde arabe, ou encore affirment que les armes européennes seraient de toute façon vite remplacées par des armes chinoises. Pourtant, au regard du précédent libyen et des tensions régionales croissantes, il semble urgent de réévaluer avec la plus grande prudence les décisions d’exportations vers l’Arabie saoudite (Stiernon, 2016 : 3).

En Amérique du Nord, les principaux alliés de l’Arabie saoudite sont les Etats Unis. Bien que cette relation ait été jugée comme « spéciale » (Wesser, 2015 : 91) depuis de longues années, une frustration de plus en plus palpable a été remarquée entre les deux pays ces dernières années tout au long des négociations sur le nucléaire et juste après l’accord conclu en 2015 en la matière. En effet, Riyad estime que l’engagement des Etats-Unis dans la région du Moyen-Orient et du Nord de l’Afrique met de plus en plus la sécurité régionale en péril, avec des implications pour la stabilité intérieure saoudienne. Néanmoins, comme l’on indiqué les propos publics de mécontentement, deux questions ont particulièrement troublé le régime saoudien. La première question est l’accord nucléaire conclu entre le P5+1 et l’Iran le 14 juillet 2015, ce dernier étant considéré comme un régime hostile et un rival historique. Les Saoudiens craignent que les Etats-Unis permettent d’une manière implicite l’hégémonie iranienne en Irak, en Syrie, au Liban et dans le Golfe contre un accord permanent sur la question nucléaire iranienne. Le fait que l’Arabie saoudite était exclue des pourparlers des P5+1 sur le nucléaire iranien est perçu comme une confirmation de ces craintes (Watanabe, 2014 : 3).

La deuxième question majeure qui acidifie les relations américano-saoudiennes est l’approche des États-Unis en ce qui concerne le conflit armé en Syrie. Le manque de volonté de la part des États Unis pour imposer une « ligne rouge » par rapport à l’utilisation d’armes chimiques contre des civils en août 2013 a été interprété à Riyad comme ayant porté un coup potentiellement fatal aux efforts saoudiens qui visaient à soutenir les forces anti-Assad. De même, la réticence du président américain Barak Obama à armer les rebelles syriens est considérée comme ayant permis aux forces du régime d’Assad de gagner du terrain. Frustré par la position des États-Unis, Riyad désire fournir des rebelles avec des missiles anti-aériens – un point sur lequel il était toujours en désaccord avec Washington. Riyad a également été consterné par l’abandon d’Hosni Moubarak par l’administration Obama et de son soutien au gouvernement démocratiquement élu de Mohamed Morsi. Les Saoudiens sont aussi très critiques de la position américaine vis-à-vis de l’armée égyptienne, qu’ils considèrent comme un rempart contre les Frères musulmans et les groupes djihadistes dans le Sinaï. Tous les deux sont perçus comme une menace à la stabilité régionale, avec des conséquences potentielles pour le Royaume d’Arabie Saoudite (Watanabe, 2014 : 3).

Malgré toutes ces tensions bilatérales et internes fortes, le divorce américano-saoudien souvent annoncé, ne semble pas encore prononcé (Wesser, 2015 : 91). En effet, bien que la menace prétendue des saoudiens selon laquelle l’Iran gagne trop d’influence dans la région ait été jugée comme exagérée par les experts, l’ancien président des Etats Unis Barak Obama a appuyé la coalition menée au Yémen par l’Arabie saoudite de bien des manières, notamment par la vente d’armes aux Saoudiens pour les apaiser après l’accord nucléaire avec l’Iran (The Washington Post, 2015).  Cela dit, depuis son investiture, Obama a consenti à vendre pour 90,4 milliards d’USD d’armements à l’Arabie saoudite (Coppolani et Razoux (dir.), 2016 : 66 ; Blanchard, 2015). Au cours de l’année 2015 seulement, le Département d’État a approuvé six ventes d’armes majeures pour une valeur totale de 20,8 milliards d’USD (Gouvernement fédéral des États-Unis d’Amérique, 2015). Obama a également fourni à la coalition une aide inestimable en renseignement, en termes de ravitaillement en vol d’avions et une aide dans l’identification de cibles appropriées. « La coalition serait clouée au sol si Washington retirait son soutien », déclaraient les experts.

En 2016, au vu des pertes civiles, un soutien prolongé des Américains dans cette guerre était jugé indéfendable. Comme le sénateur, Chris Murphy (Démocrate du Connecticut.) l’a déclaré : « Il y aura une empreinte américaine sur chacune des vies civiles perdues au Yémen ». Plusieurs tentatives ont donc été initiées par certains sénateurs pour empêcher tout transfert d’armes vers le royaume saoudien. Mais, comme les chances étaient déjà maigres dès le début, en partie à cause de la politique, le Sénat a finalement approuvé en septembre 2016 la vente de chars d’assauts et autres matériels militaires pour un montant de 1,15 milliard USD (The New York Times, 2016 ; CEG, 2017 : 5-6). En décembre 2016, les médias se réjouissaient par la décision des Etats Unis de ne pas procéder à certaines ventes de munitions destinées à l’Arabie saoudite, soi-disant à cause du nombre de victimes civiles que provoque la guerre menée par le royaume au Yémen, et comme un signe d’inquiétude face aux failles dans les pratiques de ciblage de la coalition et de la manière générale dont est menée la campagne aérienne au Yémen (Le parisien, 2016). Une annulation qui est demeurée à ce jour incertaine vu le caractère non officiel de l’information.

Lors de son investiture (20 janvier 2017), le nouveau président des États-Unis, Donald Trump, semblait convaincu par la nécessité de privilégier les questions de sécurité nationale (pour ne pas revivre un autre 11 septembre !), et paraissait ne pas vouloir s’impliquer sur la scène internationale – en envisageant, dès la première semaine de son investiture, de réduire la contribution des États-Unis aux différentes organisations internationales ; en demandant également une révision de tous les traités multilatéraux existants pour identifier ceux dont les États-Unis devraient se retirer… (Gélie, 2017). La réalité l’a toutefois rattrapé, vu le caractère central des Etats-Unis sur la plupart des dossiers régionaux, et sur tous les dossiers d’importance mondiale, en particulier dans le domaine stratégique.

En effet, le nouveau président des États-Unis a conclu, lors de son premier voyage à l’étranger, qui a débuté par l’Arabie saoudite, une série d’accords avec Riyad pour un montant astronomique de 380 milliards d’USD, dont 110 milliards d’USD pour des ventes d’armements en vue de contrer la « menace » pouvant venir de l’Iran (Dufour, 2017 ; Cartillier, 2017). Cet accord fut qualifié par le porte-parole de la Maison-Blanche, Sean Spicer comme le plus important de lhistoire des Etats-Unis. Par ceci, Donald Trump, tient à une de ses importantes promesses relatives à la relance de l’emploi dans le secteur manufacturier. Effectivement, grâce à ce contrat, le gouvernement va engager du personnel et lutter contre le chômage endémique aux Etats Unis. Lors d’un point de presse à la fin de la première de ses deux journées à Ryad, le président des États-Unis a même déclaré explicitement : « Des centaines de milliards de dollars d’investissements aux États-Unis et des emplois, des emplois, des emplois » (Cartillier, 2017). L’Arabie Saoudite demeure donc un partenaire économique et militaire primordial pour Washington, et comme le rappellent certains spécialistes, les deux pays ne partagent pas les mêmes valeurs, mais ils partagent néanmoins des intérêts stratégiques de premier ordre. Ces échanges pourraient donc les aider à faire face à certains défis. En outre, ce contrat renforcera l’économie américaine, d’un côté, et consolidera l’infrastructure militaire de Riyad, de l’autre. De plus, au-delà de sa volonté de consolider sa puissance militaire, Riyad semble décidé à acquérir également un arsenal nucléaire pour faire face à une potentielle menace nucléaire iranienne. Alors que les deux pays s’affrontent déjà par alliés interposés en Irak ou en Syrie, le conflit yéménite apparait, de plus en plus, comme un affrontement direct entre Riyad et Téhéran (Wesser, 2015 : 91). La couverture médiatique confirme, dans plusieurs reportages, la découverte de cellules de milices et des armes d’origine iraniennes au Yémen, comme ce fut le cas pour la milice d’Eldjefina à Maerib en date du 16 juillet 2017 (El Arab, 2017).

Il convient de noter que les bases du partenariat américano-saoudien « le pétrole pour la sécurité » sont demeuré en grande partie intactes. On pourrait même pousser la réflexion plus loin en affirmant que le nexus « petro-diplomatique » et « militaro-industriel » américain et son interdépendance avec l’Arabie saoudite constitue aujourd’hui le noyau des relations américano-saoudiennes. Autrement dit : si le pétrole était autrefois le pilier principal de l’alliance entre les États-Unis et l’Arabie saoudite, les relations stratégiques et commerciales, cimentées au travers des ventes d’armement et des supports logistiques caractérisent désormais cette alliance. Ce sont donc ces intérêts stratégiques et commerciaux qui priment clairement sur les droits de l’homme et les valeurs démocratiques, ou qui minent les préoccupations des droits de l’homme éventuels du Congrès et du gouvernement américain à l’égard de l’Arabie saoudite et qui, de ce fait, représente un facteur important qui fait perdurer l’alliance entre les États-Unis et l’Arabie saoudite (Coppolani et Razoux (dir.), 2016 : 66). En effet, avec l’augmentation de la production nationale de gaz de schistes aux Etats-Unis (selon les statistiques de 2014), l’Arabie a dû renforcer ses relations avec les grands pays émergents d’Asie, principalement avec la Chine[5]. Toutefois, la Chine est loin d’être disposée ou en mesure de remplacer le parapluie sécuritaire des États-Unis, ce qui suggère que Riyad continuera à voir et considérer les États-Unis comme principal partenaire en matière de sécurité dans les années à venir encore (Watanabe, 2014 : 4).

Au Canada, plusieurs initiatives ont été menées par des professeurs et des organismes de la société civile pour inciter le gouvernement à mettre immédiatement fin aux contrats de ventes d’armes à des pays qui les utilisent contre des populations civiles. En conséquence, ces initiatives visaient à annuler le contrat de 2014 conclu entre le Canada et l’Arabie Saoudite, relatif à la vente de blindés légers d’une valeur de 15 milliards de dollars canadiens sur 14 ans.

À ce propos, le Comité de Solidarité de Trois-Rivières a fortement dénoncé la non application de la loi du parlement canadien de 1947, qui proscrit l’exportation d’armes vers les pays « où les droits humains de leurs citoyens font l’objet de violations graves et répétées de la part du gouvernement ».  Le comité déclare qu’« il semble que cette loi ne pèse pas lourd devant les contrats commerciaux que rapportent les ventes d’armes à l’Arabie Saoudite » ; Il rajoute « Quand les partenaires du royaume saoudien, dont le Canada fait partie, vendent des armes à un gouvernement étranger qui commet des crimes de guerre, ils se rendent complices de ces crimes … et ils nous en rendent tous complices par le fait même » (Comité de Solidarité, Trois-Rivières, 2017).

Le 16 mars 2016, une demande de contrôle judiciaire a été déposée à la Cour fédérale par le professeur de droit Daniel Turp (Université de Montréal) et un groupe composé d’une trentaine d’étudiants en droit de l’Université de Montréal et d’ailleurs. L’avis demande à la Cour fédérale de déclarer illégal l’octroi de licences d’exportation de véhicules blindés légers fabriqués par l’entreprise Ontarienne General Dynamics Lands Systems Canada (GDLS-C), (la décision pourrait ainsi affecter le contrat susmentionné), en vertu d’un nombre d’obligations du Canada tant en vertu du droit international que de ses propres lois. On y demande également de déclarer que le ministre des Affaires étrangères « a outrepassé sa compétence » en délivrant les licences en sachant que le pays de destination des véhicules, l’Arabie saoudite, est un État où « les droits fondamentaux des citoyens font l’objet de violations sérieuses et répétées », et ce, « sans qu’on ne lui ait fait la preuve que les véhicules blindés ne seraient pas utilisés contre les populations civiles ». Dans sa demande, Daniel Turp et son groupe arguent que l’octroi des licences est contraire à la Loi de 1947 sur les licences d’exportation et d’importation[6], aux Lignes directrices adoptées en 1986[7] ainsi qu’à la Loi sur les Conventions de Genève (Séguin, 2016 : 22).

Le gouvernement canadien, connu par sa Charte des droits et libertés, a refusé fortement de revenir sur sa décision. Lors de l’audience en décembre 2016 à Montréal, les avocats du gouvernement ont rappelé que le Canada exporte des blindés en Arabie saoudite depuis 25 ans et ont affirmé qu’il n’y a pas de preuve que les véhicules soient utilisés contre les populations civiles. Les avocats avaient également invoqué la grande latitude dont jouit le ministre dans sa prise de décision. Pour eux, la cour n’a pas à trancher à la place du ministre ni à refaire l’évaluation des risques qui l’a guidé dans sa décision. Tout ce qu’elle peut faire, soutenaient-ils, c’est de s’assurer que le ministre a tenu compte des divers éléments portés à son attention, notamment le risque que les véhicules soient utilisés contre des civils (Blouin, 2017).

En effet, dans son jugement, la cour fédérale a conclu que le ministre des Affaires étrangères de l’époque, Stéphane Dion[8],  a agi légalement en autorisant l’exportation de véhicules blindés légers vers l’Arabie saoudite. Selon la Cour, ce dernier a respecté son obligation de considérer tous les facteurs pertinents, dont « les antécédents de l’Arabie saoudite en matière de droits fondamentaux, ainsi que le conflit au Yémen avant d’octroyer les licences d’exportation, respectant ainsi les valeurs sous-jacentes aux Conventions ». De plus, « l’appréciation du risque raisonnable que le matériel soit utilisé contre la population civile appartient au ministre ». Le fait qu’il n’y ait eu aucun incident impliquant des véhicules blindés légers dans les violations des droits de la personne en Arabie saoudite « depuis le début de la relation commerciale entre ce pays et le Canada dans les années 1990 est un élément de preuve significatif de cette évaluation », peut-on lire dans la décision. Le jugement mentionne également que « le rôle de la cour n’est pas de jeter un regard moral sur la décision du ministre », mais bien de s’assurer de sa légalité. Le tribunal souligne que le ministre a une large discrétion qui lui aurait permis de refuser l’émission des permis (la Cour fédérale, 2017 ; Shiab, 2017).

En réalité, le slogan susmentionné « les affaires sont les affaires » était également présent dans cette affaire, le gouvernement canadien s’est basé, dès le début, dans la majorité de ses déclarations sur des raisons purement économiques et sur ce que peut rapporter le contrat en termes d’emplois en Ontario. En 2015, lors d’un point de presse, l’ancien gouvernement conservateur Stephen Harper a déclaré que ce contrat d’exportation est : « le plus grand de l’histoire du pays ; Ça donne des emplois directs à 3000 Canadiens dans la région de London (en Ontario) […] c’est naturel pour le Canada de dénoncer les politiques de l’Arabie saoudite, mais en même temps il doit avoir le commerce et il doit créer des emplois pour ses travailleurs ». Il rajoutait que : « tous les « alliés » du Canada espéraient obtenir ce contrat et l’auraient signé ». Ainsi, l’idée de se retirer de ce contrat est complètement «insensée», pour lui, elle ne ferait que punir les travailleurs canadiens (Radio-Canada, 2015).

Conclusion 

Les constatations ci-dessus donnent à penser que les États Parties et Signataires du TCA continuent à fonctionner comme si de rien n’était en ce qui concerne les ventes d’armes à l’Arabie saoudite. Plusieurs États Parties semblent être en infraction directe des obligations juridiquement contraignantes du Traité, poursuivant leurs transferts d’armes à destination de l’Arabie saoudite alors qu’il existe un risque manifeste pour que celles-ci soient utilisées au Yémen en violation du droit international.

Les États Parties doivent donc en toute urgence se conformer à leurs obligations légales et respecter l’un des objectifs du TCA, celui de réduire la souffrance humaine (article premier). Étant donné l’ampleur de la crise humanitaire au Yémen et l’utilisation illégale notoire des armes dans le conflit qui y fait rage, il est inconcevable que des autorisations d’exportation d’équipements militaires meurtriers puissent continuer d’être accordées. C’est pendant ces premières années de l’entrée en force du TCA que s’établira une nouvelle norme contre le transfert irresponsable des armes. Correctement appliqué, le TCA peut quand même avoir une influence considérable sur les terribles souffrances au Yémen. Pour cela, il est essentiel que les États Parties s’assurent de remplir leurs obligations aux termes du Traité.


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[1]      Selon la description du Groupe d’experts gouvernementaux réuni lors de la création du Registre des Nations unies sur les armes classiques en 1992, les transferts internationaux d’armes : « impliquent, en plus du déplacement du matériel à destination ou en provenance du territoire national, le transfert de la propriété et du contrôle de ce matériel » (Rapport du Groupe d’expert sur le Registre sur les armes classiques, 1992, para. 10 : 11).

[2]     Cette étude de cas analyse la portée des transferts d’armes vers l’Arabie saoudite par les États Parties et Signataires du TCA pendant la période allant de l’entrée en vigueur du Traité (en décembre 2014) et le 1er février 2016. Elle se penche particulièrement sur les permis accordés et les transferts effectués après le début de l’intervention militaire saoudite au Yémen, le 26 mars 2015.

[3]      De nombreux pays ont livré des armes à l’Arabie saoudite avant l’entrée en vigueur du TCA. Les données de l’Institut international de recherches pour la paix de Stockholm (SIPRI) montrent qu’en 2014, des armes classiques majeures ont été transférées vers l’Arabie saoudite par le Canada, la France, l’Allemagne, les Pays-Bas, l’Afrique du Sud, l’Espagne, la Suède, la Suisse, la Turquie, le Royaume-Uni et les États-Unis. La base de données des Nations Unies sur le commerce international (Comtrade) montre qu’en 2014, 24 États ont exporté des armes, des munitions et des pièces détachées vers l’Arabie saoudite.

[4]     Article premier : « L’agression est l’emploi de la force armée par un État contre la souveraineté, l’intégrité territoriale ou l’indépendance politique d’un autre État, ou de toute autre manière incompatible avec la Charte des Nations Unies, ainsi qu’il ressort de la présente Définition ».

[5]    Déjà, 54 pour cent des exportations saoudiennes de pétrole brut étaient destinés à l’Asie de l’Est en 2012, contre 15 pour cent aux États-Unis.

[6]     La Loi sur les licences d’exportation et d’importation prévoit que le gouverneur en conseil peut dresser une liste de marchandises et de technologies dont il est nécessaire de contrôler l’exportation ou le transfert (…), cette liste dressée en application de la Loi sur les licences d’exportation et d’importation assujettit les véhicules blindés légers à l’obtention d’une licence. Or, cette loi prévoit aussi que dans sa prise de décision quant à l’octroi d’une licence, le ministre peut « prendre en considération, notamment, le fait que les marchandises ou les technologies mentionnées par la demande peuvent être utilisées dans le dessein […] de nuire à la paix, à la sécurité ou à la stabilité dans n’importe quelle région du monde ou à l’intérieur des frontières de n’importe quel pays ».

[7]    En 1986, le gouvernement canadien a adopté une nouvelle politique en matière de contrôle des exportations de matériel militaire, soit les Lignes directrices concernant les exportations de matériel militaire et stratégique. Selon ces Lignes directrices « le gouvernement n’émettra plus de licence pour l’exportation d’équipement militaire à destination de pays où les droits des citoyens font l’objet de violations sérieuses et répétées de la part du gouvernement, à moins qu’il puisse être démontré qu’il n’y a aucun risque raisonnable que l’équipement militaire soit utilisé contre la population civile ». Les lignes directrices prévoient également que le gouvernement exercera un contrôle rigoureux sur les exportations de matériel militaire « à destination des pays engagés dans des hostilités ou sur qui pèse un danger imminent de conflit ».

[8]    Il convient de noter que le contrat de vente de blindés légers de valeur de 15 milliards de dollars à l’Arabie saoudite avait été signé sous l’ancien gouvernement conservateur Stephen Joseph Harper, mais ce sont les libéraux de Justin Trudeau qui ont accordé, en avril 2016, les permis autorisant la compagnie ontarienne General Dynamics Land Systems Canada à exporter ces véhicules.